Nouveaux horizons: perspectives de marché et d’investissement pour 2024

Shamik Dhar, BNY Mellon IM

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Tant les gestionnaires que les investisseurs vivent avec l'idée qu'une hausse des taux d'intérêt nuit aux prix des obligations, dès lors que les rendements augmentent.

Nouveaux horizons

L'inflation mondiale est-elle enfin sous contrôle? Si oui, quelles sont les implications potentielles pour les investisseurs et les classes d'actifs en 2024? Après des mois d'efforts concertés des grandes banques centrales afin de contenir les pressions inflationnistes, la situation semble aller vers un mieux. Pourtant, au vu des rares signes présageant d'un abaissement prochain des taux d'intérêt et de la persistance de certaines craintes récessionnistes, l'on en vient à se demander si les autorités monétaires du monde dosent correctement leurs politiques.

C'est une des nombreuses questions épineuses que devront se poser les investisseurs internationaux à l'aube de cette nouvelle année, dans un environnement financier toujours qualifié par beaucoup de « nouveau régime ». Dans cet environnement changeant et après des années d'interventions inédites de la part des banques centrales qui ont maintenu les taux d'intérêt à un niveau historiquement faible, ces derniers ont renoué avec des niveaux plus élevés, qu'ils devraient conserver pendant un certain temps, selon la dernière analyse réalisée par BNY Mellon Investment Management1.

Jusqu'ici, ce nouveau monde a donné un coup de fouet aux marchés obligataires, tirant les rendements vers le haut, au prix toutefois d'une volatilité élevée et de réelles craintes quant à un recul des prix des obligations. Les marchés actions semblent eux aussi s'adapter favorablement à l'évolution de la conjoncture économique et financière, malgré quelques périodes de turbulences.

La situation peut toutefois changer sensiblement au cours de l'année à venir. Au-delà de la politique monétaire et des données économiques brutes, la géopolitique peut toujours être source de menaces inattendues. Comme en témoigne l'éclatement du conflit au Moyen-Orient, de nouveaux risques peuvent apparaître de façon soudaine et inopinée dans un monde de plus en plus incertain.

L'évolution du paysage politique peut elle aussi exercer une influence majeure sur les marchés, et la nouvelle année pourrait apporter son lot de surprises et de perturbations. Plusieurs scrutins importants se profilent en 2024, notamment l'élection présidentielle aux États-Unis et diverses élections clés un peu partout en Europe.

Tous ces éléments nous ont incités cette année à poser la question suivante à plusieurs de nos gérants de portefeuille: Selon vous, quelle est l'opportunité/la menace principale pour votre classe d'actifs en 2024? Les opinions, perspectives et prévisions exposées dans le présent rapport sont fondées sur leurs réponses.

Nos gérants abordent au fil de ce rapport les tendances politiques et les développements commerciaux et économiques plus larges, ainsi que les risques et opportunités qui pourraient en découler en 2024 et au-delà. Nous espérons ainsi vous offrir un aperçu utile de l'évolution probable de divers éléments dans les mois à venir.

Vue d'ensemble...

La question importante à se poser est la suivante: quel sera le niveau des taux d'intérêt à long terme une fois la période de turbulences économiques derrière nous? A contrario d'autres groupes tels que le Fonds monétaire international (FMI) ou certaines banques centrales, nous estimons que les taux d'intérêt se stabiliseront à un niveau supérieur à celui qui a prévalu après la crise financière mondiale, soit durant la période 2008-2019, lorsque les taux d'intérêt étaient pratiquement nuls.

Certains éléments viennent selon nous justifier une hausse possible de la composante des taux d'intérêt servant à compenser l'inflation. Si les pressions inflationnistes sous-jacentes s'accentuent, nous pourrions assister à d'autres chocs désagréables du côté de l'offre, tels ceux qui ont suivi la pandémie de Covid et ont tiré les prix vers le haut. Les banques centrales pourraient par ailleurs modifier leurs niveaux d'inflation cible. Nous avons longuement débattu des niveaux d'inflation, durant dix ans au moins (depuis 2008), nous demandant si la cible de 2% n'était pas trop basse, impliquant un risque que le niveau zéro soit trop fréquemment atteint. Ce débat pourrait reprendre lorsque l'inflation sera à nouveau maîtrisée.

À terme, il s'agit d'une décision politique, mais je discerne certaines raisons susceptibles de remettre en cause le système de ciblage de l'inflation des banques centrales dans son ensemble. Même si cela ne se concrétise pas de jure, c.-à-d. par voie de décision politique, c'est possible de facto, en cela que les banques centrales pourraient arriver à la conclusion que le prix à payer pour ramener l'inflation à 2% de manière durable est trop élevé. Par conséquent, elles pourraient viser un niveau légèrement supérieur à 2%-2,5%, ce qui pourrait leur permettre de maintenir les taux à un niveau inférieur à ce qu'ils seraient autrement.

L'inflation semble avoir atteint son pic dans la plupart des grandes économies. Elle pourrait se stabiliser aux alentours de 3% ou entre 2% et 3% relativement rapidement, sur la prochaine année environ, particulièrement si nous affrontons des récessions. Une préoccupation clé demeure toutefois: une fois que l'inflation a été intégrée à la pensée, la psychologie inflationniste peut persister pendant un long moment, surtout si les banques centrales n'affirment pas avec suffisamment de force qu'elles parviendront bel et bien à ramener l'inflation à son objectif.

Cette problématique est selon moi plus forte au Royaume-Uni et en Europe qu'aux États-Unis. Une des raisons à cela est ce que l'on appelle la résistance des salaires réels, outre Manche et sur le Vieux Continent. Lorsque l'inflation grimpe, les travailleurs exigent des salaires plus élevés et les entreprises tentent de préserver leurs marges, ce qui donne lieu à une spirale inflationniste. Ainsi, très rapidement, les individus conjecturent sur le niveau de l'inflation, pas seulement à l'horizon des 12 prochains mois, mais à moyen terme également. J'ai bien peur que ramener ces attentes au niveau d'inflation cible de 2% s'avère plus difficile que ne le pensent les marchés. Cela explique en partie pourquoi les acteurs du marché tablent désormais sur des taux d'intérêt plus élevés pendant une période prolongée pour la plupart des économies.

Tant les gestionnaires que les investisseurs vivent avec l'idée qu'une hausse des taux d'intérêt nuit aux prix des obligations, dès lors que les rendements augmentent. Si cela est vrai à court et moyen termes, dans bien des cas, et plus particulièrement pour les détenteurs d'obligations à long terme, l'essentiel de la performance provient de la composante revenus. Si vous détenez une obligation jusqu'à son échéance, la fluctuation de son prix, qui affecte bel et bien la valeur au prix du marché de l'obligation en question, n'a en revanche aucune incidence sur sa performance à long terme ; vous obtiendrez ce pour quoi vous avez payé plus les coupons intermédiaires. Vu sous cet angle, c'est toujours la composante revenus qui dicte la performance de l'obligation sur de longues périodes, ce qui signifie que la hausse des taux d'intérêt peut être bénéfique pour les détenteurs d'obligations.

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