Le futur de la finance passera par les cryptomonnaies ont convenu les experts de l’industrie présents à la table ronde de l’édition 2022 de l’ODDO Live Forum animé par Alex Koagne, gérant-analyste actions thématiques chez ODDO BHF AM SAS, qui résumait ainsi le consensus: «Les trois grandes tendances qui vont modifier le monde de la finance et de ses acteurs sont l’intérêt des investisseurs pour les Fintech, qui vont continuer à attirer des capitaux importants, la montée en puissance de nouveaux produits innovants aux dépens des établissements financiers traditionnels, comme le BNPL (acheter maintenant, payer plus tard), et le développement des cryptomonnaies.» Changpeng Zhao l’a bien compris qui, en quelques années, a fait de Binance la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde. Affichant des chiffres vertigineux, 67% de part d’un marché crypto de quelque 3'000 milliards fin 2021, et 9'500 milliards de dollars de transactions en 2021, Binance est prête pour la prochaine étape de sa courte histoire, une IPO.

Lancée en juillet 2017, Binance est devenue en 180 jours la plus grosse plateforme d’échange de cryptos. Et ce, en grande partie parce que le Binance Coin, créé quelques jours avant le lancement de la plateforme Binance pour un volume de 200 millions de jetons, permet de payer des frais de trading réduits. Les frais que pratique Binance, qui se rémunère en prélevant une commission à chaque transaction, sont parmi les plus bas du marché. Une stratégie de volume au cœur du succès de Binance, qui brassait 76 milliards de dollars par jour. Le cours du Binance Coin est passé de 31 euros au 1er janvier 2020 à 461 euros le 31 décembre 2021, soit une croissance de 1’300% quand les deux autres cryptomonnaies les plus valorisées que sont le bitcoin et l’éther ont augmenté respectivement de 73% et de 455%. Avis aux investisseurs.

Cette trajectoire spectaculaire de la 3e cryptomonnaie en termes de capitalisation derrière le bitcoin et l’éther reflète celle de Binance. «Binary + Finance», autrement dit Binance, permet de stocker, acheter, revendre, et échanger des cryptomonnaies contre d'autres cryptomonnaies ainsi que contre des monnaies fiduciaires (Fiat) telles que l’euro ou le dollar. Leader mondial, elle est à la tête d’un large écosystème fondé sur la blockchain, qui comprend Binance Exchange, Binance Labs, Binance Academy, Binance R&D, Binance Charity, Binance NFT et plus encore. «Nous sommes un véritable écosystème dans l’univers des cryptos, un univers qui a dépassé les 3’000 milliards de capitalisation en 2021 triplant la mise en un an, explique Changpeng Zao, un univers illimité. Illimité parce que les cryptos ne sont pas une simple classe d’actifs mais une nouvelle technologie, tout comme Internet était bien plus qu’une nouvelle radio ou télévision, mais ouvrait les portes d’un nouveau monde pour de très nombreuses applications. Aucune plateforme de crypto-monnaies ne propose à ce jour une plus grande diversité d’actifs que Binance. Maintenir ce niveau est un défi quotidien.»

Un défi qui consiste surtout à dompter la méfiance des régulateurs financiers, une gageure pour une société qui n’aurait ni adresse officielle ni licence. Ce qui la placerait, sans surprise, dans le collimateur des régulateurs. Victime de son succès supersonique? De ses origines? Reste que les embûches se sont accumulées pour Binance en 2021: la Financial Conduct Authority a ordonné la cessation de ses activités au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Lichtenstein elle a été bannie aux termes de la loi antiblanchiment, aux Etats-Unis elle est tombée sous le coup d'une enquête pour blanchiment. Dans le collimateur des régulateurs, Binance continue d’attirer les 200 millions d’utilisateurs et d’utilisatrices mondialement sur www.binance.com. La contre-attaque n’a pas tardé: «Nous sommes conscients, souligne Changpeng Zhao que, pour pouvoir continuer à développer notre empreinte, notre développement, l’aura de nos services et produits, nous devions être en conformité avec les attentes des régulateurs. Ce qui signifie un siège social centralisé, une transparence sur nos actionnaires et notre gestion des risques, des outils pour pouvoir travailler avec nos régulateurs.» Se réconcilier avec les régulateurs est donc une priorité pour le tigre de la crypto, qui rappelle que moins de 2% de la population mondiale utilise actuellement des cryptomonnaies. Attirer les 98% restants? Une question de mise en conformité réglementaire, répond Changpeng Zhao.

Lequel, assagi, mais tout aussi conquérant, envisage l’avenir avec patience, mais pugnacité. Un avenir court terme dédié à convaincre des investisseurs institutionnels. A moyen terme, une IPO: «pas tout de suite comme l’a fait coinbase en avril 2021, mais à terme oui, si et seulement si, ce peut être sur une bourse américaine. Cela nous donnerait les moyens de poursuive notre stratégie d’éducation» Car, pour le jeune milliardaire, l’univers des cryptos n’échappe pas à la règle séculaire: patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, fussent-elles celles du tigre. D’où les choix d’investir en Europe, un terreau qu’il estime propice aux multiples opportunités qu’offrent les marchés cryptos, les NFT et la finance décentralisée notamment, pour des investisseurs plus mâtures. Binance a ainsi investi fin 2021 avec l'association France FinTech 100 millions d’euros dans le projet «Objectif Lune» pour le développement de l'écosystème des cryptomonnaies. «Plus les gens apprennent les cryptos, plus les entreprises les adopteront. Le principal obstacle aujourd’hui? L’état d’esprit. Nous voulons changer cet état d’esprit, de manière à ce que ce les 5 à 10% de personnes qui comprennent actuellement les enjeux des actifs cryptos deviennent plus nombreux. Il est essentiel pour un investisseur de ne pas mettre d’argent avant de comprendre comment les marchés des cryptos fonctionnent, car ils sont très volatils. Il faut donner du temps au temps, in fine c’est juste une question de temps» conclut Changpeng Zhao.