Les opportunités de l’autodestruction

Christian Schmid, Stableton

2 minutes de lecture

Pourquoi le secteur pharmaceutique américain est mûr pour la disruption créative.

Souvent critiqué et tourné en ridicule, le système de santé américain est indéniablement très lourd, cher, inefficace et fragmenté.

D’après le Commonwealth Fund (CF), les dépenses de santé US représentent près de 20% du PIB américain, soit deux fois plus qu’en Australie et 50% de plus qu’en Suisse, dont le système de santé est reconnu comme étant l’un des plus complets au monde. Selon le dernier classement officiel de 11 nations développées établi par le CF, les Etats-Unis terminent à la dernière place en ayant obtenu les moins bonnes notes dans quatre des cinq catégories analysées.

Le carnage des opiacés...

Le secteur pharmaceutique américain a très mauvaise réputation et suscite la défiance. Ce désamour est né de la crise des opiacés qui s’est déployée sur les deux premières décennies du XXIe siècle.

Si Purdue Pharma a été à l’origine du scandale en créant et alimentant une déferlante d’opiacés, ce sont les deux mois de procès du géant Johnson & Johnson (JnJ) en 2019 qui ont véritablement retenu toute l’attention. Il a été prouvé que JnJ et Purdue travaillaient main dans la main pour influencer les praticiens, les autorités réglementaires fédérales et les dirigeants politiques afin que les opiacés soient prescrits en masse en tant qu’alternatives de traitement des maladies chroniques.

«Le système de santé américain est deuxième derrière le Japon, le Canada, la Suède, le Royaume-Uni et... toute l’Europe. Encore heureux que nous ne vivions pas au Paraguay!»
Homer Simpson, personnage légendaire de la série «Les Simpson»

Le procureur général de l’Oklahoma a qualifié ces manigances, qui auraient coûté la vie à plus de 400’000 Américains victimes d’addiction aux opiacés, de «cyniques, habiles et trompeuses».

Toutefois, le scandale ne s’est pas limité à Purdue et JnJ et a rejailli sur de grands noms (Walmart, CVS) ainsi que sur McKesson, un distributeur de médicaments moins connu. Son CEO a été cloué au pilori pour avoir été le dirigeant le mieux payé des Etats-Unis au moment où les prescriptions d’opiacés étaient au plus haut.

Un système dépensier et défaillant...

Les Etats-Unis représentent près de 40% du marché mondial des soins à domicile (45%1 du marché mondial des médicaments). Même ce chiffre fait pâle figure à côté du poids de l’Amérique du Nord dans la capitalisation boursière mondiale (les actions américaines représentent 71% de l’indice MSCI World).

En comparaison, les valeurs européennes ne pèsent que 10% du MSCI World alors que le continent représente environ 30% du marché mondial de la santé. Le système de santé américain est donc non seulement onéreux, mais également inadéquat.

Onéreux et inadéquat

Source: Commonwealth Fund.

 

Cette situation offre l’occasion à des entreprises pharmaceutiques innovantes et potentiellement holistiques de révolutionner les systèmes de production et de distribution. Alors que la menace de se faire déposséder de leurs parts de marché plane sur les acteurs historiques en général, cela vaut particulièrement pour le secteur pharmaceutique.

Et ensuite...

D’après un article publié en novembre, Google, Apple, Facebook, Amazon et consorts cherchent tous à mettre le grappin sur les 4000 milliards de dollars que pèse un marché américain de la santé en pleine expansion.

Dans la mesure où les groupes pharmaceutiques en place ont mauvaise réputation et font également piètre figure en termes d’engagement client, une société irréprochable qui placerait clairement les intérêts du consommateur au cœur de son modèle d’affaires et encouragerait de bonnes relations avec les autres parties de la chaîne de valeur (fournisseurs et payeurs inclus) devrait se développer rapidement.

Alto Pharmacy, née en 2015 du rachat d’une petite pharmacie indépendante de San Francisco par deux anciens ingénieurs de Facebook, est un bon exemple de société privée bien placée pour profiter de cette opportunité.

 

1 Source: Altradius (mars 2022)

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