Les Etats-Unis prennent des mesures pour stabiliser les banques face aux turbulences

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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L’action commune du Trésor, de la Federal Deposit Insurance Corporation et de la Fed a soulagé l’inquiétude des investisseurs et les contrats à terme sur le S&P 500 sont repartis à la hausse.

©Keystone

Il y a huit jours, le Trésor américain, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont annoncé une action concertée pour stabiliser le système bancaire américain en réponse à l’effondrement de deux banques de moyenne envergure, SVB Financial Group et Signature Bank. Point de situation.

Les trois institutions ont annoncé la création du Bank Term Funding Program (BTFP), un mécanisme qui permet aux établissements de dépôt de contracter des prêts d’une durée pouvant aller jusqu’à un an en échange du nantissement de bons du Trésor et d’autres titres. Les titres nantis le seront à leur valeur faciale, et non au prix du marché, ce qui évitera les ventes forcées en cas de tensions.

Les déposants des deux banques en détresse ont reçu l’assurance de pouvoir accéder à la totalité de leurs fonds, y compris ceux dont les avoirs dépassent le plafond de garantie de la FDIC, qui s’élève à 250 000 dollars.

La baisse des cours des actions

Les autorités de réglementation ont réagi ainsi pour couper court aux doutes quant à l’état de santé du système bancaire. L’inquiétude des participants au marché a entraîné une forte baisse des cours des actions et des rendements obligataires après l’annonce de la faillite de SVB Financial Group, la 16e banque des Etats-Unis. Il s’agit de la plus grosse faillite bancaire depuis la crise financière de 2008.

Les mesures d’urgence annoncées ont soulagé l’inquiétude des investisseurs et les contrats à terme sur le S&P 500 se sont, dans la foulée, orientés à la hausse. Le S&P 500 a achevé la semaine en question en repli de 4,6%. Il s’agit de sa plus mauvaise performance hebdomadaire depuis septembre. L’indice sectoriel S&P 500 Banks a dévissé de 6,6% le jeudi, puis de 0,5% le vendredi.

Les faillites de SVB et de Signature Bank ont suscité des craintes quant aux possibles moins-values des banques américaines sur leurs avoirs obligataires.

Le rendement des bons du Trésor américain à deux ans a baissé de plus de 80 points de base (pb) après avoir culminé le mercredi à 4,24% et l’inversion de la courbe des taux entre les échéances deux ans et dix ans s’est atténuée, avec un différentiel de taux de 70 pb contre 109 pb le mercredi. Les cours des contrats à terme sur les Fed funds reflètent actuellement un point culminant des taux directeurs à 4,84% en juin, contre 5,69% il y a dix jours.

Les potentielles pertes des banques américaines

Les faillites de SVB et de Signature Bank ont suscité des craintes quant aux possibles moins-values des banques américaines sur leurs avoirs obligataires, nombre d’entre elles ayant investi massivement dans des bons du Trésor à long terme à la suite d’un afflux de dépôts pendant la pandémie.

Ces titres ont perdu de leur valeur car la Fed a relevé ses taux d’intérêt. Récemment, la FDIC a prévenu que les banques américaines ont 620 milliards de dollars de moins-values latentes sur leurs portefeuilles de titres. Pendant ce temps, les investisseurs redoutent que les clients se rendent aux guichets des banques pour retirer leur argent et pour le placer sur des obligations à court terme offrant un rendement plus élevé.

La chute de SVB a éclipsé la publication du dernier rapport sur l’emploi salarié aux Etats-Unis en février, qui a fait état de 311’000 créations d’emplois salariés non agricoles, tandis que le taux de chômage a grimpé de 3,4% à 3,6% et que l’inflation salariale a ralenti.

Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?

Avec les mesures annoncées jusqu’ici, les responsables américains ont clairement signifié qu’ils feraient leur possible pour empêcher une multiplication des épisodes de panique bancaire et une crise systémique dans le secteur bancaire aux Etats-Unis. A l’heure actuelle, on ne décèle pas de signes classiques de contagion, comme les tensions sur le marché interbancaire.

Il convient de rapporter les 620 milliards de dollars de moins-values latentes des banques américaines à leurs 2200 milliards de dollars de fonds propres et aux 31 milliards de dollars de moins-values latentes totales réalisées l’an dernier, selon le «Financial Times».

