Les valorisations à long terme ne peuvent pas être ignorées

Michael McEachern, Muzinich & Co.

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La gravité du choc du COVID-19 sur les bilans obligera les entreprises à se concentrer à l’avenir sur la consolidation de leurs caractéristiques de crédit.

Les marchés du crédit sont actuellement confrontés à un problème critique de valorisation et de liquidité car les spreads se sont écartés pour atteindre des niveaux jamais vus depuis la grande crise financière de 2008-2009. Après des flux positifs en 2019 et au début de 2020, les sorties de ces dernières semaines ont repoussé les spreads à leur plus haut niveau depuis dix ans. Aucune catégorie d'obligation et de qualité de crédit n'a échappé à la correction.

Le soutien au secteur bancaire
est particulièrement important, surtout en Europe.

Les réponses politiques sont construites sur trois piliers: Politique monétaire, politique budgétaire et protection du secteur bancaire. C’est d’abord la politique monétaire qui a été la plus réactive, avec des baisses généralisées des taux directeurs et l’injection d'immenses programmes de liquidités spécifiques. Les réponses budgétaires comprennent des mesures telles que de financer le défi des soins de santé, de mettre en oeuvre des mesures visant à éviter des défauts en chaîne (reports d'impôts, travail à temps partiel, aide au chômage, etc), à octroyer des prêts garantis pour éliminer le risque de crédit du bilan des banques et à stimuler la demande intérieure. Le soutien au secteur bancaire est particulièrement important, surtout en Europe où la majorité des prêts aux entreprises passent par ce canal. Des réserves de capitaux seront utilisées pour soutenir l'activité de prêt (BoE, BCE par exemple).

spreads de crédit à des niveaux historiquement élevés

Les marchés du crédit ont été confrontés à trois grands chocs: la volatilité, la convexité et la liquidité. Cette combinaison rare explique les valorisations actuelles à des niveaux de crise. Si l'on examine les valorisations à long terme des spreads de crédit, il apparaît que les niveaux actuels ont sensiblement dépassé les pics atteints lors des crises les plus récentes. Ces spreads intègrent aujourd'hui le scénario d’une profonde récession lors des deux premiers trimestres de 2020 et un risque de défaut ou de dégradation de la notation nettement plus élevé. Ils reflètent également une prime de liquidité exceptionnelle. 

Le positionnement des portefeuilles doit aujourd'hui
se concentrer sur la solidité du bilan.

L'assouplissement quantitatif assorti de taux d'intérêt bas a encouragé de nombreuses sociétés Investment Grade à grossir leur bilan avec de la dette en acceptant une notation plus faible, pour financer des rachats d'actions ou des acquisitions, en profitant ainsi des conditions favorables du marché. L'arrêt soudain et inattendu de l'activité et les besoins de refinancement sur un marché tendu, révèlent la fragilité d'une telle «optimisation du capital» et sont susceptibles d’obliger à une contraction du bilan et à la défense des intérêts des détenteurs d'obligations pour pouvoir survivre à une crise aussi grave. Le positionnement des portefeuilles doit aujourd'hui se concentrer sur la solidité du bilan ou sur la marge disponible pour le renforcer et sur la capacité à résister à une réduction importante des revenus et des bénéfices.

sorties de capitaux sans précédent

Le niveau élevé des entrées de capitaux observé l'année dernière sur les marchés obligataires, en particulier les obligations Investment Grade et des marchés émergents, a été la raison de la forte contraction des spreads de crédit. Cette tendance s'est inversée en 2020 en raison de l'impact de l'épidémie de COVID-19 et de la chute des prix du pétrole, qui a eu un impact dévastateur sur l'appétit des investisseurs pour le risque et la direction des mouvements de capitaux. 

Le faible niveau des taux d'intérêt et des rendements au cours des dernières
années a encouragé les émetteurs à allonger leurs maturités.

Du côté de l'offre, le faible niveau des taux d'intérêt et des rendements au cours des dernières années a encouragé les émetteurs à allonger leurs maturités. Cela suggère qu'il n'y a pas de maturités qui risqueraient d’accentuer les tensions sur les marchés du crédit à court terme. La gravité du choc macroéconomique sur les bilans des entreprises provenant de la propagation du COVID-19 obligera les entreprises à se concentrer à l’avenir sur la consolidation de leurs caractéristiques de crédit, ce qui pourrait déclencher une dynamique positive sur les fondamentaux.

Le développement de l’épidémie de COVID-19 est extrêmement difficile à anticiper. Une fois que les marchés auront saisi l'ampleur de la réponse politique mondiale et de la mise en oeuvre concrète des actions des banques centrales sur les marchés financiers, les performances attendues pourraient rapidement revenir en territoire positif pour le reste de l'année. Si l’on reconnait aujourd'hui largement la valeur inhérente au marché du crédit, le besoin de catalyseurs est tout aussi évident. Les réponses politiques mises en place par les gouvernements du monde entier joueront finalement ce rôle de catalyseur majeur une fois finalisées.

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