Les vendeurs capitulent

Axel Botte, Ostrum AM

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La BCE augmente le PEPP de 600 milliards d'euros. La Fed pourrait cibler les taux longs.

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Les vendeurs semblent capituler sur les marchés d’actions. Le S&P 500 tutoie les 3200 points sur fond de rachats de positions vendeuses. Le sentiment envers les marchés européens s’est nettement amélioré depuis la proposition d’un plan de relance européen. Les principaux indices européens ont gagné 10% la semaine passée. Les valeurs cycliques décotées et les bancaires sont rachetées.

Les rendements obligataires ont cette fois-ci décroché à mesure que les actifs risqués s’envolaient. Le 10 ans américain s’échange au-delà de 0,90% en fin de semaine entrainant le Bund dans son sillage au-dessus de -0,30%. Le nouvel assouplissement monétaire de la BCE (hausse de 600 milliards d'euros de PEPP) a freiné la dégradation du marché de taux et contribué à un resserrement marqué des spreads souverains. L’euro, à 1,13 dollar, traduit aussi la confiance des intervenants dans la zone euro. Le dollar reste faible avant la décision du FOMC cette semaine. Une politique de yield curve control sera sans doute débattue.

Les marchés du crédit restent bien orientés, portés par la demande finale et l’intervention des Banques Centrales. Les spreads se resserrent de plus de 20pb sur la semaine et même davantage sur les notations spéculatives. La dette émergente libellée en dollars se situe sous 500pb contre Treasuries.

Le graphique de la semaine

Le FOMC se réunit cette semaine. La discussion portera probablement sur la politique de yield curve control.
Cette politique consiste à cibler un taux long afin d‘ancrer les anticipations du marché et d’assurer le financement à bas coût du déficit fédéral. Sous ce régime monétaire, la volatilité des taux aura tendance à diminuer grâce au soutien conditionnel de la Banque Centrale.
La pentification du spread 5-10 ans pourrait indiquer que le marché s’attend à ce que la Fed cible le 5 ans.
La capitulation des vendeurs

L’exubérance irrationnelle réapparait-elle sur les marchés financiers? La dépréciation du dollar américain reflète le financement de positions en actifs risqués, dont les actions, les matières premières ou encore le crédit, jusqu’aux tranches de CLO. Le carry trade de 2009 est peut-être en train de se répéter. La provision de liquidité sans précédent par les Banques Centrales reste le principal moteur de la violente remontée des prix d’actifs depuis le point bas du mois de mars. L’excès de demande d’actifs induit par l’assouplissement monétaire prend à revers le consensus baissier justifié par le plongeon de l’activité sans précédent. Le solde net vendeur de positions spéculatives sur les contrats S&P500 s’est réduit la semaine passée à partir de niveaux extrêmes. Ainsi, les intervenants pessimistes capitulent. Le débouclement de leurs positions occasionne de forts réajustements de prix, sans rapport avec les fondamentaux sous-jacents. Certes, les dernières publications dessinent un scénario de reprise depuis le point bas d’avril. L’activité de services en Chine s’est largement améliorée en mai (55). La plupart des enquêtes européennes ont amorcé un rebond lié au déconfinement progressif dans plusieurs pays. Aux Etats-Unis, la situation de l’emploi est bien meilleure qu’attendu malgré l’écart inédit entre l’estimation de l’ADP (-2,7 millions d’emplois en mai) et le chiffre publié par le BLS (+3 millions d’emplois privés), indiquant une forte baisse du chômage temporaire.

La BCE augmente le PEPP, la Fed pour un ciblage des taux longs?

La BCE a relevé le montant de ses achats d’actifs ajoutant 600 milliards d'euros au PEPP initié en mars. Ce programme d’achats augmenté à 1350 milliards d'euros désormais courra jusqu’en juin 2021. Le réinvestissement des tombées est prévu jusque fin 2022. L’excédent de liquidités va également s’accroître avec le prochain TLTRO-III. Cette transaction devrait ajouter autour de 800 milliards d'euros de liquidités au système financier. A ce sujet, la BCE n’a pas modifié le multiple des réserves exonérées du taux négatif malgré l’augmentation anticipée de l’excédent de liquidités. Un ajustement ultérieur est probable.

