Les raisons du haut niveau des frais de gestion

Emmanuel Garessus

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Dans la gestion de fonds actifs, une étude américaine pointe du doigt le mode de gouvernance des fonds pour expliquer le haut niveau des frais de gestion.

Les gérants actifs peinent à battre leurs indices de référence. Selon une récente étude de Morningstar, seuls 12% des fonds actifs ont survécu et présenté une meilleure performance que leurs homologues passifs sur 10 ans (à fin décembre 2023). Il existe certes des classes d’actifs qui font exception. Par exemple, le taux atteint 41% pour les fonds de small caps. Les fonds obligataires actifs parviennent aussi à surperformer. En 2023, 53% d’entre eux y sont parvenus, contre 30% l’année précédente. Mais la tendance montre qu’au total les fonds passifs poursuivent leur marche triomphale. 

Les fonds actifs continuent de plaire aux investisseurs. Si aux Etats-anis, les capitaux investis en fonds passifs ont pour la première fois dépassé ceux gérés activement, hors du marché américain, les fonds passifs ne représentent que 26% du total. Pourquoi les investisseurs sont-ils aussi friands de fonds actifs malgré leur sous-performance et pourquoi cherchent-ils à dénicher les stars qui surperformeront? Pourquoi acceptent-ils de payer des frais de gestion très largement supérieurs en investissant dans les fonds actifs? Et surtout pourquoi ces frais sont-ils aussi élevés dans la gestion active?

«Une autre étude révèle que 84% des investisseurs estiment que des coûts supérieurs conduisent à une meilleure performance.»

Des coûts de 90 milliards

Les milieux académiques se penchent rarement sur la question des frais des fonds actifs. Stewart L. Brown, professeur émérite à l’Université de Floride, comble cette lacune dans une étude qu’il vient de publier (SSRN): The Law and Economics of Mutual Fund Fees. L’auteur s’étonne en effet qu’aux Etats-Unis les investisseurs américains paient 8 fois plus pour les fonds actifs en 2021, soit 65 points de base en moyenne (90 milliards de dollars au total dans une industrie de 14'000 milliards de dollars) que pour les fonds passifs (7,6 points de base en moyenne).

L’ignorance des investisseurs en matière de frais est démontré par un sondage de la SEC. Moins de 19% d’entre eux sont capables d’indiquer le niveau des frais de leur plus grand fonds de placement en portefeuille. Une autre étude révèle que 84% des investisseurs estiment que des coûts supérieurs conduisent à une meilleure performance.

Dans son analyse, Stewart Brown crique avant tout la gouvernance des fonds de placement américains. Contrairement aux actions, il n’existe pas pour les fonds de placement de marché qui conduise à définir les frais. Ceux-ci sont décidés par un comité et non pas par le jeu de l’offre et de la demande. 

«Contrairement aux actions, il n’existe pas pour les fonds de placement de marché qui conduise à définir les frais.»

L’auteur indique aussi les déficiences d’une analyse des coûts centrée sur le seul Total Expense Ratio (TER) plutôt que sur les composants de ce dernier et leur variation dans le temps. Au sein des fonds actifs, entre 1996 et 2021, les frais administratifs ont baissé de 50% et les frais de distribution de 40%. Il pointe du doigt le fait que les frais de gestion (advisory/management) auraient dû baisser davantage. L’auteur s’étonne en particulier que dans une industrie dont la taille a été multipliée par 9 en 25 ans, les frais de gestion n’ont pas diminué autant? La première raison, selon son analyse, tient à la structure juridique particulière du fonds de placement: «Les promoteurs de fonds nomment les administrateurs des fonds, les administrateurs ne renvoient jamais les promoteurs de fonds, et les administrateurs approuvent toujours le niveau de la commission annuelle.»

La structure particulière d’un gérant de fonds se traduit par la très bonne performance boursière des actions des Asset managers américains. Il cite l’exemple du prix Nobel Paul Samuelson qui a décidé de gagner de l’argent en achetant les actions d’un gérant plutôt que des fonds de placement. 

Entre 1980 et 2016, la performance annuelle moyenne d’un panier de gérants cotés (equally weighted) a atteint 18,7%, soit davantage que l’indice S&P 500. Il est vrai qu’en matière de statistiques, les périodes choisies ne sont pas neutres. Depuis 1980, l’industrie financière s’est considérablement développée. 

Le problème des frais élevés proviendrait donc surtout de l’absence d’appel d’offres en matière de frais de gestion. L’auteur estime que l’excès de frais s’élèverait à 40 milliers de dollars par an et qu’en vertu d’une grande inertie le statu quo risque de perdurer.

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