Trump et Powell, la fin de la lune de miel?

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le Président et le Parti Républicain ont plutôt épargné la Réserve Fédérale. A mesure qu’elle relève ses taux directeurs, le ton pourrait changer.

S’il est une promesse de campagne que Donald Trump n’a pas tenue  jusqu’ici c’est bien celle qui entendait réduire les pouvoirs et l’indépendance de la Réserve Fédérale, qu’il accusait tout comme par la faction la plus extrême du parti Républicain, d’avoir mené une politique monétaire trop laxiste et trop interventionniste. Tour à tour rendue responsable de la crise mais aussi de ses méthodes de résolution, Donald Trump n’a pas eu de mots assez durs à l’encontre de sa Présidente. On se souvient que dès novembre 2016, Janet Yellen avait annoncé son intention de maintenir fermement le cap de la politique monétaire mais aussi de ne pas briguer un nouveau mandat.

L’arrivée de Jérôme Powell à la tête de la
ed a constitué un signal rassurant de continuité.

Depuis, les relations entre la Banque Centrale et l’Administration se sont nettement apaisées, probablement sous l’influence de Wall Street inquiète de voir la Réserve Fédérale contestée. Les personnalités présentées par le Président Trump ont été plutôt saluées par les marchés, tant pour leur expertise que leur loyauté à l’Institution. C’est ainsi que l’arrivée de Jérôme Powell à la tête de la Fed a constitué un signal rassurant de continuité. Il en va de même pour Richard Clarida, un économiste reconnu et pressenti comme prochain vice-président ou encore de John C. Williams qui devrait prendre le siège de la Fed de New York, celle des banques régionales qui est «en charge» de Wall Street. Leurs confirmations par le Sénat s’avèrent même être l’occasion de retrouver un consensus bi partisan, gage supplémentaire de solidité en somme.

Mais le ton pourrait bien changer assez vite du côté de la Maison Blanche. Donald Trump n’a jamais fait mystère de sa préférence pour des taux d’intérêt bas et pour une supervision bancaire allégée. Sur ce dernier point il se retrouve d’accord tant avec le nouveau patron de la Fed qu’avec le système financier dans son ensemble. En revanche, la perspective de voir la Réserve Fédérale préparer encore au moins trois hausses de ses taux directeurs d’ici la fin de l’année a de quoi irriter l’Administration, qui commence à le faire savoir.

La politique économique du Président tendant à donner un coup de fouet supplémentaire à l’économie déjà en forte croissance, comme l’impact de ses mesures protectionnistes et maintenant la hausse des prix de l’énergie pousse l’inflation, quoiqu’en disent les conseillers de Donald Trump, prompts à minimiser ces tendances. De plus, la hausse récente du dollar – liée elle aussi à la rémunération des taux court américains, va certainement à l’encontre d’un discours de promotion des exportations.  La hausse prévisible des déficits publics complique singulièrement la tâche de l’Administration Trump alors que la Fed poursuit son programme de réduction d’achats d’actifs sur le marché. Ainsi le taux d’intérêt à 10 ans semble bien s’installer au-dessus du seuil des 3%. Enfin, le net aplatissement de la courbe des rendements, mesuré par l’écart entre le taux d’intérêt des bons du trésors à 10 ans et le taux à 2 ans, lié aussi à la remontée des taux à court terme, relance le débat d’experts qui s’interrogent sur son caractère annonciateur d’une prochaine récession.

Avide de succès aussi immédiats que retentissants,
le Président Trump pourrait se retourner contre la Réserve Fédérale.

Toujours avide de succès aussi immédiats que retentissants, le Président Trump pourrait donc se retourner contre la Réserve Fédérale. Mais celle-ci a su démontrer son indépendance au fil du temps, d’autant que les cinq gouverneurs régionaux qui votent aux réunions de politique monétaire ne sont pas du genre à se laisser dicter leur conduite par Washington.

Même secoués par sa politique, les marchés conservent leur soutien à l’Institution avec qui ils préfèrent dialoguer sans autre interférence. La remise en cause de l’indépendance de la Banque Centrale par le pouvoir politique – attaquée par exemple par les populistes d’Italie ou de Turquie – n’a pour conséquence au regard des marchés que d’affaiblir la position de l’exécutif et non pas de lui donner raison.

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