Marchés ESG, quels défis à venir?

Ophélie Mortier, DPAM

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La réglementation SFDR place la barre haut; tant pour la diffusion de données que pour les approches durables.

Les cinq dernières années ont été des années record en termes d’émissions d'obligations «vertes» et équivalents, mais ce n'est qu'un début. Il devrait y avoir un recours massif à ces instruments dans les années à venir, qui devraient augmenter la diversification dans les marchés. Les investisseurs, qu'ils soient volontairement attirés par ces instruments ou poussés par la réglementation, tendent à acheter des actifs «verts» dont les valorisations commencent à refléter une forte demande.

Ainsi, la taxonomie européenne, entre autres, pousse les investisseurs à acheter des titres qui leur permettront d'afficher les meilleurs taux d'alignement sur les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, les deux premiers objectifs d’une série à laquelle se sont rajoutés quatre autres plus récemment1.

Celle-ci devrait également permettre de réallouer les capitaux vers les activités économiques et les entreprises contribuant aux objectifs environnementaux alignés sur la taxonomie.

L'échec de la COP26 sur plusieurs points essentiels de la coopération internationale et la méfiance entre les Etats vont renforcer les tensions géopolitiques sur le sujet.

Toutefois, et bien que les pays aient des ambitions importantes, pour réussir, celles-ci doivent être atteintes à l'échelle mondiale. C’est pourquoi, l’issue de la COP26 n'a pas été rassurante. C’était «une COP des pays riches pour les pays riches», comme l'ont déclaré plusieurs experts, et avec un décalage important entre les déclarations officielles de la première semaine et les concessions concrètes mises sur papier la deuxième semaine. Cela a engendré un contexte de méfiance sans précédent, notamment entre les économies développées et émergentes, auquel les prochaines conférences devront trouver une solution rapidement. La guerre de leadership climatique entre la Chine et les Etats-Unis a déjà créé quelques tensions géopolitiques. L'échec de la COP26 sur plusieurs points essentiels de la coopération internationale et la méfiance entre les Etats vont renforcer les tensions géopolitiques sur le sujet.

LE SOCIAL ET LA GOUVERNANCE

L'impact de la réglementation concernant les exigences sociales et de gouvernance a été assez limité pour le moment, notamment sur la valorisation.

Au niveau social, l'accent reste mis sur la prise en compte complexe des Droits de l’Homme tout au long de la chaîne de valeur. Une première version de la taxonomie sociale a déjà été publiée l'été dernier, mais promet des débats animés sur sa mise en œuvre.

La même situation est observable en termes de gouvernance: les garanties minimales à appliquer d'un point de vue réglementaire viennent renforcer l'examen des incidents et scandales auxquels les émetteurs sont confrontés. De plus, le passage de la suprématie des actionnaires à la gouvernance des parties prenantes met au premier plan la notion de «mission» de l'entreprise envers la société. Cela a ouvert la porte à des débats intéressants sur l'équilibre fragile de ce microcosme.

à RETENIR

En somme, les marchés ESG ont connu une forte croissance au cours des dernières années, jusqu’à devenir, aujourd’hui, le courant dominant. Et tout laisse à penser que cette tendance va se poursuivre. 

Par ailleurs, la réglementation va soutenir, voire accélérer, cette tendance. La règlementation SFDR, en particulier, change la donne dans la transformation de différents actifs en solutions d'investissement ESG.

Du côté de l'offre, le champ des actifs verts reste relativement restreint, avec des biais géographiques et sectoriels.

Quant à la demande, elle est clairement en hausse. Du côté de l'offre, le champ des actifs verts reste relativement restreint, avec des biais géographiques et sectoriels. Cela pourrait peser sur la valorisation. Il est impératif que ce dernier s'élargisse afin d'éviter une surcharge des risques d'investissement parmi ceux que nous connaissons déjà. Une gestion active des portefeuilles gérés pourra faire la différence.

Suite à la récente hausse des valorisations, l’erreur potentielle de valorisation des actifs ESG et la corrélation positive entre ESG et performance financière pourraient être contestées. Compte tenu de la diversité des approches en termes de durabilité, la réponse n'est pas toujours évidente. Néanmoins, une récente méta-analyse2 du NYU Stern Center for Sustainable Business et de Rockefeller Asset Management a confirmé la corrélation positive et/ou neutre entre l'ESG et la performance financière. Le consensus du marché s'établit sur le fait que l'ESG peut conduire à une surperformance.

Enfin, la question des données est un défi bien connu. La règlementation SFDR et la taxonomie en particulier ont changé la donne pour l'investissement ESG. Les besoins des investisseurs ont évolué passant des évaluations ESG subjectives de fournisseurs de données, aux données brutes objectives provenant directement des entreprises. Le monde financier a besoin de données adéquates, fiables et prospectives pour prendre des décisions d'investissement appropriées, en parfaite adéquation avec l'agenda politique 2030-2050. L'annonce par l’International Financial Reporting Standards (IFRS) de la création de l'International Sustainability Standards Board (ISSB) a donc été bien accueillie par les marchés. Cela permettra de développer une base de référence mondiale complète sur les normes de diffusion des données durables pour les marchés financiers, ce qui est une évolution prometteuse pour la suite.

 

1 La durabilité et protection des ressources en eau et des ressources marines; la transition vers une économie circulaire; la prévention et le contrôle de la pollution; la protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes
2 Une majorité de 1141 articles évalués par des pairs et 27 méta-analyses publiées entre 2015 et 2020.

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