Les banques n’escroquent pas les épargnantes et épargnants

Martin Hess & Markus Staub, ASB

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Depuis peu, la politique tarifaire actuelle des banques en matière de rémunération de l’épargne est critiquée. Cette critique n’est pas fondée. Nous vous expliquons pourquoi.

Martin Hess & Markus Staub

Au vu de la situation bénéficiaire saine de nombreux établissements financiers et de l’augmentation du niveau des taux d’intérêt, certains médias critiquent la rémunération apparemment trop modérée des comptes d’épargne. Cette situation s’inscrit dans le contexte du revirement des taux d’intérêt initié par la Banque nationale suisse (BNS) au milieu de l’année dernière afin de lutter contre le renchérissement. De ce fait, les marges d’intérêt des banques se sont également progressivement normalisées. Les faits et arguments suivants sont, à notre avis, essentiels pour évaluer la situation.

Une critique peu justifiée

Premièrement, la focalisation des médias sur les marges d’intérêt actuellement élevées dans les nouvelles affaires renvoie une fausse image. Elle ne tient pas compte du fait que, depuis la crise financière, la marge d’intérêt moyenne des banques axées sur le marché intérieur n’a cessé de diminuer massivement, passant d’environ 1,8% à un peu plus de 1% (BNS, Rapport sur la stabilité financière 2022, p. 33, cf. graphique ci-dessous). La politique tarifaire des banques n’est donc pas aussi scandaleuse que cela.

Deuxièmement, le niveau global des taux d’intérêt influence aussi bien les conditions des crédits hypothécaires que celles de l’épargne. Toutefois, on observe souvent des décalages marqués dans les effets. Les taux d’intérêt des crédits hypothécaires existants sont, pour la plupart, bloqués à long terme. Il est donc logique que les ajustements des taux d’épargne ne puissent s’effectuer qu’avec un certain retard. En d’autres termes, seule une fenêtre d’observation nettement plus large sur les mois et les années à venir permettra d’évaluer les taux d’épargne de manière pertinente.

Troisièmement, la concurrence sur le marché de l’épargne est réelle et affiche une intensité et un dynamisme élevés. Le Surveillant des prix lui-même reconnaît que le marché bancaire suisse est soumis à une concurrence réelle et que l’accessibilité et la transparence des informations sur les produits et les prix ont été améliorées (Observation des tarifs appliqués aux comptes bancaires en Suisse, août 2022). Il n’y a donc aucune raison de supposer que les banques profitent systématiquement des épargnantes et épargnants.

Certes, les frais de fermeture de compte lors d’un changement de banque, critiqués par le Surveillant des prix, peuvent parfois constituer un obstacle. Mais dans l’ensemble, les coûts de transfert d’un compte vers une autre banque («Switching Costs») ne sont pas prohibitifs. Par ailleurs, il est fréquent que les fonds d’épargne soient transférés d’un compte à l’autre sans qu’il soit nécessaire de procéder à des fermetures de compte. C’est précisément cette mobilité qui permet de faire jouer la concurrence. Les différences de conditions observables au sein des différents établissements en témoignent également. Il convient également de souligner que d’autres formes d’épargne, comme les dépôts à terme, pourraient à nouveau gagner en attractivité. Et c’est précisément à ce niveau que la concurrence est dynamique.

Une vision globale est nécessaire

Pour résumer, on se trouve donc dans une situation où la marge d’intérêt moyenne des banques est encore très modérée par rapport au temps, où les effets du nouvel environnement des taux ne peuvent se manifester que partiellement et où une concurrence efficace permet de bénéficier de conditions conformes au marché pour les comptes d’épargne.

Les banques ont émis très tôt un signal clair quant à la flexibilité de la politique des taux d’intérêt: quelques jours seulement après la levée du régime des taux d’intérêt négatifs, de nombreuses banques avaient déjà adapté leurs taux d’intérêt pour les comptes d’épargne. Cela montre bien qu’elles ne veulent pas «priver» leur clientèle d’une rémunération équitable de leurs avoirs et qu’elles ne pourraient d’ailleurs pas le faire sur un marché concurrentiel.

Au contraire, pendant la phase de taux d’intérêt négatifs, le secteur bancaire a également adapté ses conditions d’intérêt avec un certain retard - et même pas du tout pour certains segments de clientèle, ce qui revenait de facto à «subventionner» les épargnantes et épargnants. Ce sont les taux d’intérêt négatifs de ces dernières années qui ont posé problème, et non le retour à la «normale» des taux d’intérêt, dont on peut se réjouir. Il reste à espérer que les prévisions de la BNS se vérifient et que l’inflation, véritable «gouffre à rendement», s’atténue bientôt.

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