Les émergents à prix cassés

Anne Barrat

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Pour Peter Saacke d’Artemis, la déconnexion entre les valorisations très attractives des sociétés des marchés émergents et leurs résultats créent un momentum.

Le contraste est saisissant entre d’une part des actions américaines chères alors que les l’inflation gagne chaque jour du terrain aux Etats-Unis et, d’autre part, les actions des économies émergentes relativement sous-valorisées, en Chine particulièrement. Et ce, alors que les politiques restrictives menées par les banques centrales de ces dernières ont été déployées sur l'année 2021, en tout état de cause bien avant celles des banques centrales occidentales, prévenant toute dérive inflationniste. Il en résulte que les marchés émergents offrent des portes d’entrée beaucoup plus intéressantes que les autres. Se priver de cette opportunité d’investissement serait dommage, explique Peter Saacke, associé du gérant d’actifs londonien Artemis.

La hausse des taux américains pourrait ne pas suffire à garantir son hégémonie.

Quatre facteurs ont pesé ces six derniers mois sur la valorisation des sociétés des marchés émergents, notamment d'Afrique du Sud, du Brésil, de la Chine, de la Colombie, de la Corée du Sud, de l'Indonésie et de la Turquie, selon Peter Saacke. Les premiers sont d’ordre géopolitique, liés à la Russie. Grand perdant, la Russie, grands gagnants le Moyen-Orient pour ce qui est de l’approvisionnement en pétrole, l’Asie du Sud-Est pour ce qui est des métaux. Les deuxièmes tiennent à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, qui a favorisé une «délocalisation» (inversée par rapport à la tendance historique) des chaînes de production et d’approvisionnement depuis la Chine vers les pays jusqu’alors clients de l’Empire du milieu qui ont décidé de «relocaliser» un certain nombre d’actifs stratégiques. Un mouvement qui a conduit la Chine à délaisser des industries dépendantes du coûts de la main d’œuvre pour se recentrer sur des secteurs plus qualitatifs, dans le domaine des énergies renouvelables notamment. Tertio: la remontée des taux d’intérêt conduite par la Fed, un facteur qui, historiquement, a affecté les émergents, le poids de leur dette en dollars devenant insupportable. La plupart d'entre eux sont aujourd’hui plus résilients à une hausse des taux d'intérêt – ils ont retenu la leçon de 2013. Le dollar précisément, quatrième et dernier facteur: la hausse des taux américains pourrait ne pas suffire à garantir son hégémonie. Le renminbi chinois pourrait tirer parti du contexte anti-russe et anti-rouble pour défier l’étalon dollar.

Les actions émergents «value», meilleur rempart contre l’inflation

«Ces facteurs n’ont fait qu’aggraver le pessimisme des investisseurs qui a prévalu sur la dernière décennie souligne Peter Saacke. Ce pessimisme explique pourquoi les investisseurs sont très largement sous-investis dans une classe d’actifs qui représentent pourtant 11% du marché mondial des actions en valeur de marché». Pourquoi? Les chiffres parlent d’eux-mêmes: les rendements des sociétés «value» des pays émergents s'élèvent actuellement à 11,4% contre 5,7% en moyenne pour celles des entreprises internationales comparables et 5,1% pour les sociétés américaines. Lesquelles sociétés «value» offrent la protection la plus efficace contre l’inflation. Ce n’est pas parce qu’elles ont été très pénalisées dans un environnement monétaire expansionniste très favorable aux actions de croissance qu’il faudrait aujourd’hui les sous-estimer, celles des pays émergents encore moins qui sont plus encore décorrelées des menaces inflationnistes globales.

La Chine en ligne de mire

«Au sein de l’univers des actions émergentes, les entreprises chinoises sont tout particulièrement attractives. Elles affichent aujourd’hui une décote de 50% vis-à-vis de leurs paires américaines et européennes, une valorisation exceptionnellement basse depuis 1 an et demi, commente Peter Saacke». Une réalité qui est loin des anticipations de résultats de ces entreprises, donnant à penser que la Chine n’a pas encore atteint son pic.

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