Ne soyez pas rationnels, croyez à la reprise en V!

Florian Roger, Exane Derivatives

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Le scénario en V se transformera en racine carrée en fin d’année et nécessitera encore plus d’interventionnisme des Etats.

©Keystone
La thématique d’une reprise en V sera alimentée au troisième trimestre

Les aspects sanitaires se révèlent actuellement clés pour la dynamique des marchés. Le ralentissement de la vitesse de circulation du virus dans les pays du G7 entre mi-mai et début juin, alors que les phases de dé-confinement ont été engagées, a provoqué un rebond extrêmement violent des marchés et a laissé peu de place à des mauvaises nouvelles. Dans ce contexte, l’apparition de nouveaux clusters de COVID-19 en Asie et le passage du nombre total de cas officiels au-delà de 2 millions aux Etats-Unis ont engendré des prises de profit et une correction brutale des marchés actions la semaine passée. La tendance globale dans les pays du G7 demeure pourtant à l’amélioration sur le front sanitaire. Cela permet une accélération des reprises d’activités. Selon nous, les chiffres macro-économiques vont de ce fait fortement rebondir au troisième trimestre 2020: 

  • Des effets de rattrapage devraient être constatés sur le front de la consommation. Aux Etats-Unis, le taux d’épargne atteint 33% du revenu disponible vs une moyenne de 6% sur les 20 dernières années.
  • La reprise de la construction, activité très intensive en travail, devrait générer d’importantes créations d’emplois au troisième trimestre 2020. Aux Etats-Unis, alors que le cycle immobilier est loin de s’achever (un cycle immobilier dure normalement 20 ans et la période d’expansion actuelle a débuté en 2009), plus d’un million d’emplois ont été détruits dans le secteur de la construction.
  • Pour réamorcer leur activité, les entreprises vont devoir réaliser d’importants investissements fonctionnels. La littérature économique montre que les dépenses en équipements et logiciels s’effondrent en cas de contraintes financières ou réelles fortes car les entreprises se mettent en mode survie. En contrepartie, lors des phases de reprise, ces dépenses rebondissent plus fortement que le PIB et dépassent généralement les attentes des économistes.
La dynamique conjoncturelle sera meilleure
qu’attendu au troisième trimestre 2020.
La value européenne devrait en profiter à court terme

Nous pensons donc que la dynamique conjoncturelle sera meilleure qu’attendu au troisième trimestre 2020 et alimentera le scénario d’une reprise en V. Nous continuons de privilégier une approche value centrée sur l’Europe. Le vieux continent semble actuellement le mieux positionné par rapport à la dynamique de la pandémie et aux reprises d’activité. En outre, l’évolution du policy mix se révèle favorable en Europe, avec l’augmentation de la taille et de la durée du programme d’achat d’actifs Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP) de la BCE, le lancement des TLTROs III (Targeted Longer-Term Refinancing Operations ou opérations ciblées de refinancement de long terme) et la création du fond de recovery.

Nous sommes plus spécifiquement positifs sur les actions cycliques et financières européennes (avec un biais plutôt large cap et qualité), sur le crédit financier européen et sur les spreads périphériques souverains de la zone euro. 

Le risque souverain pourrait faire son grand retour.

Si une reprise en V va se dessiner au T3 2020, elle ne sera, selon nous, pas suivi des faits. Il ne s’agit pas du scénario le plus rationnel et le plus probable pour la fin d’année. Dans de nombreux pays, les marchés du travail resteront déprimés, ce qui pèsera durablement sur la demande. Les taux de défaut des entreprises vont augmenter, sachant qu’il y a généralement un délai de 6 mois entre un choc macro-économique et l’augmentation des défaillances d’entreprises.

Le contexte macro-financier pourrait alors redevenir plus tendu. Cela devrait obliger les Etats à poursuivre leurs efforts budgétaires et les banques centrales à amplifier leurs programmes d’achats d’actifs pour prévenir les tensions dans la sphère obligataire. Cet interventionnisme toujours plus important des acteurs publics peut permettre au marché de rester bien orienté malgré le ralentissement macro-économique mais mettra à l’épreuve la crédibilité des institutions. En corolaire, le risque souverain risque de faire son grand retour. Le monde émergent pourrait s’en trouver fragilisé, surtout si Donald Trump venait à être réélu. 

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