La diversité, un atout clé pour apporter de nouvelles idées

Yves Hulmann

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Selon Wolfgang Schmidt-Soelch de Heidrick & Struggles, il faut au moins 30% de femmes au sein d’une direction ou d’un conseil pour que cela ait vraiment un impact.

Alors que la saison des assemblées générales s’apprête à débuter, la question de la représentation des femmes dans les conseils d’administration, tout comme au sein des directions des entreprises plus généralement, se pose à nouveau. La société Heidrick & Struggles s’est penchée sur la situation qui prévaut dans le domaine de l’assurance dans une étude. Il en ressort que les femmes restent encore largement sous-représentées dans les directions des grandes compagnies d’assurance. Ainsi, 24 des 30 entreprises analysées par l’étude comptent moins de 30% de femmes parmi les membres de leur direction, avec même quatre entreprises qui n’en comptent aucune. L’étude constate qu’il existe aussi d’importantes différences en fonction des pays, la Suisse se situant en milieu de classement à l’échelle européenne. Le point avec Wolfgang Schmidt-Soelch, associé chez Heidrick & Struggles à Zurich.

Pourquoi Heidrick & Struggles a-t-elle décidé de réaliser une étude consacrée à la diversité de genre dans le domaine de l’assurance?

Notre société s’est déjà beaucoup penchée sur les questions de diversité dans les entreprises, que ce soit au niveau de l’ensemble du personnel ou plus spécifiquement du management en particulier. Nous avons souvent constaté que lorsqu’une organisation ou une entreprise manque de diversité, elle a fréquemment moins de succès. La diversité est un facteur qui contribue à faciliter le développement de nouvelles idées.

«Nous avons souvent constaté que lorsqu’une organisation ou une entreprise manque de diversité, elle a fréquemment moins de succès.»
Que peuvent faire les entreprises pour améliorer la diversité au sein de leur personnel et favoriser une plus grande proportion de femmes au niveau du management?

Les entreprises peuvent mettre en place diverses initiatives allant dans ce sens mais c’est une question qui concerne aussi bien sûr la société dans son ensemble. On peut penser à des mesures telles que l’école à journée continue ou à une meilleure acceptation sociale du fait que les pères restent davantage à la maison pour s’occuper des enfants. On observe à ce sujet des différences importantes entre pays, même au sein de l’Europe. Les pays nordiques ont depuis longtemps été davantage sensibles à ces questions, tandis que la Suisse et l’Allemagne, par exemple, demeurent encore un peu plus en retard sur ce plan.

Dans la branche de l’assurance, comme dans d’autres secteurs, on observe souvent qu’il y a une proportion élevée de femmes au niveau de l’ensemble du personnel de l’entreprise mais que celle-ci s’amenuise ensuite au fur et à mesure que l’on gravit les échelons hiérarchiques. Comment expliquer cette évolution?

Le dernier kilomètre est le plus difficile à gravir, entend-on souvent. C’est aussi le cas pour la place des femmes dans les directions des entreprises. A partir d’un pool initial qui compte souvent une proportion élevée de femmes, beaucoup d’entreprises ne parviennent pas ensuite à maintenir une même part de leur personnel féminin tout au long des différents niveaux hiérarchiques. Le problème ne se pose effectivement pas tellement au début de l’échelle, là où de nombreuses entreprises comptent une part de femmes à peu près équivalente à celle des hommes. Au deuxième échelon, celui des cadres intermédiaires, cette proportion se maintient souvent encore à un bon niveau. C’est ensuite que l’écart commence à se creuser. A partir d’un certain niveau d’avancement dans la carrière, la question de parvenir à conjuguer vie privée et carrière professionnelle se pose ensuite davantage. A ce stade-là, deux risques peuvent se poser pour les personnes qui ont fait une longue pause en dehors de l’entreprise : celui, d’une part, de ne pas retrouver la fonction que l’on occupait précédemment, et celui, d’autre part, d’être dépassé au niveau de ses compétences.

Pourquoi cela-devrait-il être le cas?

Deux facteurs peuvent jouer en défaveur des femmes dans une telle situation. D’un côté, il peut y avoir un biais défavorable général, qui correspond le plus souvent à un préjugé. De l’autre, certaines entreprises redoutent que les personnes qui réintègrent le marché du travail après trois ou quatre années de pause professionnelles ne soient plus à la hauteur des exigences actuelles.

Comment y remédier?

Je pense qu’une façon de prévenir la survenance de telles situations est de définir - avant le début d’une pause professionnelle - un cadre qui permette de maintenir le contact avec son équipe au travail. Cela peut prendre la forme d’une participation, même virtuelle, à certaines réunions ou le fait de fixer à l’avance des rendez-vous qui permettent de garder un contact avec son employeur. Quand il s’agit de pause de longue durée, certaines sociétés proposent des programmes de réintégration, ou de «on-boarding» comme les appelle en anglais, pour faciliter le retour de ces personnes dans l’entreprise.

Certains pays misent sur des quotas obligatoires pour favoriser la place des femmes dans les directions ou dans les conseils d’administration des entreprises. Est-ce utile selon vous?

De telles mesures - en tant que scénario de menace - peuvent parfois être utiles pour inciter des entreprises à agir sur ce plan. Toutefois, en fin de compte, on ne sait pas vraiment ce que de telles mesures peuvent apporter sur le long terme. En Norvège, une telle mesure semble avoir fonctionné – mais est-ce que ça sera nécessairement le cas ailleurs? De plus, cette approche pose un autre problème: les femmes n’ont généralement surtout pas envie d’être perçues en tant que «femme quota» à l’intérieur d’une entreprise ou d’une organisation.

«Les femmes n’ont surtout pas envie d’être perçues en tant que ‘femme quota’ à l’intérieur d’une entreprise ou d’une organisation.»

Enfin, une autre question se pose lorsque l’on impose des quotas à un niveau ou un autre. Dans le domaine des conseils d’administration, cette exigence semble fonctionner. La part des femmes au sein de ceux-ci a continuellement augmenté au cours des dernières année. En revanche, cela n’a pas été le cas au niveau des directions. Si, pour satisfaire aux quotas exigés, les entreprises s’accaparent toutes les femmes qui ont les compétences et l’expérience nécessaire pour occuper des postes au sein de leurs conseils d’administration, il y a un risque que ces femmes manquent ensuite dans les directions d’entreprises.

Quelle est finalement la proportion de femmes nécessaire dans les conseils d’administration ou les directions pour que cela ait vraiment une influence sur le fonctionnement des entreprises?

Certaines recherches à ce sujet estiment qu’il faut 30% de femmes au sein d’un conseil d’administration ou d’un organe de direction pour que cela ait vraiment un impact. Si une seule femme entre dans une telle structure, cela ne change généralement pas grand-chose. Avec deux femmes, ce n’est pas encore le cas. En revanche, quand il y a trois femmes au sein d’une organisation qui compte, par exemple, neuf ou dix membres, cela commence alors à avoir véritablement à un impact, à la fois au niveau du comportement conscient mais aussi inconscient. La présence des femmes entraîne un changement à différents niveaux de comportement, y compris au niveau du langage qui est utilisé.

L’étude de Heidrick & Struggles a comparé la répartition des genres dans les compagnies d’assurances dans différents pays européens. Comment se compare la Suisse sur ce plan?

Les pays qui comprennent la part de femmes la plus importante sont le Royaume-Uni, la France et le Danemark, avec respectivement 28%, 27% et 25%. La Suisse se situe en milieu de classement avec 16%, ce qui est néanmoins plus élevé qu’aux Etats-Unis (13%), en Autriche (12%) et en Allemagne (8%).