Vers un dégel des relations dans la péninsule coréenne?

Daryl Liew, REYL

3 minutes de lecture

Les enjeux complexes entourant la péninsule coréenne ont pris une tournure inattendue après l’annonce de l’envoi d’une délégation par la Corée du Nord.

Les Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang n’ont certes pas manqué de rebondissements. Les athlètes se sont affrontés dans des conditions climatiques extrêmes au cours de ces jeux, les plus froids depuis 1994. Les vents violents sur les pistes ont blessé plusieurs concurrents et entraîné le report de certains événements alpins. L’esprit de compétition et de courage est sorti vainqueur, incarné par de nouvelles figures qui seront les héros et héroïnes de demain.

Les événements qui se sont déroulés en marge des Olympiades ont également rempli les colonnes des médias, les enjeux complexes entourant la péninsule coréenne ayant pris une tournure inattendue après l’annonce de l’envoi d’une délégation par la Corée du Nord. Mené par la sœur de Kim Jong-un, Kim Yo-jong, ce chorus de deux cents personnes a été accueilli par le président de la Corée du Sud en personne, Moon Jae-in, une rencontre placée sous le signe de la paix. Le dégel des relations entre le Nord et le Sud s’est manifesté tout particulièrement au cours de la cérémonie d’ouverture, pendant laquelle les deux Corées ont défilé sous une même bannière, ainsi qu’à l’occasion du tournoi féminin de hockey sur glace pour lequel une équipe coréenne unifiée a concouru.

Les États-Unis et le Japon, alliés de la Corée du Sud, sont restés sur leurs gardes face aux ouvertures de la Corée du Nord, convaincus qu’elle chercher à tirer parti des vœux de réconciliation affichés par sa voisine afin d’affaiblir les alliances en place. Également présent aux Jeux, le vice-président américain Mike Pence a réservé un accueil glacial à Mme Kim, négligeant également de se lever au passage des équipes coréennes réunies lors de la cérémonie d’ouverture. De retour aux États-Unis, il a réaffirmé par voie de commentaires dans les médias américains la ligne stricte en matière de négociation face à la Corée du Nord, soutenant que les États-Unis ne feraient aucun compromis sur les sanctions tant que la Corée du Nord n’entamerait pas de processus de dénucléarisation.  

La Corée du Nord est convaincue que son programme d’armement
nucléaire est essentiel à la survie du régime.

Toutefois, la Corée du Nord est convaincue que son programme d’armement nucléaire est essentiel à la survie du régime. Dès lors, il y a peu de chance qu’elle l’abandonne, laissant présager le maintien du statu quo dans un avenir prévisible. Cette cordialité de façade entre les deux Corées sera mise à rude épreuve, Séoul et Washington étant sur le point de reprendre leurs exercices militaires communs, reportés avant l'ouverture des Jeux. Il est probable que la Corée du Nord laisse éclater son mécontentement à coup de nouveaux essais nucléaires. Un nouvel accès de tension dans la région est donc envisageable.

En attendant, les actions sud-coréennes restent parmi les moins onéreuses en Asie, le Kospi se négociant à un PER à 12 mois de seulement 8,8, une décote significative par rapport au MSCI Asia ex-Japan qui affiche un PER de 15,8. Dans un climat de dissensions politiques continues avec la Corée du Nord, les entreprises sud-coréennes n’ont, pour la plupart, pas encore été touchées par les tensions géopolitiques, laissant penser qu’une prime de risque conséquente n’est pas justifiée. En outre, le pays est allé de l’avant dans sa réforme de la gouvernance d'entreprise en promulguant un Code de gérance et en incitant les chaebols à simplifier leurs structures d’entreprise. Ces initiatives devraient entraîner une nette amélioration du rendement des capitaux propres ainsi qu’une revalorisation du marché.

Les entreprises sud-coréennes n’ont, pour la plupart,
pas encore été touchées par les tensions géopolitiques.

Au vu de la place occupée par la Corée du Sud dans la chaîne de production mondiale, toute perturbation éventuelle du commerce international constituerait un risque important pour ce pays. À cet égard, la Corée du Sud est touchée de plein fouet par le récent virage protectionniste de Donald Trump. L’annonce faite par le président des États-Unis de taxer les importations d’acier à hauteur de 25% aurait des conséquences néfastes pour l’industrie sidérurgique sud-coréenne, le pays ayant été le troisième fournisseur étranger d’acier des États-Unis en 2017 avec 10% des importations américaines totales. Cette mesure fait suite au relèvement considérable des tarifs douaniers (dont le taux pourrait aller jusqu'à 50%) sur les lave-linges qui ciblent directement les fabricants coréens d’électronique grand public Samsung et LG.

Malgré ces défis, nous sommes convaincus que la Corée du Sud présente des opportunités d’investissement attrayantes. Le géant technologique mondial Samsung Electronics figure parmi nos valeurs préférées. Nous l’avons choisi en grande partie pour ses composants électroniques – les prix des mémoires DRAM et NAND continuent de grimper, soutenus par une solide demande internationale. Les données commerciales de la Corée du Sud confirment cette analyse. Les exportations de semi-conducteurs ont augmenté de manière exponentielle, avec une croissance supérieure à 40% sur un an chaque mois au cours des 13 derniers mois. Bien que ses activités de téléphonie mobile et d’électronique grand public subissent quelques pressions, l’action Samsung se négocie actuellement à un PER à 12 mois de seulement 6,7, une valorisation extrêmement attractive pour un leader mondial dans son secteur d’activité. Son confrère coréen fabricant de puces SK Hynix se négocie à des multiples encore plus faibles, avec un PER à 12 mois de seulement 4,3. Ce niveau tient sans doute à la nature cyclique de l’activité ainsi qu'à la menace d’une Chine prête à investir des sommes faramineuses pour monter sa propre industrie de semi-conducteurs. Il faudra toutefois du temps à ces concurrents pour rattraper les poids lourds coréens. Il est probable dans l'intervalle que Samsung et SK Hynix continuent d’afficher des marges solides et une augmentation de leurs bénéfices.