Les taux longs dépendront des fondamentaux, et non des «cerbères de l’obligataire»

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les perspectives de rendement des bons du Trésor US dépendront certainement de la trajectoire de la croissance économique aux Etats-Unis.

Le déficit budgétaire américain se creuse, les émissions de bons du Trésor augmentent plus vite que prévu. Conséquence: l’agence de notation de crédit Fitch a déchu les Etats-Unis de leur «triple A» et le rendement des bons du Trésor américain à dix ans a grimpé de 3,3% en mai à plus de 4,8% début octobre.

Ces derniers jours, les rendements sont néanmoins retombés quelque peu à la faveur d’un regain d’aversion au risque lié au conflit entre le Hamas et Israël, ainsi que des déclarations plus conciliantes des hauts responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Le retour des «cerbères obligataires»?

D’où cette question: les «cerbères du marché obligataire» sont-ils de retour? Cette expression a vu le jour dans les années 1980 en référence aux investisseurs qui vendaient les emprunts d’Etat des pays menant une politique budgétaire jugée laxiste.

Néanmoins, même s’il est vrai que la situation budgétaire des Etats-Unis inspire une inquiétude grandissante, les perspectives de rendement des bons du Trésor américain dépendront certainement davantage de la trajectoire de la croissance économique aux Etats-Unis.

Si l’on observe ce qui a fait grimper les rendements à long terme et sur leur trajectoire future, les rendements du Trésor américain dépendent de plusieurs facteurs: la dynamique de l’offre et la demande, les anticipations d’inflation des marchés, ainsi que celles relatives à la croissance et à la «fonction de réaction» de la Fed. Analyse de ces différents facteurs, les uns après les autres:

La demande de bons du Trésor devrait absorber l’offre de plus en plus importante

L’offre plus importante que prévu de bons du Trésor pour financer le déficit budgétaire des Etats-Unis semble effectivement avoir contribué à la hausse des rendements obligataires ces derniers mois. Même si l’offre accrue de bons du Trésor est susceptible, dans l’immédiat, d’exercer une pression à la hausse des rendements, au bout du compte, la demande devrait rester suffisamment forte pour l’absorber.

La crainte que les investisseurs japonais et chinois vendent leurs avoirs est exagérée. En effet, la demande de bons du Trésor est en bonne partie insensible au prix en raison des exigences réglementaires ou de la nécessité de disposer de garanties. En outre, la Fed a la capacité et la volonté d’intervenir en tant qu’acheteur si nécessaire pour assurer la stabilité du marché.

Les anticipations d’inflation sont restées mesurées

S’il est vrai que l’inflation persistante et étonnamment forte est indéniablement à l’origine de la hausse des taux directeurs et des rendements obligataires, elle n’est toutefois pas une cause majeure de la récente hausse des rendements.

En effet, les points morts d’inflation à dix ans aux Etats-Unis sont restés relativement stables ces dernières semaines et se situent actuellement à 2,34%. L’inflation globale des prix à la consommation aux Etats-Unis est ressortie à +3,7% en glissement annuel en septembre, stable par rapport à août. Mais l’inflation sous-jacente (qui exclut les prix de l’alimentation et de l’énergie) a ralenti à 4,1%, contre 4,3% le mois dernier.

La bonne tenue de la croissance économique aux Etats-Unis est un facteur important de la récente hausse des rendements

Après avoir écarté le rapport entre l’offre et la demande, ainsi que les anticipations d’inflation, il reste, par élimination, la piste de la croissance économique. Comme l’économie résiste bien, les investisseurs ont intégré la perspective de taux directeurs durablement élevés aux Etats-Unis et exclu l’hypothèse d’une récession.

Néanmoins, il faut toujours tabler sur un ralentissement de la croissance. Les ménages américains devraient réduire leurs dépenses à mesure que la hausse des taux d’intérêt fera sentir ses effets sur l’économie et que le marché de l’emploi se détendra. De plus, il est peu probable que, avec la hausse du coût de l’endettement, l’investissement des entreprises reste à son niveau actuel.

Implications pour les investisseurs

On peut s’attendre à une baisse des rendements obligataires avec le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis et la fin du resserrement monétaire orchestré par la Fed, qui pourrait même commencer à assouplir sa politique dans le courant de l’année prochaine.

Le scénario de référence de la Recherche d’UBS voit le rendement des bons du Trésor américain à dix ans retomber à 3,5% d’ici juin 2024. Dans ce contexte, se dégage toujours une préférence pour les obligations de qualité, notamment les segments high grade (emprunts d’Etat) et investment grade.

Il y a également un potentiel de hausse pour les actions. En dépit d’un avis Least Preferred à l’égard des Etats-Unis par rapport à d’autres marchés qui semblent plus intéressants, comme les marchés émergents, le scénario de référence d’UBS envisage un S&P 500 à 4500 points en juin 2024. L’énergie compte parmi les secteurs préférés en raison de sa valorisation attrayante et de sa capacité à servir de bouclier géopolitique.

Dans l’ensemble, dans l’environnement actuel, les investisseurs peuvent commencer à faire fructifier leur argent dans un portefeuille équilibré composé d’actions, d’obligations et d’investissements alternatifs qui, en plus des belles perspectives de rendement pour ces différentes classes d’actifs, présente des avantages du point de vue de la diversification.

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