«Un certain nombre de sociétés n’obtiendront pas l’aval de la Finma d’ici le 31 décembre 2022», estime Igal Kasavi de Kasavi Advisory.
Les nouvelles réglementations ont bel et bien accéléré le mouvement de consolidation des gérants indépendants, malgré des apparences trompeuses qui s’expliquent par le fait qu’une grande partie de ces opérations restent confidentielles. Igal Kasavi de Kasavi Advisory a recensé 11 transactions durant le seul mois de janvier de cette année. Lors d’une conférence organisée en mars à Genève, Kasavi Advisory et OA Legal sont revenus sur les enjeux et les opportunités des fusions et des acquisitions au sein d’une industrie en pleine mutation après des décennies confortables.
Dans un univers où la culture de la discrétion a toujours prédominé, et parce que les gérants indépendants ne sont pas tenus de publier les opérations de rapprochement (sauf pour les fusions), peu d’entre eux les annoncent publiquement. «Les sociétés souhaitent que leurs clients l’apprennent par leur gestionnaire, et non pas par la presse afin d’éviter de les déstabiliser», explique Igal Kasavi qui a dénombré 11 opérations de consolidation sur le premier mois de l’année. Pourtant, cette mentalité réservée pourrait rapidement évoluer. D’une part «car c’est une bonne manière de faire parler de sa société et de communiquer au public en quoi une opération de fusions et acquisitions répond à sa stratégie», et d’autre part la soumission totale à la Finma (au plus tard au 1er janvier 2023) oblige les sociétés à demander l’autorisation lors d'un changement d’actionnaires dont la part en question égale ou dépasse 10% du total du capital.
Perte du secret bancaire suisse, concurrence internationale accrue, force du franc suisse, diminution des marges et du chiffre d’affaires, difficulté d’augmenter les encours, réglementations cross border: l’industrie est confrontée depuis quelques années à une série de menaces contre lesquelles elle doit riposter. Cas d’étude concret à l’appui, Igal Kasavi a expliqué en quoi une opération de transmission consiste en une bonne réponse aux défis à venir, comme le durcissement des réglementations et l’assujettissement à la Finma. «Psychologiquement, les gérants rentrent dans un Nouveau Monde, où le travail de conformité avec les règles et les recommandations actuelles ou à venir est un exercice continu», souligne-t-il.
La question de la taille critique de la masse sous gestion revient souvent dans les discussions, mais cet objectif est difficilement mesurable. Certains avancent le chiffre rond d’un milliard d’avoir gérés, mais ce montant ne correspond qu’aux encours de 106 gestionnaires indépendants en Suisse, soit 6% de l’industrie. «Ce seuil dépend de la structure de coûts et de revenus. Mais au-delà des AUM, le transfert générationnel est un défi encore plus important pour les 700 sociétés qui ont plus de 20 ans d’existence et qui doivent trouver une solution de pérennité dans la mesure où un bon nombre d’entre elles n’ont pas de successeur», estime Igal Kasavi.
L’exemple des gestionnaires de patrimoine français qui ont dû se conformer à Mifid II et sont donc soumis à l’AMF (l’Autorité des Marchés Financiers française) pourrait donner une indication sur la possible orientation de la place suisse. «Le nombre total de gérants n’a que faiblement diminué malgré leur assujettissement à de nouvelles réglementations, mais les sociétés moyennes et grandes se sont unies, alors que les petites supportent vaillamment les coûts. Nous constatons un balbutiement de petits gérants qui se rassemblent, mais la majorité attend le dernier moment. Pour l’instant les fusions et acquisitions en Suisse se jouent d’abord à l’échelle de sociétés plus importantes pour des raisons stratégiques et de croissance», résume-t-il.