Ne pas se contenter de suivre la balle

Christopher Smart, Barings

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Les investisseurs savent qu'il faut regarder là où personne d'autre ne regarde. Cette semaine ne fait pas exception à la règle.

Nous y sommes. Difficile d'imaginer ce qui n'a pas encore été dit ou écrit sur cette campagne présidentielle américaine à rebondissements. Très prochainement, nous assisterons à de nouveaux débats au sujet des nominations des membres du cabinet et des présidents des différentes commissions, ainsi que du mix impôts/dépenses que l'on peut attendre de la plus grande économie du monde.

Cela dit, les investisseurs seraient bien avisés cette semaine de regarder au-delà et de se concentrer sur des informations moins visibles qui pourraient s'avérer beaucoup plus importantes pour les marchés dans les prochains mois.

La plus grande menace à court terme pour les marchés viendra des nouvelles
restrictions découlant des dernières données sur les taux de mortalité du COVID-19.

Nous savons déjà que la politique monétaire américaine restera extrêmement favorable à la suite de l'un ou l'autre des résultats de ce mardi. Nous savons déjà que le Congrès adoptera probablement des mesures de relance d'environ 2’000 milliards de dollars lorsque la fièvre électorale s'estompera. Mais il est encore difficile de prévoir comment certains autres sujets seront interprétés avec des risques potentiels sur les marchés beaucoup plus importants:

  1. COVID-19: Outre un décompte des votes désordonné qui finit devant les tribunaux, la plus grande menace à court terme pour les marchés viendra des dernières données sur les taux de mortalité et d'hospitalisation et, surtout, des nouvelles restrictions qu'ils pourraient déclencher. Les investisseurs se sont préparés à un hiver marqué par une deuxième vague, mais ils espèrent éviter tout ce qui ressemblerait au confinement printanier. A l'inverse, toute avancée surprise en matière de vaccins pourrait aider les investisseurs à envisager une meilleure reprise l'année prochaine.
  2. Emplois: Le prochain premier vendredi du mois, lorsque le Bureau américain des statistiques du travail présentera un aperçu de la reprise de l'emploi, tombera quelques jours seulement après les élections. Il s'agira toutefois d'une donnée essentielle pour la trajectoire probable de l'année prochaine. Les demandes initiales d'allocations de chômage ont chuté de près de 750'000 la semaine dernière, mais les gains se ralentissent et les perspectives mondiales dépendent essentiellement de la vitesse à laquelle le marché du travail américain se rétablit.   
  3. Résultats des entreprises: Les derniers chiffres ont été solides, reflétant les énormes rebonds du PIB en Chine, en Europe et aux Etats-Unis. Mais les marchés resteront beaucoup plus sensibles aux perspectives de résultats pour l'année prochaine de quiconque aura le courage d'en proposer. Microsoft a par exemple dépassé les attentes en matière de bénéfices, mais a souffert d'avoir offert des prévisions de revenus trop faibles. General Electric a rebondi sur des prévisions meilleures que prévu. Cette semaine, il faudra suivre attentivement les déclarations de PayPal, GM et Loews.  
  4. La Fed: La réunion de novembre se termine jeudi et rares sont ceux qui se préparent à de grands changements de politique ou d'orientation. Mais le compte-rendu de septembre montre que «de nombreux participants» ont supposé que davantage de mesures de relance étaient à portée de main, et que des retards persistants pourraient inciter à envisager de nouveaux achats d'actifs. Si tel est le cas, cela semble être l'un des signaux qui pourraient aller dans un sens ou dans l'autre : les marchés vont soit accueillir un nouveau soutien, soit redouter que la Fed ne s'inquiète.
  5. Directeur général de l'OMC: La nouvelle direction de l'Organisation mondiale du commerce ne fera pas bouger les marchés à elle seule, mais la décision prise cette semaine par l'administration Trump de bloquer le favori présumé, l'ancien ministre nigérian des finances Ngozi Okonjo-Iweala, souligne les tensions commerciales persistantes qui sous-tendent la reprise mondiale - en particulier les différences entre Washington, Tokyo, Pékin et Bruxelles. Le message de Biden a souligné son empressement à réparer les relations avec les alliés, mais nombre de ces divergences sont profondes et ne seront pas résolues avec quelques mots aimables. Le programme commercial de la Chine pourrait devenir encore plus difficile à mesure que les questions politiques et diplomatiques s'y immisceront.
  6. Brexit: Un accord commercial semble proche entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, mais il n'est pas conclu tant qu'il n'est pas signé. Un échec tardif des négociations nuirait surtout aux entreprises britanniques qui perdraient leur accès aux marchés continentaux, mais une surprise est une surprise, et les marchés obligataires les détestent.
  7. L'escalade des crises: Les crises politiques suivent rarement un calendrier précis, mais il ne faut pas perdre de vue l'escalade des tensions entre la Turquie et ses voisins européens à propos des revendications de souveraineté concurrentes en Méditerranée orientale et des accusations sur le traitement des musulmans en Europe. Pendant ce temps, une autre question brûlante concerne le différend frontalier de longue date entre Pékin et New Delhi, qui vient de s'étendre de l'Himalaya à la mer de Chine méridionale.

Ce sont tous des événements qui auront inévitablement l'air moins importants que le battage qui entoure le vote américain de mardi, surtout si les résultats prennent plusieurs jours pour être comptabilisés (Conseil avisé: regardez le décompte du comté de Pinellas en Floride, qui a correctement prédit neuf des dix dernières élections présidentielles). Mais dans un pays où les émotions politiques sont si fortes, il existe un large consensus sur les politiques macroéconomiques à adopter l'année prochaine, alors que certains de ces autres sujets ne sont pas pris en compte.

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