Monétiser la prime liée au Brexit

Felipe Villarroel, TwentyFour AM

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Le Brexit semble s’approcher d’une étape décisive. Les taux de défaut devraient rester bas, grâce à la vigueur du secteur bancaire britannique.

Nous affirmons depuis longtemps que les gestionnaires de fonds obligataires, dont le mandat consiste à générer des revenus sans risque de change, ont tout intérêt à se pencher attentivement sur la prime liée au Brexit qui est reflétée dans les spreads. Selon nous, les conséquences d’un Brexit dur seraient sans aucun doute négatives à court terme, car les marchés n’aiment pas l’incertitude. Pour la plupart des entreprises, cependant, le Brexit posera au final davantage de problèmes sur le plan des revenus que de la solvabilité. S’il en est ainsi, c’est que la vigueur du secteur bancaire britannique, dont les niveaux de fonds propres sont pratiquement trois fois plus élevés qu’avant la crise, permet au système d’absorber un choc négatif tout en continuant à accorder des prêts, ce qui, à son tour, permettrait de maintenir les taux de défaut sous contrôle. Par conséquent, se concentrer sur les titres du secteur financier et d’entreprises qui n’étaient pas exposés directement au Brexit au travers de leurs échanges avec l’UE semblait un moyen raisonnable de tirer parti de la prime liée au Brexit.

Les atermoiements du parlement
ne semblent pas affecter la tendance à la hausse de la livre.

Les acteurs du marché pourraient s’être habitués au fait que la prime liée au Brexit est intégrée dans les spreads mais, à notre avis, si les négociations devaient avancer significativement, alors ladite prime devrait se réduire et se trouver monétisée sous la forme de gains en capital. Ce processus s’est véritablement enclenché ces derniers jours, alors que les actifs en livre sterling ont surperformé et que nos écrans ont croulé sous la demande tandis que l'offre s'est faite très rare. Les négociations du Brexit pourraient encore achopper sur de nombreuses questions, mais les marchés semblent penser que, cette fois, les choses sont différentes. Les atermoiements du parlement ne semblent pas affecter la tendance à la hausse de la livre sterling, principal baromètre des attentes du marché à l'égard du Brexit, et les spreads continuent de se détendre. Alors, reste-t-il encore une prime liée au Brexit à ce stade? Nous sommes d'avis que c'est le cas.

Les spreads des indices du haut rendement en livre sterling, en dollar et en euro prouvent clairement que c’est le cas, selon nous. Au début de l'année 2016, avant l’annonce du référendum, les spreads du haut rendement en GBP étaient inférieurs d’environ 150 pb à ceux en USD et inférieurs de presque 40 pb à ceux en EUR. À l’apogée de la prime liée au Brexit, les spreads du haut rendement en GBP étaient supérieurs de 150 pb à ceux en USD (T1 2019) et supérieurs de 175 pb à ceux en EUR (août 2019) au niveau de l'indice. 

Il reste encore une prime substantielle liée au Brexit.

À l’heure actuelle, les spreads du haut rendement en GBP sont encore supérieurs de 85 pb à ceux en USD et supérieurs de 131 pb à ceux en EUR. Il faut reconnaître qu’au premier trimestre de 2016, le haut rendement en USD se négociait avec une décote en raison des problèmes affectant le secteur de l’énergie, que ces indices sont différents et que leur composition change au fil du temps car de nouvelles obligations y sont ajoutées, d’autres arrivent à échéance ou sont remboursées (ou font défaut). Cependant, pendant la majeure partie de la période, la notation moyenne de l’indice du haut rendement en GBP a été BB-, identique à celle de l'indice du haut rendement en EUR, tandis qu'elle était de B+ pour celui en USD, et ces notations n’ont guère changé depuis. Pour moi, cela signifie qu’il reste encore une prime substantielle liée au Brexit.

En ce qui concerne les valeurs financières, le seul titre pour lequel nous pensons qu’une prime liée Brexit est encore observable est l’obligation RT1 de la Pension Insurance Corporation. Elle se négocie actuellement à 107,25 et on peut comprendre que ceux qui ont acheté le titre à son lancement envisagent d’en retirer quelques bénéfices. Toutefois, le rendement de cette obligation à son échéance 2029 est encore de 6,36% et sa notation BBB-. Nous pensons que les attitudes à l'égard d’actifs en GBP tels que ceux-ci pourraient évoluer du «Non merci, pas de risque Royaume-Uni» à: «Cela continue à être attrayant même après le rallye». Il s'agit là d'un exemple parmi tant d'autres des rares titres investment grade et à haut rendement qui offrent encore une véritable valeur dans l’univers des placements obligataires impactés par l’assouplissement quantitatif.

Pour conclure, nous continuons de penser que, grâce à la vigueur du secteur bancaire britannique, les taux de défaut devraient rester bas, même en cas de scénario défavorable et que, pour la plupart des entreprises, le Brexit pose un problème de revenus plutôt que de solvabilité.

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