Les enseignements de 2021 pour 2022

Emmanuel Ferry, Evooq

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Un retour à la moyenne en termes de performance et de risque semble être le scénario le plus probable pour 2022 et le principal legs de 2021.

Le triomphe du 60/40, une appréciation sans risque

Le fait marquant sur le plan du risque a été l’absence d’événement baissier. L’indice S&P500 n’a connu qu’un épisode baissier de 5% en 2021, avec une récupération très rapide. Sur les 40 dernières années, la perte maximale calendaire est de 14,3%. Seule la Chine a connu en 2021 une baisse continue (-37%, supérieure à celle de 2018). Le secteur technologie, principale victime des mesures politiques, a vu sa baisse aller jusqu’à 60% (Golden Dragon China index). Pour mémoire, le secteur avait corrigé de 72% en 2007-2008. Sur le plan global, on constate une perte maximale de seulement 5,6% pour l’indice MSCI World AC. L’excès de liquidité, la stabilité à un très bas niveau des conditions monétaires et de crédit assurée par la Fed, et la psychologie des investisseurs (FOMO, ou peur de manquer la hausse) ont conduit à cette appréciation sans aspérité. La maturité du cycle et le dérapage inflationniste ont conduit à avoir un marché davantage tiré par la croissance bénéficiaire que l’expansion des multiples de valorisation. En effet, le P/E forward à 12 mois a débuté l’année à 22,8x aux Etats-Unis, pour terminer à 21,0x, soit un derating de 8% (-10% au niveau mondial). C’est donc la forte croissance des bénéfices (+45,1% pour le S&P500) qui a tiré le cycle boursier, à l’inverse de 2020, qui avait vu une forte expansion des multiples de valorisation en sortie de récession.

Malgré ce contexte d’inflation soutenue et de dispersion élevée, le portefeuille type 60/40 (60% actions US, 40% obligations US) a enregistré une très bonne performance en 2021: +11,3% après +16,2% en 2020, contre une moyenne historique de 6,3% depuis 2000. La perte maximale a été de seulement -3,4% en 2021, ce qui donne un ratio performance/maximum drawdown exceptionnel de 3,3x. Une manière plus large de constater le bénéfice de la diversification est de mesurer la performance de l’allocation stratégique d’un portefeuille équilibré en euro comprenant une vingtaine de classes d’actifs. Elle ressort à +15% en 2021 selon nos portefeuilles modèles, avec un maximum drawdown de seulement 2,5%. 2021 est donc une année exceptionnelle pour l’allocation d’actifs, tant en performance qu’en risque.

Les introductions en bourse ont atteint des montants records, mais les deux tiers des sociétés introduites en 2021 ont affiché une performance boursière négative.
Des signaux contradictoires, qui compliquent la lecture pour 2022

L’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt aux Etats-Unis dès le mois d’avril (l’écart 10/2 ans passant de près de 160 pb à 77pb en fin d’année), concomitant avec le renforcement du dollar, a indiqué très tôt un tournant défensif, annonciateur d’une entrée en récession pour 2022-23. Ce signal complique la lecture du marché pour 2022, d’autant que cela vient s’ajouter à la quasi crise financière en Chine. Les tensions inflationnistes proviennent d’un déficit de l’offre, et non d’un excès de demande. Cela explique l’extrême prudence de la Fed, qui doit maintenir structurellement les conditions de crédit à un niveau accommodant, afin de soutenir le financement du prochain super-cycle d’investissement, qui sera centré sur la transition énergétique.

Concernant le marché Actions, la price action du second semestre 2021 n’est pas rassurante, avec un dégradation prononcée de la profondeur de marché. La concentration excessive est historiquement associée à un épuisement de la dynamique cyclique, un pic structurel de valorisation, puis un épisode baissier majeur. Or, le rebond boursier post pandémique s’est traduit par une accélération de la concentration des indices. Ainsi, les 50 premières sociétés représentent 56% du S&P 500, une concentration comparable à celle du pic de la bulle TMT en 2000 et du pic de la bulle des Nifty-Fifty en 1973. La préférence pour ces Mega Caps qui offrent une qualité supérieure (croissance organique, pricing power, RoE, liquidité, revenu) reflètent un niveau structurellement élevé d’aversion au risque, dans un monde de croissance faible et de taux zéro. La domination des Tech Giants conduit à se focaliser sur les 10 premières sociétés (31,5% de la capitalisation boursière totale, 26% des revenus), voire les 5 premières (MSFT, GOOGL, AAPL, NVDA, TSLA), qui expliquent à elles seules 35% de la performance du S&P 500 en 2021. Cette forte concentration masque une performance médiocre du reste du marché (Le Nasdaq 100 progresse de +28,3% en 2021, contre seulement +19,1% pour le Nasdaq équipondéré et +11,0% pour le Nasdaq 100 excl. Top 10). Cet excès de concentration explique les très mauvais résultats de la gestion active, avec 85% des fonds actifs US qui ont sous-performé le S&P500 en 2021.

L’année 2021 a montré de nombreuses similarités avec 2000

Les entreprises ont levé un montant record de financement tout type confondus (12,1 trillions de dollars), profitant de la fenêtre offerte par les banques centrales après le choc de la pandémie. Les sociétés ont levé un montant record en equity (1,4 trillion de dollars, +24% par rapport à 2020), quand au même moment, les opérations de rachats d’actions atteignaient également des records (850 milliards pour les sociétés du S&P 500). Les introductions en bourse ont atteint des montants records (400 introductions, 600 SPACs), mais les deux tiers des sociétés introduites en 2021 ont affiché une performance boursière négative. La performance de l’indice Renaissance des IPO reculent de 10,3% en 2021 après +107,3% en 2020. Globalement, les thématiques très spéculatives post Covid-19, qui avaient connu une performance exceptionnelle en 2020, ont amorcé un retracement important en 2021 (sociétés technologiques non profitables, sociétés les plus vendues à découverts, IPO et SPAC).

L’enjeu pour la conduite de la stratégie d’investissement en 2022 sera d’identifier les éléments de continuité et de rupture par rapport à 2021. Un retour à la moyenne en termes de performance et de risque semble être le scénario le plus probable et le principal legs de 2021.

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