Les conseils d’administration continuent de gagner en diversité en Suisse

Yves Hulmann

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Selon une étude de Heidrick & Struggles présentée par Marion Fengler-Veith, 50% des sièges nouvellement attribués en Suisse en 2022 sont revenus à des femmes.

La saison des assemblées générales touche à sa fin. Quelles sont les observations que l’on peut faire au sujet de la composition des conseils d’administration, que ce soit en termes de répartition en fonction des genres, de l’âge ou d’autres critères? Parmi les tendances qui ressortent de la dernière étude intitulée Board Monitor Europe 2023 réalisée par le cabinet de recrutement Heidrick & Struggles et mise à disposition d’Allnews.ch en exclusivité pour la Suisse romande. Selon l’étude qui compare la situation qui prévaut dans quatorze pays européens incluant aussi la Suisse et la Grande-Bretagne, il en ressort que la proportion de femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises cotées en bourse a continué d’augmenter l’an dernier. Sur 497 nominations répertoriées parmi 14 pays européens, le nombre de sièges attribués à des femmes au sein des grandes sociétés européennes cotées en bourse a ainsi atteint 49% en 2022, comparé à 44% en 2021. En parallèle, l’étude, qui porte sur les données de 2022, observe aussi un rajeunissement des membres des conseils d’administration: la part des sièges qui ont été attribués à des personnes âgées de moins de 50 ans est passée de 16% en 2021 à 24% en 2022.

50% des sièges nouvellement attribués en Suisse reviennent à des femmes

L’étude détaille aussi la répartition par pays au sein des conseils d’administrations. Dans neuf pays sur quatorze, 50% ou plus des sièges qui ont été renouvelés sont revenus à des femmes. Le Portugal (67%), la Belgique (60%) et le Danemark (60%) sont les pays où la proportion de sièges nouvellement attribués revenant à des femmes a été la plus élevée en Europe. A l’inverse, cette part a été la plus faible en Pologne avec 25%. La Suisse apparaît dans le milieu de classement avec 50% des nouveaux sièges attribués à des femmes en 2022, comparé à 46% en 2021. Est-ce peu ou beaucoup? Pour Marion Fengler-Veith, directrice de Heidrick & Struggles en Suisse, il s’agit dans tous les cas d’une évolution positive. «Il est important que cette tendance se poursuive, de façon à ce que l’on s’oriente en direction de la parité entre hommes et femmes dans les conseils d’administration des entreprises», estime-t-elle.

Sur 497 nominations répertoriées parmi 14 pays européens, le nombre de sièges attribués à des femmes au sein des grandes sociétés européennes cotées en bourse a atteint 49% en 2022, comparé à 44% en 2021.
Au total, la part des femmes dans les conseils est de 32%

Si l’on tient compte maintenant de la répartition totale des sièges entre hommes et femmes dans les conseils d’administration (et non seulement des nouvelles nominations), la situation se présente sous un jour différent: parmi les 47 plus grandes entreprises cotées en bourse en Suisse, cette part se limitait encore à 32% en 2022. Parmi les quatorze pays analysés par l’étude, cette proportion place la Suisse au 8ème rang, loin derrière la France (44%), le Royaume-Uni (41%), l’Italie (40%) et la Norvège (38%). Elle est plus élevée qu’en Pologne (20%) ainsi qu’en Allemagne et Irlande avec 29% chacun. A noter encore que parmi les 47 plus grandes sociétés cotées en bourse en Suisse, 70% d’entre elles comptent désormais plus de 30% de femmes au sein de leurs conseils d’administration.

S’y a actuellement en Suisse autant de femmes que d’hommes qui obtiennent des postes d’administratrices lors des nouvelles nominations, combien faudra-t-il de temps pour que l’on arrive effectivement à la parité au niveau de l’ensemble des conseils d’administration? «Il est difficile de le prédire car cela dépend de la durée pendant laquelle les membres de conseils d’administration restent à leur poste», explique Marion Fengler-Veith. Elle et l’équipe de Heidrick en Suisse observe néanmoins une accélération de la tendance lors du renouvellement de postes en Suisse: en 2020, la part des femmes était encore de 41%, puis elle a atteint 45% en 2021 et 50% en 2022.

La diversité fait aussi partie de l’«employer branding»

Qu’est-ce qui incite en particulier les entreprises à nommer davantage de femmes au sein de conseils d’administration qu’auparavant? Outre de possibles nouvelles exigences réglementaires – par exemple, celle qui oblige les entreprises à avoir au moins 30% de femmes dans les conseils d’administration en Suisse (comparé à au moins 40% dans l’UE d’ici à 2026) -, la pression peut venir de différents côtés. «Dans les grandes entreprises suisses, on observe une forte influence de ce qui se pratique à l’étranger», relève Marion Fengler-Veith. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’influence de facteurs tels que l’«employer branding» qui fait que les entreprises se comparent beaucoup entre elles et cherchent à apparaître comme des employeurs attractifs vis-à-vis de leur personnel. Enfin, certaines agences qui conseillent les caisses de pension en matière d’exercice des droits de vote, à l’exemple de Glass Lewis ou ISS aux Etats-Unis ou d’Ethos en Suisse, ont aussi une influence dans ce domaine car elles tiennent compte de la diversité dans les conseils d’administration lorsqu’elles évaluent les sociétés du point de vue de leur gouvernance d’entreprise.

Mettre en place des mesures d’accompagnement en amont

Reste la question de parvenir à trouver les profils qualifiés pour occuper des fonctions dans les conseils d’administration. Quelles mesures les entreprises peuvent-elles mettre en place pour favoriser la part des femmes en tant que futures administratrices? «Devenir membre d’un conseil d’administration est un long chemin qui demande beaucoup de préparation en amont», souligne l’experte. Parmi les mesures recommandées, il peut y avoir des offres de «coaching» ou de «mentoring» mises en place par les entreprises pour encourager les candidates potentielles à se préparer à ces fonctions. Plus généralement, la culture d’entreprise doit aussi être favorable à la place des femmes au sein de leur direction ou conseil d’administration, juge Marion Fengler-Veith. Enfin, l’experte estime qu’il ne faut pas se limiter uniquement à la répartition entre hommes et femmes dans les entreprises mais qu’il faut aussi encourager une plus grande diversité, que ce soit en termes d’origine ethnique, des minorités de genre (LGBTQI+) ou d’âge.

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