Le secteur de la finance représente 15% de l’indice MSCI ACWI et la Recherche d’UBS a émis un avis neutre à son égard à l’échelle mondiale. Il en va de même pour les valeurs financières européennes.

Quant à leurs homologues américaines, cela fait un moment qu’UBS a formulé un avis Least Preferred en raison des problèmes liés à l’augmentation des coûts de financement, aux risques qui entourent le coût du crédit, à la hausse du chômage et à l’activité en berne sur les marchés de capitaux. Néanmoins, à ce stade, les obstacles auxquels ce secteur est confronté semblent surmontables.

Les exigences à satisfaire

Depuis la crise financière mondiale, les banques sont tenues de maintenir un ratio de liquidité à court terme (Liquidity Coverage Ratio ou LCR) supérieur à 100% et de détenir suffisamment d’actifs de grande qualité pour faire face aux retraits effectués par les déposants. Concrètement, cela veut dire qu’elles ont tendance à détenir des quantités significatives de bons du Trésor américain.

L’inquiétude quant aux bénéfices et aux bilans des banques a accentué la défiance à l’égard des actions américaines.

Les banques sont autorisées à conserver ces obligations sur des comptes «Titres disponibles à la vente» et «Titres détenus jusqu’à l’échéance» moyennant rétribution et ne sont pas tenues de reconnaître immédiatement des moins-values en vertu du principe d’évaluation au prix du marché. Les banques pourraient être obligées de reconnaître ces moins-values si elles doivent faire face à des retraits significatifs par les déposants.

Néanmoins, cette hémorragie de dépôts pourrait être stoppée par une hausse de leur rémunération, même si les bénéfices des banques s’en trouveraient amputés. En outre, l’ampleur des moins-values latentes devrait logiquement se réduire si les taux baissent.

La situation particulière de la banque des start-up

La situation de SVB est assez singulière. Cette banque qui met l’accent sur les clients de la Silicon Valley, présente une forte exposition à des start-up soutenues par des fonds de capital-risque qui ont connu un essor notable pendant la pandémie et qui disposaient d’une confortable trésorerie déposée auprès de SVB. Désormais, leur trésorerie fond comme neige au soleil, ce qui se traduit par une diminution des dépôts de la SVB, qui oblige cette dernière à vendre des titres à perte et à tenter de lever des capitaux.

La situation de SVB rappelle que le relèvement des taux de la Fed a un impact, même si l’économie résiste bien jusqu’ici. L’inquiétude quant aux bénéfices et aux bilans des banques a accentué la défiance à l’égard des actions américaines. Même si les investisseurs seront soulagés s’il s’avère que la SVB est un risque circonscrit, les perspectives fondamentales sur un horizon de six à douze mois n’ont probablement pas vraiment changé. Car les scénarios d’un atterrissage en douceur ou brutal de l’économie restent l’un comme l’autre tout à fait plausibles.

Comment investir?

La Recherche d’UBS maintient son avis Least Preferred à l’égard des valeurs financières dans sa stratégie aux Etats-Unis. En outre, il est recommandé aux investisseurs qui surpondèrent les valeurs financières par rapport aux indices boursiers mondiaux (15% de l’indice MSCI ACWI) de revoir leur exposition.

On préconisera plutôt de transférer cette exposition excédentaire vers des secteurs plus défensifs étant donné l’accentuation des risques qui pèsent sur l’économie américaine. On préférera le secteur mondial de la consommation de base, où la dynamique relative des bénéfices est positive et se consolide.

Sur le marché obligataire, on privilégiera actuellement les titres de grande qualité. Les rendements globaux restent attrayants, notamment par rapport aux autres catégories d’actifs. Les obligations suscitent un engouement grandissant chez les investisseurs.

La Recherche d’UBS continue d’afficher une préférence pour les obligations d’entreprises de premier ordre et investment grade. S’agissant des obligations d’entreprises high yield (HY), le ralentissement de la croissance économique du PIB et des bénéfices dans les pays développés laisse entrevoir une accentuation du risque de défaut à l’avenir, d’où son avis Least Preferred à l’égard de ce segment.

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