Les ME sont au plus bas, mais la patience est une vertu

Charlene Malik, TwentyFour Asset Management

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Les actifs des marchés émergents ont été lourdement sanctionnés en 2021.

© Keystone

La catégorie des marchés émergents (ME) est bien sûr vaste et imprécise, mais de manière générale, les actions ainsi que les obligations en monnaies locales et en devises fortes ont beaucoup souffert cette année en raison d’un ou de plusieurs facteurs: inflation élevée, politique monétaire plus restrictive des banques centrales couplées aux anticipations d’un tour de vis du côté de la Fed, pandémie qui s’éternise, faibles taux de vaccination et volatilité du marché immobilier chinois.

Une sous-performance due à la Chine

A quelques semaines de la fin de l’année, les actifs des ME, et en particulier les obligations à haut rendement, paraissent aujourd’hui très bon marché sur le plan historique comme par rapport à d’autres secteurs obligataires. Un chiffre suffit à refléter cette sous-performance: le spread sur l’indice ME à haut rendement est actuellement de 724 pb, largement au-dessus de son plus bas de 500 pb en 2021. C’est aussi quasiment le double du spread sur l’indice européen à haut rendement (374 pb), bien que ces deux indices aient la même notation moyenne et une duration du spread de crédit similaire.  

Cette sous-performance s’explique en grande partie par les inquiétudes des investisseurs quant au marché de l’immobilier chinois à haut rendement. La volatilité liée à ce marché devrait d’ailleurs persister début 2022, de sorte que nous pourrions voir d’autres cas de défaut d’émetteurs ayant une note B ou inférieure.  

Le spread actuel sur le haut rendement ME indique que les investisseurs ont déjà intégré bon nombre de mauvaises nouvelles.

Il est toutefois important de retenir que le haut rendement chinois se négocie avec des spreads supérieurs à 2000 pb; si nous pensions que les spreads ne se resserreraient pas depuis leurs niveaux actuellement extrêmes d’ici la fin 2022, cela impliquerait que nous jugeons tout aussi probable un défaut à l’échelle du secteur. Il faut également noter que les mesures du gouvernement pour apaiser le secteur de l’immobilier sont la cause première de l’agitation du marché, et il nous semble improbable que les autorités chinoises laisseraient l’un des principaux secteurs économiques du pays s’effondrer. Selon nous, les cas de défaut prévisibles dans le secteur sont limités aux émetteurs moins bien notés; le spread actuel sur le haut rendement ME indique que les investisseurs ont déjà intégré bon nombre de mauvaises nouvelles, ce qui pourrait créer une opportunité attrayante pour les spécialistes en sélection de titres.

Des fondamentaux solides pour les entreprises des marchés émergents

Cela dit, les investisseurs potentiels doivent prendre en considération un certain nombre de facteurs importants. Premièrement, le timing sera primordial et beaucoup dépendra des mesures de la Fed. Par exemple, si la persistance d’une inflation élevée obligeait la Fed à relever ses taux de base plus vigoureusement que ne l’anticipe le marché, il faudrait s’attendre à ce que la sous-performance des marchés émergents se poursuive. En outre, la situation en Chine risque toujours d’influer négativement sur le climat général, et les investisseurs pourraient donc préférer attendre qu’elle s’éclaircisse avant de chercher à profiter des opportunités offertes. De même, le sentiment actuel à l’égard des ME en tant que classe d’actifs en général reste assez négatif, et les volumes (au moins dans les obligations d’entreprise en devises fortes) sont faibles, avec des titres réévalués dans un contexte d’échanges très limités.

En 2022, éviter les perdants sur les ME sera aussi essentiel que de sélectionner les gagnants.

Deuxièmement, alors que nous tablons sur des fondamentaux globalement solides pour les entreprises des marchés émergents, il n’en est pas de même pour les fondamentaux de la dette souveraine qui se sont détériorés en raison de la pandémie. La plupart des pays émergents disposent d’une capacité budgétaire inférieure à celle des marchés développés et nous devrions commencer à voir l’impact différé du resserrement de la politique monétaire sur la croissance des ME dans les prochains mois, avec pour effet un paradoxe entre la situation macroéconomique et les fondamentaux des entreprises. Par conséquent, une sélection judicieuse des titres de crédit et des pays sera cruciale car la dispersion importante à laquelle nous avons assisté en 2021 devrait se poursuivre. En 2022, éviter les perdants sur les ME sera aussi essentiel que de sélectionner les gagnants.

La correction, une opportunité pour générer de l’alpha

En conclusion, comme le marché attend des éclaircissements de la Fed concernant sa politique de taux ainsi que des améliorations eu égard aux problèmes du secteur immobilier chinois, la patience nous semble plus que jamais une vertu. Toutefois, en l’absence d’erreur politique notable de la Fed, nous pensons que la correction actuelle dans les actifs risqués pourrait être le début d’un creux intra-cycle, et une excellente opportunité pour les investisseurs qui veulent générer de l’alpha. Selon nous, maîtriser le risque de duration avec des obligations dotées d’échéances relativement courtes, et investir dans les entreprises qui présentent des fondamentaux de crédit solides, des sources de revenus diversifiées et de bons résultats, sera la recette du succès sur les marchés émergents l’année prochaine.  

Enfin, si nous pensons que les spreads des ME à haut rendement se resserreront d’ici la fin 2022, cet ajustement risque d’aller de pair avec une volatilité accrue: la bonne taille et le bon timing sont donc comme toujours essentiels.

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