Le taux de conversion moyen sera abaissé à 5,3% en 2025

Yves Hulmann

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Les institutions de prévoyance sondées par Swisscanto anticipent déjà une poursuite de l’adaptation à la baisse des rentes, constate Iwan Deplazes.

©Juergkaufmann.com

En termes de performance, l’année 2020, marquée par la pandémie de coronavirus, aura été finalement assez ordinaire pour la plupart des caisses de pension en Suisse. Les institutions de prévoyance helvétiques, qui gèrent en tout un patrimoine de plus de 1’000 milliards de francs, ont dégagé un rendement moyen de 3,97% l’an dernier. C’est certes moins qu’en 2019 (10,85%), meilleure année de la dernière décennie mais mieux qu’en 2018 (-2,81%), indique la 21e édition de l’étude de Swisscanto consacrée aux caisses de pension.

De grands écarts de performance

Des écarts de performance apparaissent en fonction de la taille des caisses de pension. En moyenne, les plus grandes caisses de pension (qui gèrent des actifs de plus de 500 millions de francs) ont réalisé une performance de 4,02% en 2020, comparée 3,9% pour celles qui gèrent moins d’un demi-milliard de francs. Sur la durée, cet écart se creuse encore davantage: sur dix ans, les grandes caisses de pension ont dégagé une performance annuelle moyenne de 4,57%, contre 4,27% pour les plus petites.

Davantage d’actions, moins d’obligations

Outre le critère de la taille, l’allocations d’actifs appliquée par les caisses de pension influe aussi sur les rendements obtenus. En effet, les 10% des institutions de prévoyance qui enregistrent les meilleures performances (6% en moyenne durant les cinq dernières années) disposaient à fin décembre d’une part en actions nettement plus élevée totalisant 39,5% (16,5% d’actions suisses; 23% d’étrangères). Chez les 10% des caisses ayant réalisé les plus mauvaises performances (3,2% sur cinq ans), cette part se limitait à 29,7% (14,7% d’actions suisses, 15% d’étrangères). Chez ces dernières, la part en obligations reste aussi sensiblement plus élevée avec un total de 32,8%, comparé à 20,9% chez les 10% des institutions de prévoyance ayant obtenu les meilleures performances. 

1% de hausse des taux entraînerait
une baisse de valeur des portefeuilles de 4,8%.

En dix ans, les caisses de pension ont largement adapté leur allocation d’actifs: la part consacrée aux actions atteint un niveau record de 32,7% (contre 26% en 2011), tandis que celle qui est allouée aux obligations est tombée à un plancher historique de 28,9% (37,2% en 2011).

Même si moins du tiers des portefeuilles des caisses de pension reste investi dans les obligations, une brusque hausse des taux est susceptible d’entraîner des pertes élevées sur la valeur de leurs placements, du moins à court terme. Si les taux d’intérêt augmentaient de 1% en Suisse et à l’étranger, l’effet négatif à court terme sur l’ensemble de la valeur du portefeuille des caisses de pension est estimé à -4,8% par Swisscanto Prévoyance. En effet, un «choc de taux» de +1% entraînerait non seulement un recul de la valeur des obligations suisses (-9,04%) et étrangères (-8,8%) mais il aurait également – en raison de ses nombreuses répercussions sur d’autres classes d’actifs – un impact négatif non négligeable sur les actions en monnaies étrangères (-5,3%) et sur l’immobilier suisse (-3,84%).

Taux de conversion: nouvelles adaptations déjà anticipées

Au fil des années, les écarts entre les 10% des caisses de pension qui réalisent les meilleures performances et les 10% d’entre elles qui obtiennent a un impact considérable sur leur situation financière d’ensemble. Ainsi, les 10% des meilleures caisses affichent un taux de couverture de 119%, comparé à 112,5% pour celles qui compte parmi le dixième des plus mauvaises (117,2% en moyenne pour toutes les institutions de prévoyance). En corollaire, les meilleures caisses de pension peuvent ainsi continuer d’appliquer un taux de conversion moyen plus favorable qui atteint 5,7%, contre 5,4% pour les plus mauvaises d’entre elles (5,5% pour toutes les institutions de prévoyance).

Les institutions de prévoyance prévoient d’ors et déjà
un taux de conversion moyen de 5,3% à l’horizon 2025.

A ce sujet, les 514 institutions de prévoyance suisses qui ont participé à l’étude anticipent d’ores et déjà de nouvelles adaptations à la baisse des taux de conversion. En 2021, le taux de conversion moyen pour les femmes qui prennent leur retraite à 64 ans est de 5,46%, contre 5,52% pour les hommes qui quittent la vie professionnelle à 65 ans. En d’autres termes, les taux de conversion sont aujourd’hui déjà en grande partie inférieurs à 6%, et donc en dessous du niveau que le Conseil fédéral vise comme taux de conversion minimum dans le cadre de la révision de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), met en perspective l’étude de Swisscanto. Et l’adaptation à la baisse est appelée à se poursuivre: les institutions de prévoyance prévoient d’ors et déjà un taux de conversion moyen de 5,3% à l’horizon 2025. Sur une décennie, la diminution est considérable: en 2012, le taux de conversion atteignait encore 6,74% pour les hommes et 6,6% pour les femmes.

Les caisses de pension intègrent les critères ESG au compte-gouttes

L’étude de Swisscanto s’est aussi penchée sur la prise en compte des critères de durabilité par les caisses de pension suisses. Celles-ci prennent, certes, davantage en considération les critères de durabilité dans leurs règlements et décisions de placement que par le passé mais des écarts importants en fonction de leur taille.

Les grandes caisses se montrent plus proactives à ce sujet que les petites: 44% des institutions de prévoyance qui gèrent une fortune de plus de 500 millions de francs ont déjà introduit dans leur règlement de placement un passage indiquant qu’elles doivent appliquer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), contre seulement 14% chez les caisses qui gèrent moins d’un demi-milliard de francs. A noter encore que 12% des grandes caisses et 7% des petites prévoient de le faire dans 2 à 3 prochaines années. Enfin, un quart de l’ensemble des institutions sondés indiquent avoir «discuté d’un tel passage mais n’ont encore rien décidé» à ce sujet.

Quant à la mise en place d’outils de mesure des émissions de CO2 ou de définition d’objectifs concrets à sujet, on retrouve les mêmes écarts entre grandes et petites institutions. En moyenne, 32% des grandes caisses de pension interrogées mesurent déjà, au moins en partie, les émissions de CO2 dans leur portefeuille, contre 7% pour les petites institutions de prévoyance. S’agissant de la définition d’objectifs de réduction concrets, le bilan est même qualifié de «mauvais» par Swisscanto: seules 4% de toutes les institutions de prévoyance ont déjà mis en œuvre de tels objectifs (8% chez les grandes caisses; 1% pour les petites caisses).

Pourtant, la prise en compte des critères ESG fait toujours plus partie intégrante des processus d’évaluation des risques dans la gestion d’actifs. «L’intégration des critères ESG dans les processus de placement permet de réduire les risques», souligne Iwan Deplazes, responsable Asset Management chez Swisscanto Invest by Zürcher Kantonalbank,. En effet, les enjeux climatiques représentent des risques pour les placements, étant donné que les modèles d'affaires à forte consommation de CO2 entraînent un danger de perte de valeur pour les entreprises, relève l’étude de Swisscanto.

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