Joe Biden attend son heure

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

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Changement d’administration: qui sont les principaux candidats et qu’impliqueraient leurs politiques pour les marchés?

Lundi 14 décembre, le collège électoral américain a voté la victoire de Joe Biden, avant que le Congrès ne valide l’élection du nouveau président le 6 janvier. Cette victoire est bien évidemment encore contestée par Donald Trump qui n’a pas encore concédé sa défaite. Il a toutefois autorisé le déblocage des fonds pour permettre à Biden de commencer à travailler sur la transition, en constituant notamment l’équipe qui composera son administration. A moins d’un choc majeur, Joe Biden sera investi le 20 janvier prochain, annonçant un changement radical de nombreuses politiques américaines. Qui sont les principaux candidats au sein de son administration et qu’impliqueraient leurs politiques pour l’économie et les marchés?

La nomination de Janet Yellen pour remplacer Steven Mnuchin au Trésor renforce notre conviction que la Maison blanche de Joe Biden poursuivra des politiques économiques expansionnistes. Bien évidemment, Mme Yellen est surtout connue pour ses quatre années à la tête de la Réserve fédérale (Fed) avant que le président Trump ne la remplace par Jerome Powell. Durant son mandat à la banque centrale, elle a acquis une réputation de «colombe», bien qu’elle ait supervisé le début de la normalisation de la politique monétaire à partir de décembre 2015. Avant de prendre la présidence de la Fed, elle a évolué au cours de sa carrière dans le monde universitaire (se spécialisant dans l’économie du marché du travail) et dans le service public (en qualité de présidente du CEA, le Conseil des conseillers économiques, de Bill Clinton et d’adjointe du président de la Fed Ben Bernanke avant son départ).

Katherine Tai, la remplaçante de Robert Lighthizer,
est d’origine taïwanaise et parle couramment le mandarin.

La priorité donnée à l’emploi par Mme Yellen revêtira une importance particulière pour la politique économique. Durant son mandat à la tête de la Fed, elle a fait pression pour que l’on accorde moins d’importance au taux de chômage global et que l’on mette davantage l’accent sur l’exclusion du marché du travail et les taux de participation. Cette approche correspond à la nouvelle orientation de M. Powell en faveur du «taux d’emploi maximum» annoncée cet été et semble particulièrement pertinente à l’heure actuelle. Les chiffres des créations d’emplois non-agricoles pour le mois de novembre publiés la semaine dernière ont indiqué un ralentissement bien en deçà des attentes, tandis que les nouvelles inscriptions au chômage hebdomadaires publiées la semaine dernière se sont envolées, tout comme le nombre total des personnes au bénéfice d’allocations chômage.

M. Biden vient de nommer Katherine Tai comme Représentante américaine au commerce, en remplacement de Robert Lighthizer, bien connu pour ses positions antichinoises avant d’être nommé par le président Trump. Mme Tai – d’origine taïwanaise et parlant couramment le mandarin – est jugée plus diplomate, ayant déjà travaillé au bureau du Représentant américain au commerce sur la supervision des échanges commerciaux avec la Chine. Nous avons la conviction que la future administration Biden va tenir une ligne dure vis-à-vis de la Chine mais qu’elle va chercher en parallèle à renouer des relations avec les alliés des Etats-Unis en Europe et au Japon en vue d’exercer des pressions collectives sur Pékin. Cela étant, M. Biden a clairement fait savoir que les investissements domestiques seront prioritaires sur les nouveaux accords commerciaux. Il projette de diriger 400 milliards de dollars d’achats du gouvernement fédéral vers des entreprises nationales et d’investir massivement dans la reconversion de la main-d’œuvre et les nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle aux véhicules électriques.

La nouvelle administration Biden
devrait poursuivre des politiques plus expansionnistes.

Cette orientation nationale signifie que le conflit commercial qui oppose actuellement les Etats-Unis à l’UE sur la question des subventions accordées à l’industrie aéronautique pourrait s’éterniser. En octobre 2019, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a statué que l’UE avait accordé des aides d’Etat illégales à Airbus et a autorisé la mise en place de 7,5 milliards de dollars de droits de douane américains sur les exportations européennes de denrées alimentaires et d’avions. Un an plus tard, l’OMC a jugé que les Etats-Unis avaient illégalement aidé Boeing et a donné son feu vert à 4 milliards de dollars de droits de douane européens sur les marchandises américaines. Nous estimons toutefois que ce différend sera résolu à terme, les deux parties ayant davantage à gagner en coopérant qu’en se tenant tête.

Les négociations sur un nouveau plan de relance fiscal se poursuivent, mais sans garantie que le projet actuel de 908 milliards sera approuvé par le Congrès avant l’investiture du président. Toutefois la nouvelle administration Biden devrait poursuivre des politiques plus expansionnistes, comme annoncé dans son programme électoral, ce qui stimulerait les perspectives de croissance à moyen terme. Leur mise en œuvre par le Congrès sera facilitée par l’approche pragmatique de Janet Yellen de recherche d’un consensus fondé sur une analyse étayée des faits. S’agissant des échanges commerciaux, un changement de style est anticipé mais peu de différences en substance compte tenu de la priorité donnée par Joe Biden aux investissements nationaux. Les politiques devraient être favorables aux actions, en particulier celles susceptibles de profiter le plus d’une reprise cyclique. La dégradation des finances publiques, d’autre part, pourrait exercer de nouvelles pressions baissières sur le dollar.

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