Mauvaise statistique, bonne nouvelle?

Axel Botte, Ostrum AM

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Les TIPS et les actions entrevoient la possibilité d’une politique monétaire toujours plus accommodante.

©Keystone

Janet Yellen joue à la petite phrase sur les taux, avant d’apporter, dès le lendemain, un correctif qui permettra opportunément d’effacer le décrochage de 2% du S&P 500 en milieu de semaine. De son côté, la Fed, dans un nouvel accès de schizophrénie, injecte aussi sa dose semestrielle de mise en garde face aux risques financiers liés aux niveaux de valorisations des actifs. 

La Fed n’est pas la seule banque centrale à souffler le chaud et le froid sur les marchés. La tendance est à la réduction du soutien monétaire, mais les précautions de langage restent de mise. La BoE a laissé inchangée l’enveloppe de l’APF à 875 milliards de livres sterling tout en diminuant d’un milliard à 3,4 milliards de livres ses interventions hebdomadaires, ce qui assurera une sortie du quantitative easing en douceur au quatrième trimestre. La BCE tente de préparer les marchés financiers à une réduction du PEPP en juin, tout en laissant entendre qu’une compensation est envisageable sur son programme de rachat d’actions fixé à 20 milliards d’euros par mois.

Des indicateurs rassurants

Les indices ISM se maintiennent au-delà de 60 en avril. Les commandes assureront un haut niveau de production pour les prochains mois, d’autant que les stocks sont réduits. Cela étant, les pressions sur les chaînes logistiques et la hausse des prix des matières premières se renforcent. La croissance américaine est principalement limitée par des facteurs d’offre. Cet élément est crucial pour déterminer le stimulus approprié. Compte tenu des équilibres politiques, un consensus se dessine pour un taux d’imposition des sociétés relevé à 25% au lieu des 28% proposés par l’Administration Biden. 

Les transferts fédéraux élevés augmentent
le salaire de réserve des travailleurs les moins qualifiés.

Du côté des ménages, les crédits d’impôt pour l’activité et l’accès à l’éducation apparaissent cruciaux. Les difficultés de recrutement s’accumulent en effet. Les compétences sont rares. Les transferts fédéraux élevés augmentent le salaire de réserve des travailleurs les moins qualifiés. Les 300 dollars d’allocation chômage fédérale expirent en septembre. Ces effets frictionnels et les tendances démographiques lourdes pèsent encore sur la participation. Le dernier indicateur sur l’emploi détonne avec l’ensemble des indicateurs économiques. L’ajustement saisonnier efface 823’000 créations d’emplois en avril et le chiffre désaisonnalisé de 266’000 apparaît douteux. Résultat, le taux de chômage remonte à 6,1%. En zone euro, les PMI rassurent quant aux perspectives de reprise économique. Le Caixin chinois des services (56,3) est également encourageant, comme la performance à l’exportation. L’excédent commercial chinois ressort à 42 milliards de dollars en avril.

Un surcroît de volatilité

Le taux à dix ans américain a immédiatement cassé le seuil des 1,50% en réaction à la publication, avant de repartir à la hausse vers 1,57% en clôture hebdomadaire. Tout ralentissement dans le redressement de l’emploi favorisera le maintien de la politique monétaire actuelle. Pour cette raison, le taux à cinq ans s’est détendu à 0,74% et le spread 5-30 ans s’est fortement repentifié. En outre, le Trésor américain a communiqué son programme d’émissions pour le trimestre en cours. Les tailles d’émissions mensuelles resteront inchangées pour emprunts nominaux (2 à 30 ans). 

Toutefois, la forte demande de TIPS incite le Trésor à relever graduellement ses emprunts indexés d’un milliard de dollars chaque mois. Les émissions totales de TIPS cette année augmenteront de 10 à 20 milliards de dollars par rapport à 2020. La trésorerie prévue à fin juillet fait état d’un avoir de 450 milliards de dollars. À cette date, la suspension du plafond de la dette arrivera à son terme le 31 juillet. Le Trésor anticipe une nouvelle suspension ou un relèvement du plafond, mais cette contrainte pèsera dans les discussions parlementaires comme sur la dynamique des T-bills. La demande de TIPS se nourrit de la hausse sur les matières premières qui contraste avec le déni de réalité de la Fed au sujet de l’inflation. Le rendement réel à dix ans plonge ainsi de 14 pb sur la semaine. 

Les dettes périphériques absorbent un peu plus difficilement
un marché primaire fourni en Espagne.

En zone euro, les errements de communication de la BCE engendrent une volatilité plus forte sur le Bund. L’emprunt allemand oscille autour de -0,20%. Les dettes périphériques absorbent un peu plus difficilement un marché primaire fourni en Espagne, d’autant qu’une syndication de BTP 30 ans semble se profiler dans les prochaines semaines. Le spread italien à dix ans ressort à 119 pb. La dégradation des déficits et la concurrence prochaine des émissions européennes pèsent également sur l’OAT (+3 pb). Le crédit résiste à la volatilité des taux. Les flux s’améliorent sur l’investment grade américain et européen. 

Les dettes périphériques sous pression militent pour des réallocations vers le crédit, où les spreads sont stables depuis le début de l’année. Le primaire reprend après la saison des résultats. Les émissions se placent bien. On note une sous-performance des titres hybrides, du fait de niveaux de valorisation élevés. Les indices, si prompts habituellement à réagir à la volatilité actions, continuent d’évoluer dans une fourchette étroite. L’iTraxx Crossover s’échange autour de 250 pb. Le high yield reste en forte demande, malgré un total d’émissions dépassant de 60% le record de 2020 (102 milliards d’euros). Le thème de la compression s’affaiblit. La statistique d’emploi prolonge cet environnement de liquidité favorable, de sorte que les rachats de T-note s’accompagnent de positions acheteuses sur le Nasdaq. La croissance des profits soutient la cote, mais cette sensibilité aux taux semble anormalement élevée. Les profits des banques américaines et des sociétés de matières premières ont doublé sur un an. Le risque de levée des brevets sur le vaccin du COVID pèse sur le secteur de la santé.

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