Ou comment les opérations de fusions et acquisitions peuvent répondre aux enjeux majeurs auxquels font face les gérants indépendants.
La transition générationnelle
Le métier de gérant indépendant a connu une forte expansion en Suisse depuis les années 80. Aujourd’hui, on dénombre plus de 2000 sociétés de gestion de fortune. Certaines d’entre elles ont assuré leur pérennité en mélangeant les générations au sein des associés, par exemple. Pour d’autres la question de la continuité et de la transmission reste ouverte. On estime à environ 30% le nombre de sociétés qui n’ont pas de successeur naturel ou de solution pour assurer leur pérennité. Et c’est là un enjeu très actuel.
La taille critique
Le niveau de la taille critique est toujours au cœur des débats. Ce sujet a été battu en brèche. Et le chiffre qui revient souvent est un milliard. Je ne me risquerai pas à le commenter. Selon les différentes statistiques, entre 7 et 12% des sociétés atteignent ou dépassent ce fameux milliard d’avoirs sous gestion. Cette question touche toute l’industrie de la gestion de fortune, du plus petit gérant aux importantes banques de gestion privée. Aujourd’hui pour aller plus loin il faut être plus grand. Et là est le véritable enjeu de cette taille critique que doivent adresser les gérants indépendants.
La Fintech
Peut-on imaginer le gérant indépendant de demain sans technologie de pointe dans son infrastructure? La Fintech est inévitable. C’est un vaste domaine qui touche à tous les aspects du métier, de la gestion d’actif à la relation client. Cet enjeu de taille touche également tous les acteurs de la gestion privée. Les opérations M&A n’ont généralement qu’un impact mesuré sur cet enjeu. Mais il est important et incontournable.
Pour tenter d’apporter quelques éléments de réponse, quoi de mieux qu’un cas réel? Un cas concret illustratif est la fusion, annoncée en début d’année, entre Pentagram Wealth Management – dont j’ai consulté le CEO, Alessandro Sonvico, – et Woodman Asset Management.
Sous l’angle de la taille, elle n’était critique ni pour l’un ni pour l’autre. Chacune des entités dépassait le milliard d’avoirs sous gestion et dégageait des bénéfices. Alors pourquoi une fusion?
Il s’agit ici d’un rapprochement stratégique. Une opération qui permet d’être plus fort pour mieux servir ses clients, améliorer leurs performances et construire l’avenir.
Ce rapprochement s’est fait graduellement. En commençant par un projet technologique, celui du changement d’infrastructure informatique. Des membres des deux sociétés ont formé une équipe dont le projet a été de sélectionner le nouveau système informatique et de l’implémenter respectivement. C’est un excellent point de départ pour fusionner d’avoir la même plateforme informatique.
Ensuite la fusion effective permettra d’entrer dans une nouvelle dimension qui ouvre grand les portes de l’avenir. L’ensemble est plus fort en termes de capacité financière, de ressources humaines, tant en nombre qu’en talent. Les effectifs ont doublé et il n’est prévu aucun licenciement. L’éventuelle surcapacité sera vite résorbée par la croissance. Les compétences internes sont plus larges et permettent d’éviter à certains de cumuler plusieurs fonctions. Dans un monde régulé c’est un point important.
Grâce à ces nouveaux éléments la croissance externe devient un axe important de développement pour le groupe qui ambitionne de doubler ses avoirs sous gestion d’ici 4 à 5 ans.
L’ensemble bénéficie de compétences de gestion étendues qui offre des solutions d’investissements plus large, qui vont du coté au non coté. Cela permet de continuer à proposer aux clients une architecture ouverte tout en augmentant la force de distributions à l’externe sur l’investissement dans les marchés privés notamment.
En termes de synergies, celles sur les coûts permettra de nombreuses économies d’échelle. Mais c’est sur les synergies de croissance que le potentiel est le plus fort.
La fusion a également permis de relever le défi de la transition générationnelle. Chez Pentagram, parmi les 5 associés, certains étaient proche de l’âge de la retraite. Ils étaient prêts à céder leurs actions et diminuer leur charge de travail. Sans ce rapprochement, leur situation aurait été plus compliquée. Il aurait fallu négocier avec les actionnaires restants ou trouver des repreneurs, et se mettre d’accord sur la valeur de la société. Dans le cadre de la fusion, ces points ont été réglés de fait. Les questions de valorisation et de repreneurs ne se sont pas posées. Dès lors il a été aisé pour eux de profiter d’un remaniement de l’actionnariat pour céder leurs actions au juste prix. Ils continuent à s’occuper de leurs clients, et n’ont plus la charge des tâches dont les partenaires conservent la responsabilité.
La liste des bonnes raisons donnée ici pour expliquer une fusion n’est pas exhaustive. Mais ces éléments sont certainement ceux les plus évoqués par les acteurs du métier.