Le Vietnam sous les feux de la rampe

Daryl Liew, REYL

2 minutes de lecture

La vague de privatisations des entreprises détenues par l’État porte les résultats des actions vietnamiennes.

 

Les tensions commerciales s’exacerbent alors que le président Trump commence à mettre en application sa promesse de négocier des accords commerciaux plus favorables aux États-Unis à l’approche des élections de mi-mandat en novembre. Son objectif est de s’attaquer au déficit commercial bilatéral en le réduisant de 100 milliards de dollars grâce à des renégociations de traités commerciaux existants (ALENA, KORUS) et à des augmentations de droits de douane sur des biens comme les machines à laver, les panneaux solaires, l’acier et l’aluminium. Les derniers droits de douane instaurés concernent 1'300 produits chinois, dont des articles de haute technologie comme les semi-conducteurs et les batteries au lithium, et devraient ainsi atteindre environ 50 milliards de dollars. Ces politiques ont irrité les autres pays et déclenché des mesures de représailles, ce qui augmentent le risque d’une guerre commerciale ouverte. 

Cette incertitude a entraîné une correction des actions mondiales et ce sont les marchés qui dépendent du commerce qui ont généralement le plus souffert. Malgré une forte dépendance aux exportations, le Vietnam constitue une exception notable avec un indice Ho Chi Minh qui atteint toujours des records historiques. Cet indice de référence a enregistré une hausse de près de 20% au cours du premier trimestre, ce qui en fait le marché boursier le plus performant d’Asie. 

«Ces retraits des entreprises publiques vont forcer
ces dernières à devenir plus agiles et efficaces.»

L’un des moteurs des résultats solides affichés par les actions vietnamiennes est la vague actuelle de privatisations des entreprises détenues par l’État. L’année 2017 a été capitale compte tenu de plusieurs désinvestissements d’envergure: le gouvernement a vendu une participation majoritaire de 54% dans Sabeco, le géant de la brasserie, mais il a également réduit sa part dans Vinamilk, la principale société de produits laitiers du pays. Cette tendance s’est poursuivie en 2018 avec la vente des positions dans BSR (l’exploitant de la plus grande raffinerie du Vietnam), PV Oil (une unité du géant du pétrole et du gaz PetroVietnam), suivi du désinvestissement très attendu de la participation de 20% dans Airports Corporation of Vietnam, l’unique exploitant des 22 aéroports du pays. Ces retraits des entreprises publiques vont forcer ces dernières à devenir plus agiles et efficaces en tirant profit du savoir-faire et de l’expérience de partenaires stratégiques étrangers, ce qui devrait se traduire par une amélioration des marges et de la rentabilité des capitaux propres. La récente vague d’ouvertures de capital a également augmenté la taille et la liquidité du marché boursier vietnamien, ce qui l’a rendu plus intéressant pour les investisseurs étrangers. Les flux des marchés d’actions vers le Vietnam ont augmenté régulièrement tout au long de 2017 et restent élevés cette année. 

Cette solidité des marchés boursiers s’appuie sur des fondamentaux économiques solides. L’économie vietnamienne affiche toujours l’une des plus fortes croissances d’Asie, puisque le PIB du premier trimestre a battu un record vieux de 10 ans avec une hausse de 7,4%, soutenue en grande partie par le secteur industriel (l’indice PMI industriel de mars s’est établi à 51,6, poursuivant l’expansion). Les infrastructures du pays sont aussi actuellement en plein essor: plusieurs projets d’envergure sont prévus, notamment une autoroute traversant le pays du nord au sud, des lignes de métro à Hanoï et Hô- Chi-Minh-Ville, des centrales électriques et un nouvel aéroport international dans le sud du pays. L’amélioration des infrastructures et des liaisons déclenchera un cercle vertueux qui attirera de nouveaux investissements directs étrangers («IDE»), dopera la consommation et permettra à la croissance économique de s’accélérer. En effet, les IDE sont restés particulièrement solides, avec une croissance de 44% en glissement annuel en 2017, principalement grâce aux importations de biens d’équipement et de matériel. 

«Le CPTPP devrait favoriser
la croissance économique des pays signataires.»

Cette forte dynamique des IDE s’explique notamment par la relance du Partenariat Transpacifique. À la suite du retrait des États-Unis de ce pacte, les 11 pays membres restants ont décidé de le maintenir et ont signé l’Accord global et progressif de partenariat transpacifique («CPTPP») en mars. Le CPTPP devrait favoriser la croissance économique des pays signataires et les plus pauvres, comme le Vietnam, devraient recevoir la part du lion, ce qui améliorera l’assise industrielle à bas coût du pays. Selon des estimations prudentes de la Banque mondiale, le CPTPP devrait permettre une augmentation de 1,1% du PIB vietnamien d’ici à 2030, mais cette hausse pourrait atteindre 3,5% en cas d’amélioration de la productivité. L’adoption du CPTPP comporte d’autres avantages comme l’accélération des réformes du pays, la promotion de la transparence et l’obligation pour les institutions vietnamiennes d’atteindre des normes acceptées au niveau international en matière d’administration de sociétés. 

Compte tenu du tableau positif dessiné par l’évolution macroéconomique du Vietnam, le marché boursier a déjà intégré la plupart de ces bonnes nouvelles. Les actions vietnamiennes ne sont plus bon marché et l’indice se négocie dans le haut de sa fourchette de valorisations de ces cinq dernières années, avec un PER à 12 mois de 17,1, supérieur aux autres marchés asiatiques. Ainsi, il ne faut vraisemblablement pas s’attendre à un accroissement des multiples de grande envergure et les performances seront avant tout guidées par la croissance des bénéfices. Cela dit, étant donné que les bénéfices devraient augmenter de 18% en 2019, les actions vietnamiennes sont encore bien placées pour offrir des performances intéressantes.

A lire aussi...