Le resserrement monétaire s'atténue

Philippe G. Müller, UBS

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L'assouplissement à l'échelle mondiale entretiendra le rebond des actions et les actions mondiales continuent à être surpondérées.

©Keystone

Cela fait désormais dix ans que les marchés d'actions ont touché le fond après la crise financière mondiale. Depuis le plancher du 9 mars 2009, les actions mondiales ont généré un rendement de 260%, et même 400% pour l'indice S&P 500. Alors que le marché haussier entre dans sa onzième année, on peut légitimement se demander s'il va encore durer.

Les marchés haussiers s'achèvent souvent parce que les banques centrales resserrent leur politique monétaire dans des proportions qui étouffent l'expansion et qui débouchent sur la récession suivante. 

La pause dans le cycle de relèvement
des taux d'intérêt de la Fed pourrait durer quelques mois.

Néanmoins, après la nette correction des actions intervenue en décembre sur fond d'inquiétude quant à la croissance économique, les principales banques centrales du monde ont cessé de resserrer leur politique monétaire.

La Fed en mode «patience»

La Fed a débranché le «pilotage automatique» pour faire preuve de «patience» et ses récentes indications prospectives suggèrent que la pause dans le cycle de relèvement de ses taux d'intérêt pourrait durer quelques mois. 

Le président de la Fed de Boston, Eric Rosengren, qui faisait autrefois figure de faucon va-t-en-guerre parmi les responsables de la Fed, a déclaré la semaine dernière qu'il faudra peut-être plusieurs réunions avant que la Banque centrale des Etats Unis ait suffisamment de recul pour apprécier la probabilité d'une concrétisation des risques économiques.

La BCE a revu sa prévision de croissance

Trois mois à peine après avoir achevé son programme d'achat d'obligations, la Banque centrale européenne (BCE) a ramené sa prévision de croissance pour la zone euro de 1,6 à 1,1% et a annoncé de nouvelles mesures de relance. 

Un premier relèvement de la BCE peut être attendu en mars 2020.

La BCE a renvoyé à plus tard le premier relèvement de ses taux d'intérêt, en déclarant qu'elle s'attend désormais à ce que les taux demeurent à des niveaux historiquement bas «au moins jusqu'à la fin 2019», et non plus «jusqu'à l'été», comme elle le suggérait auparavant. 

Un premier relèvement peut être attendu en mars 2020. Par ailleurs, la BCE a lancé – plus tôt que prévu – une troisième opération ciblée de refinancement à long terme (TLTRO III) consistant en une série d'adjudications de prêts à deux ans entre septembre 2019 et mars 2021. Ce programme vise en partie à aider les banques à refinancer les 720 milliards d'euros de prêts TLTRO existants qui arrivent à échéance.

La croissance du PIB chinois ralentit

En Chine, lors du Congrès national du peuple de cette année, le gouvernement a ramené son objectif officiel de croissance du PIB pour cette année dans une fourchette de 6 à 6,5%. Si cette prévision se confirme, il s'agirait du plus faible taux de croissance annuel depuis trente ans. 

Le gouvernement est en train de réagir avec des mesures de relance monétaires et budgétaires. La politique monétaire ne sera «ni trop restrictive ni trop souple», mais le retrait de l'adjectif «neutre» s'inscrit dans le ton plus conciliant observé ces derniers temps et laisse entrevoir une politique monétaire accommodante. 

Cette année, le coefficient de réserves obligatoires devrait une nouvelle fois être réduit de 100 à 200 points de base. Sur le plan de la politique budgétaire, Pékin a annoncé des baisses d'impôts et de droits d'un montant de 2’000 milliards de yuans.

Au Japon, la hausse de la TVA pourrait plomber l’économie

La semaine dernière, Yutaka Harada, classé dans le camp des colombes au sein de la Banque du Japon (BoJ), a estimé que la hausse du taux de TVA, qui est censée intervenir en octobre, pourrait peser sur l'économie. Selon lui, la BoJ devrait accentuer la relance monétaire si les difficultés de l'économie mettent en péril l'atteinte de son objectif d'inflation. 

La BoJ reste la seule grande banque centrale
ayant toujours recours à l'assouplissement quantitatif.

Ces déclarations font écho à celles du mois dernier de l'ancien gouverneur adjoint Kikuo Iwata, l'un des architectes du programme d'assouplissement quantitatif japonais, qui plaidait, pour cette année, en faveur de l'abandon de la hausse du taux de TVA et d’une stimulation constante des dépenses publiques via la planche à billets. 

Cela ne veut pas dire que les colombes ont la mainmise sur la politique de la BoJ, mais cette dernière reste la seule grande banque centrale ayant toujours recours à l'assouplissement quantitatif et certains de ses responsables privilégient clairement une poursuite de l'assouplissement.

L'assouplissement de la politique monétaire à l'échelle mondiale entretiendra le rebond des actions et les actions mondiales continuent à être surpondérées. 

Si une politique porteuse est nécessaire, elle pourrait ne pas être suffisante.

Néanmoins, si une politique porteuse est nécessaire, elle pourrait ne pas être suffisante. Les cours reflètent déjà une bonne partie des bonnes nouvelles et il en faudra peut-être d'autres pour propulser les marchés plus haut. Un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine est prévisible, du moins à court terme, mais le risque d'une rupture des négociations dans la dernière ligne droite ne saurait être exclu. 

A voir également si la politique monétaire accommodante a un impact positif sur les indicateurs, comme ce fut le cas la semaine dernière avec le très bon chiffre de l'indice ISM dans le secteur des services aux Etats-Unis. 

Par ailleurs, cette année, dans la mesure où l'inflation reste proche de l'objectif de la Fed, un relèvement supplémentaire des taux directeurs peut survenir, un scénario que les marchés n'ont pas encore intégré. 

Compte tenu de ces risques latents, Il est également recommandé, aux investisseurs qui ont la possibilité de prendre ces mesures, de parer à un éventuel repli des marchés à l'aide d'obligations d'émetteurs de référence, de positions contracycliques et de couvertures directes.

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