La capitulation des intervenants pessimistes a provoqué
une hausse hebdomadaire de 10% du CAC 40 en France.

L’attention se portera cette semaine sur la Fed qui pourrait opter pour une politique de ciblage des rendements des Treasuries à long terme. Il s’agit d’empêcher une dérive précoce des taux longs. Le taux ciblé aura probablement une maturité de 5 ou 10 ans. L’objectif est aussi de limiter la croissance effrénée du bilan qui dépasse désormais 7000 milliards de dollars.

Sentiment constructif envers la zone euro

En termes de stratégie, la hausse vertigineuse des marchés d’actions se nourrit de couvertures de positions vendeuses. La capitulation des intervenants pessimistes a provoqué une hausse hebdomadaire de 10% du CAC 40 en France. Le sentiment envers les actions européennes s’est nettement amélioré de sorte que les non-résidents accumulent de nouveau des positions en actions de la zone euro. Le taux de change de l’euro est en hausse vers 1,13 dollar. L’autre élément nouveau concerne les flux d’allocation d’actifs. Jusqu’à présent, la hausse des actions n’avait pas pesé sur les rendements obligataires. Les fonds obligataires accusent des sorties au profit des fonds investis en actifs risqués. Aux Etats-Unis, les ETFs de Treasuries ont ainsi connu une première semaine de décollecte depuis l’éclatement de la crise.

Sur les marchés de taux, le rendement du Bund s’est tendu suivant la tendance initiée aux Etats-Unis. L’emprunt allemand à 10 ans s’échange à -0,28%. Le plan de relance présenté récemment par la Commission Européenne induira, s’il est adopté, des émissions à long terme de l’UE concurrentes du Bund. Cela provoque aussi une pression sur la courbe allemande. La décision de la BCE a cependant permis au Bund de surperformer le T-note à 10 ans (+12pb vs. +26pb). Outre les chiffres d’emploi, le marché teste probablement la volonté de la Fed à maintenir les taux longs à un niveau bas après avoir repoussé l’option des taux négatifs. Le FOMC ne prendra pas le risque d’attiser la volatilité. Cela milite pour une position acheteuse de Treasuries alors que le 10 ans s’échange au-delà de 0,90%. La pentification de la courbe perdure également, de sorte que le 30 ans américain pourrait continuer à se dégrader. Le Gilt a un comportement similaire au Bund. Les taux négatifs ne sont pas exclus au Royaume-Uni. Au Japon, si le 10 ans restera proche 0%, le spread 10-30 ans conserve un potentiel d’élargissement dans le sillage des Treasuries.

La dette émergente en dollars participe
au rally des actifs risqués.

Les spreads souverains ont poursuivi leur mouvement de resserrement initié par les propositions de plan de relance budgétaire en Europe. Le spread de l’Italie s’échange autour de 170pb à 10 ans. La syndication de BTP 2030 a d’ailleurs attiré une demande supérieure à 100 milliards d'euros. Les enquêtes de positionnement indiquent une surexposition importante des gestions sur les emprunts souverains périphériques. Les obligations portugaises et espagnoles traitent sous 90pb.

Les marchés du crédit profitent de l’environnement favorable au risque. Les spreads IG en zone euro se sont rétrécis de 36pb par rapport au Bund avec une légère surperformance des dettes financières. Aux Etats-Unis, le spread IG moyen est revenu à 146pb contre 375pb au plus fort de la crise financière. Le rally des spreads s’est accéléré au cours des deux dernières semaines à mesure que la Fed déployait les montants promis fin mars. Le marché du high yield connait un mouvement similaire. Les primes se détendent, notamment sur les marchés synthétiques.

L’iTraxx Crossover cote sous le seuil de 350pb. Enfin, la dette émergente en dollars participe au rally des actifs risqués. La baisse du dollar facilite les stratégies de portage sur la dette externe et les flux vers les fonds émergents s’accumulent.

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