Malgré un environnement géopolitique inquiétant et des conditions commerciales clairement dégradées, il manque un élément déclencheur venant surprendre les investisseurs pour assister à une correction des marchés. Rien ne permet de déterminer si un tel évènement est imminent ou non.
Loin du poème de Baudelaire ou du roman d’Hemingway, écrire quelques mots sur les marchés financiers a une saveur différente selon le lieu d’où on le fait et l’environnement alentours. Autant la froideur des bureaux de la ville m’inspire généralement des sujets plus techniques ou terre à terre autant l’arrivée de l’été et si possible une vue sur la mer invitent à plus de réflexions sur le sens des choses et le mouvement des courbes qui peuplent nos journées.
Il est fréquent de trouver dans les déclarations de nombreuses personnalités de la finance des envolées philosophiques. Pour certains ces dernières sont le reflet de l’ego démesuré de gérants de «hedge fund» stars, pour d’autres ces réflexions font beaucoup de sens, la gestion d’actifs plaçant les comportements humains au cœur de tout, n’en déplaise aux adeptes de l’artificiel et des algorithmes.
Celles et ceux qui me font l’honneur de me lire de temps à autres savent d’emblée que je me range dans la deuxième catégorie. En l’occurrence, la vue sur la mer que j’ai la chance d’avoir en écrivant ce billet, me fait penser qu’à mi année, nous avons l’impression d’avoir déjà tout vécu sur les marchés en 2025. La sidération face aux propos tenus par certains dirigeants (ne le nommons pas pour une fois…), la baisse des indices, la peur bien sûr…et puis finalement une remontée qui se fait l’écho d’un peu plus de retenue et donc l’espoir d’aller plus haut, toujours plus haut car en finance c’est bien la quête permanente des sommets qui est poursuivie.
Il parait compliqué de se désinvestir fortement car volatilité ne signifie pas mauvaise performance.
Il est facile de se faire peur à l’ère des écrans. Pour celles et ceux qui ont eu la chance (ou pas…) d’aller voir le dernier volet de la saga «Mission Impossible», on y retrouve l’indéboulonnable Tom Cruise faisant face à une menace qui m’a interpellé (au moins tout autant que les capacités physiques surhumaines de la star américaine). On y dépeint l’ennemi du beau Tom sous la forme d’une intelligence artificielle qui aurait pris le contrôle de l’information, montant savamment les hommes les uns contre les autres à grands coups de désinformation justement…
Aussi intelligents que nous puissions l’être en 2025, nous pouvons vite croire n’importe quoi et le répercuter dans les cours de bourse, ces derniers n’étant qu’un reflet parmi d’autres de nos convictions du moment.
Alors que faut-il croire aujourd’hui concernant le niveau des marchés actions vis-à-vis de la réalité macro-économique et politique? Et s’il en existe un, quelle est la taille du fossé entre ce que nos écrans nous montrent et la réalité?
Comme je le mentionnais précédemment le flot continu d’informations est par nature anxiogène. Les bonnes nouvelles font moins vendre que les mauvaises, c’est ainsi. J’ai tendance à penser que quand trop de bonnes nouvelles et d’excitation sont mises en avant sur nos écrans c’est qu’il faut songer à réduire son risque. Nous ne sommes cependant pas dans cette configuration actuellement, loin de là.
Tensions commerciales, images de guerre, «clashs» médiatiques entre leaders politiques ou encore contrats d’armements sont régulièrement sur le devant de la scène. On se dit vite que les marchés sont trop hauts et qu’une correction va forcément se produire. Tout cela est très intuitif et les choses sont ainsi faites. Régulièrement dans l’histoire financière la bourse s’effondre mais rarement quand tout le monde s’y attend (sinon elle ne s’effondrerait pas).
Au risque de paraitre pour le coup bien terre à terre et peu empreint de philosophie avec «vue sur la mer», je ne crois pas que le marché des actions corrigera fortement sur les seuls éléments que sont la géopolitique ou les tensions commerciales si ces dernières en restent à ce qu’elles sont actuellement (c’est-à-dire un niveau déjà bien navrant). La soif de consommation et de technologie dans laquelle nous vivons parait trop grande. Tant que nous pourrons l’étancher à grands coups d’innovations et de dette publique alors les valorisations reflèteront que la machine financière tourne à plein régime, peu importe si le capot est bouillant.
Il parait naïf de croire que le système va répéter une erreur du passé, qu’il s’agisse de la bulle internet ou de la crise des subprimes. Nous allons probablement innover dans nos excès et le grain de sable qui viendra gripper la mécanique devra nous prendre par surprise. La dette semble tout de même avoir le meilleur profil pour être le rouage qui lâche mais reste à savoir sous quelle forme le problème provoquant une panique arrivera.
Surtout il est impossible de prévoir quand cela arrivera. Le «krach» boursier nous est annoncé depuis désormais de longues années. Le Covid, la guerre, l’inflation, les taux sont autant de facteurs qui ont provoqué de très amples secousses sur les marchés financiers ces cinq dernières années mais pourtant à mi 2025 nous sommes aux plus hauts historiques sur ces derniers.
Fort de ce constat il parait compliqué de se désinvestir fortement car volatilité ne signifie pas mauvaise performance. Les marchés sont peut-être devenus plus cyniques face à l’état du monde et notre conscience a parfois du mal à l’admettre, elle que nous abreuvons d’images de guerre et de déclarations menaçantes. L’optimisme boursier finit par être incompris dans le pessimisme ambiant mais si nous regardons autour de nous, nous devons aussi admettre que la consommation, la circulation des richesses et l’innovation technologique sont omniprésentes, même au milieu d’un certain chaos et d’inégalités de plus en plus criantes.
En attendant que le train déraille à nouveau, car c’est sa destinée, avant de probablement repartir de plus belle, il est bon de temps à autre de trouver «une vue sur la mer» pour observer les marchés financiers et de sortir du brouhaha des écrans et des courbes qui s’agitent.
Cette prise de recul me fait penser que les actions ne semblent pas complètement mûres pour corriger brutalement, les cours de bourse n’étant pas le miroir du niveau de bonheur dans le monde.