Le Trump sifflera trois fois…

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Trump n’a pour seuls objectifs que de légitimer son élection de 2016, conserver sa majorité en 2018 et être réélu en 2020.

 

La calamiteuse conférence de presse d’Helsinki, aux côtés du Président Poutine, a soulevé un tollé au sein même du Parti Républicain. La volte-face du lendemain n’a pas suffi à éteindre la violente polémique provoquée la veille. Est-on pour autant certain que la tempête médiatique quasi permanente venue de la Maison Blanche, et qui secoue le Capitole, sera le facteur déterminant de la prochaine élection de mi-mandat? Et au-delà, le Président Trump a-t-il perdu ses chances de réélection? Rien n’est moins sûr.

Le Parti Républicain, malgré l’indignation soulevée par les déclarations du Président Trump, ne semble pas prêt à le mettre directement en cause par une procédure formelle. Cette timidité souligne à quel point les élus du GOP  sont conscients de l’attachement de la base électorale au Président. Car malgré sa très faible popularité nationale, le Président Trump fait toujours le plein des soutiens dans son propre camp . Le parti Démocrate, de son côté, peine à se faire entendre, et même s’il emportait les élections de novembre, ne serait-il pas enclin à suivre un Président prêt à relancer un vaste programme de dépenses?

Les sujets d’inquiétudes
ne manquent pas.

Les décisions et déclarations de Donald Trump ne semblent pas non plus faire dérailler la machine économique et financière américaine, qui continue d’aller de l’avant. Depuis le début de l’année, l’indice Nasdaq (mesuré en dollars) progresse de près de 14%, le S&P 500 enregistre une hausse de plus de 5%. Les mesures fiscales et budgétaires soutiennent largement la croissance des profits. Après un premier trimestre décevant, le PIB est attendu en net rebond au printemps et pourrait dépasser les 4% de croissance. Le taux de chômage, installé sous les 4%, ne génère pas encore – aux dires de la Réserve Fédérale – de pressions inflationnistes majeures.

Ceci constitue néanmoins une stratégie sur le fil du rasoir et l’Amérique risque d’en payer chèrement les conséquences à plus long terme. Car les sujets d’inquiétudes ne manquent pas, à commencer par les conséquences d’une guerre commerciale d’ampleur, dont le Président Trump a tiré les premières salves. C’est à juste titre que Jérôme Powell déclarait devant la Commission du Congrès cette semaine: «voici une torche – celle du libre-échange – que nous portons dans le monde depuis 75 ans».

Une escalade commerciale pourrait coûter
jusqu’à 0,5% du PIB mondial.

Mais le temps long n’est pas celui de Donald Trump. Pour le locataire de la Maison Blanche, seuls comptent la légitimité de son élection et son maintien au pouvoir. Il  l’a prouvé en allant jusqu’à mettre en cause devant une puissance étrangère – celle-là même qui est accusée d’être responsable des manipulations électorales de 2016 – sa propre Administration et ses services de renseignements. La nomination à la Cour Suprême d’un juge réputé très conservateur et qui lui serait en quelque sorte acquis, pourrait bien aussi lui permettre de se mettre à l’abri de l’enquête en cours sur cette question.

De même, la politique économique et commerciale de la Présidence ne fait que servir les intérêts les plus immédiats de ses supporters (et encore): éliminations de réglementations jugées contraignantes, augmentation massive des profits par la baisse des impôts, protections pour certaines industries traditionnelles particulièrement malmenées et promesse d’un plan de relance des travaux publics.

Mais qu’adviendra-t-il de ces mesures à plus long terme? Tant sur le plan économique, politique que sociétal, on voit se creuser des fractures de plus en plus profondes entre conservateurs et libéraux comme entre l’Amérique et ses alliés. Et cela sans que l’Amérique soit assurée d’y trouver son compte, bien au contraire. Pour s’en tenir aux questions économiques, des pressions inflationnistes accrues pourraient bien pousser la Réserve Fédérale à plus de sévérité au risque de provoquer un brutal retournement de la conjoncture, au moment où  la dette publique dépasse les 100% du PIB. Selon les premières estimations du FMI, une escalade commerciale pourrait coûter jusqu’à 0,5% du PIB mondial. En Europe, au Canada comme au Japon, tous s’inquiètent de la remise en cause des liens historiques avec ses partenaires et d’un certain ordre économique et commercial mondial.

Mais après tout, ce ne sont pas les alliés traditionnels de l’Amérique qui votent aux mid-term, n’est-ce pas?

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