De quoi seront composées nos assiettes en 2050?

Anne Barrat

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Des experts réunis à l’Oddo Live Forum 2021 prévoient une révolution de la chaîne alimentaire. Des opportunités pour les investisseurs, à consommer sans modération.

Comment nourrir 10 milliards d’habitants en 2050? Comment produire mieux? Deux questions qui ne sont pas neutres dans le contexte du chemin qu’a pris l’humanité vers une économie décarbonée à horizon 2050: l’agriculture pèse directement et indirectement pour 33% des émissions de gaz à effet de serre. Le seul élevage représente – animaux et agriculture liée à leur alimentation – 83% de la surface agricole mondiale et 14,5% des émissions globales selon la FAO. Chaque année, près de 150 milliards d'animaux sont tués pour être mangés, soit près de 2’000 par seconde. 2’000 par secondes… Réduire les effets directs de l’empreinte de nos assiettes: une priorité qui ne saurait suffire sans s’attaquer aux trois externalités négatives liées, packaging et emballage, déchets et gaspillage, transports du producteur au consommateur. Tout un menu à la carte pour des opportunités d’investissements thématiques, dont voici trois exemples. 

Lutter contre le gaspillage alimentaire

Un tiers de la nourriture produite est perdue ou gaspillée, générant entre 8% et 10% des émissions annuelles de gaz à effet de serre dans le monde selon la FAO. Ce gaspillage coûte 2'600 milliards de dollars par an, dont les causes présentent de grandes disparités régionales: dans les pays émergents, en Afrique notamment, il s’explique par des causes en amont, au niveau des infrastructures et des récoltes, alors que dans les pays de l’OCDE, il relève de problèmes à la fin de la chaîne alimentaire, stockage, transport, gâchis. 

«La technologie nous permet aujourd’hui, grâce à un algorithme, d’ajuster les stocks à la demande.»

Pour Clément Bonhomme co-fondateur & Co-CEO de Foodles, une offre de restauration nouvelle génération qui propose une solution alternative aux restaurants d’entreprise traditionnels, «la technologie nous permet aujourd’hui, grâce à un algorithme, d’ajuster les stocks à la demande. Ce qui nous permet de livrer des menus frais, gourmands et responsables, des produits organiques, 100% issus de la pêche durable volaille et de produits saisonniers locaux, tous les jours pour les employés. En fonction des dates d’expiration, nous vendons moins cher nos produits, voire les offrons à des ONG.» Objectif pour la start-up fondée en 2015 qui sert plus de 200 clients en France, Belgique et Royaume-Uni: zéro gaspillage. Un objectif que partage Anastasia Hofmann, co-fondatrice et Co-CEO de Kitro, une start-up dédiée à la gestion du gaspillage alimentaire dans le secteur agro-alimentaire et Hôtelier. L’ancienne élève de l’Ecole hôtelière de Lausanne explique: Kitro exploite la puissance technologique de l’intelligence artificielle pour revaloriser la nourriture et l’apprécier au lieu de la gaspiller. Ainsi que pour calculer ces déchets. Car pour nous, le principal défi de la révolution alimentaire que nous vivons a trait à la traçabilité des déchets, les premiers liés au gaspillage, les seconds au packaging.» Tout investissement thématique surfera sur ces tendances à long terme, en n’oubliant pas celle des circuits courts.

Fermes urbaines: préférence pour les circuits courts et le local

Pour Guillaume Fourdinier, co-fondateur et CEO d’Agricool, il est urgent d’accélérer l’accès aux produits locaux et de réduire l’empreinte carbone de nos repas en réduisant, sinon supprimant, le transport entre le lieu de production et celui de consommation. Pour ce faire, Agricool propose des containers d’agriculture urbaine dont l’objectif est de faire pousser des produits agricoles en milieu urbain, pour répondre à une forte demande des consommateurs pour des aliments locaux. Et pour cause: 50% des salades sont jetées car elles sont produites loin de là ou elles sont consommées. Réduire la chaîne entre la production locale et le consommateur permet à une salade d’être consommée le lendemain de sa cueillette au lieu de 7 jours entre la récolte et le magasin. Herbes et salades conservent ainsi plus d’éléments nutritifs et sont plus goûteux. 

«Moins de poisson, moins de viande, plus de légumes.»

Les fermes urbaines, qui attirent toujours plus d’investisseurs et de capitaux, des centaines de millions d’euros aux Etats-Unis et en Europe en 2021, rencontrent deux défis majeurs: l’espace et la technologie. L’espace d’abord, très cher: «notre plus grande difficulté est que nos fermes entrent en concurrence avec des espaces de bureaux et de logements, sans parler que nos produits fermiers dont plus chers que des produits non locaux» explique Guillaume Fourdinier, pour qui la clé consiste à être plus productif nous le sommes 100 fois plus que l’agriculture traditionnelle, donc à investir beaucoup dans la R&D et la technologie. En gardant à l’esprit que les consommateurs ne paieront pas plus de 20% en plus pour manger mieux. Reste donc à trouver la bonne technologie pour créer les conditions idéales de pollinisation et de pollinisation pour nous aider à créer un paradis pour les fruits et les légumes pour lumière. L’intelligence artificielle joue ici un rôle crucial.»

Manger autrement

Que trouverons-nous dans nos assiettes en 2050? A cette question, Clément Maclou, gestionnaire de portefeuille d’actions thématiques chez ODDO BHF AM, chargé de la stratégie Future of Food répond: «Moins de poisson, moins de viande, plus de légumes. A première vue, tout semblera pareil, mais à l’intérieur de ces aliments, ce ne sera pas pareil. Les modes de production seront différents et les matières premières utilisées nettement plus variées. Aujourd’hui, 75% de nos protéines proviennent de cinq espèces animales et douze espèces de plantes, alors même que plus de 50’000 espèces sont compatibles avec notre alimentation. Demain nos assiettes seront donc plus diversifiées, plus colorées et respecterons mieux l’équilibre entre valeurs nutritives et impact environnemental. Sous la pression des gouvernements, les consommateurs se seront adaptés à des repas sans déchets, aux protéines végétales en substitution des protéines animales. Les grands gagnants de cette révolution alimentaire? Le consommateur et la planète avec une sécurité alimentaire renforcée, plus de diversité, des solutions concrètes au changement climatique et moins de pression sur nos terres, l’eau et la biodiversité.»