Flambée des prix de l’aluminium: l’arroseur arrosé

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Les sanctions commerciales se retournent souvent contre leur initiateur, l’Amérique risque d’en faire l’amère expérience avec l’envolée des prix de l’aluminium.

Le moratoire sur les sanctions commerciales à l’égard des producteurs européens d’acier et d’aluminium arrive à échéance le 1er mai. Les Européens espèrent que les surtaxes dont ils sont menacés seront, sinon définitivement abandonnées du moins reportées. De plus, l’espoir est revenu du côté russe lorsque que le Trésor américain a annoncé reporter de juin à octobre l’exigence de cessation de toute relation commerciale des entreprises américaines avec le producteur d’aluminium russe Rusal, dont le patron a rejoint la liste des oligarques russes bannis par les Etats-Unis.

Sanctions économiques et politiques se sont ainsi mêlées pour faire exploser les prix de l’aluminium ces dernières semaines alors que le géant russe, qui fournit 7% de la production mondiale d’aluminium (13% hors Chine), menaçait de faire faillite.

Perturbations majeures sur les marchés.

Après un bond de près de 30% en avril, les cours de l’aluminium se sont dégonflés de manière aussi spectaculaire, perdant une peu plus de 10% en quelques jours. Mais quelle que soit la décision du Président Trump demain, cet épisode comme d’autres du même registre menace la stabilité des prix et du commerce et laissera des traces. D’une part parce la menace de sanctions n’est pas définitivement levée et peut toucher d’autres pays ou productions, d’autre part parce que les circuits d’approvisionnement n’ont pas été immédiatement rétablis.

Les menaces de sanctions tant commerciales que politiques du Président Trump ont été la cause directe de perturbations majeures sur les marchés de certaines matières premières, à commencer par l’aluminium, mais aussi le nickel et plus marginalement le cuivre et cela à un moment où la hausse de la demande poussait déjà les prix. Les circuits d’approvisionnement sont fortement perturbés, certaines livraisons étant déroutées de peur de se voir interdire d’accès à leur point de livraison. A l’inverse la menace de sanctions tarifaires chinoises sur les importations de produits agricoles en provenance des Etats-Unis, pèsent sur les prix de l’orge, du soja du blé ou encore du maïs.

Inévitables stratégies de contournement.

De telles menaces incitent à la mise en place de stratégies de contournement, que ce soit à travers de nouvelles sources d’approvisionnement (les producteurs d’Amérique Latine pourraient bénéficier d’une augmentation des commandes agricoles en provenance de Chine) ; soit par la recherche de nouveaux débouchés pour les entreprises ou les pays visés par les sanctions. Ainsi le Mexique, pressé de renégocier un accord avec l’Amérique nettement plus contraignant, a accéléré la conclusion d’un nouvel accord de libre-échange avec l’Union Européenne. La pénurie de certaines productions, en provoquant artificiellement les hausses de prix, attire aussi de nouveaux acteurs sur le marché, avides de capter la rente ainsi créée.

Un peu comme lors de la prohibition, les produits passeraient toujours la frontière mais seraient plus chers voire d’une qualité discutable. Dans le cas de l’aluminium, même si les sanctions permettaient de renforcer la production nationale au détriment des importations, les producteurs locaux subiraient tout de même la hausse du coût induit par l’augmentation des prix de la bauxite. De plus, le plus grand producteur et concurrent des Etats-Unis dans ce domaine n’est autre que la Chine.

Les consommateurs paieront la note.

Au bout du compte, les consommateurs comme certains producteurs risquent bien de payer la note. Le paradoxe est qu’on trouve parmi ceux-ci une bonne partie des soutiens au Parti Républicain. Les élections de mi-mandat s’annoncent assez mal pour nombre de représentants notamment dans le Midwest. Le Parti Républicain pourrait bien être le grand perdant de ces manœuvres tarifaires.

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