Le rebond du marché obligataire américain n’est pas terminé

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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En novembre, les obligations ont rebondi, portées par les spéculations sur l’ampleur de la baisse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (FED) en 2024. Décryptage.

© Keystone

L’indice Bloomberg US Aggregate Bond a progressé de 4,5% (rendement total) en novembre, sa meilleure performance mensuelle depuis mai 1985. Quant à l’indice Bloomberg Global Aggregate Bond, il a grimpé de 5%, sa meilleure performance mensuelle depuis décembre 2008.

Malgré cette belle progression, la Recherche d’UBS est d’avis que les obligations peuvent poursuivre sur leur lancée l’an prochain. Explications en trois points.

1. Les rendements obligataires devraient baisser en 2024, ce qui est de nature à soutenir leur performance

Après une belle performance de l’économie américaine au cours de l’été, les récentes données mettent en évidence un début de détente du marché de l’emploi et une poursuite de la décrue de l’inflation. En 2024, la croissance et l’inflation devraient encore ralentir avec l’épuisement de l’épargne excédentaire. L’inflation devrait rester supérieure au taux de 2% visé par la Fed pendant une bonne partie, voire la totalité, de l’année 2024.

Néanmoins, les responsables auront sans doute, en milieu d’année, suffisamment de certitudes quant à une décrue durable de l’inflation pour commencer à baisser les taux directeurs. Le rendement des bons du Trésor américain à dix ans devrait être de 3,5% à la fin 2024, contre 4,22% il y a dix jours.

2. Il est peu probable que la baisse des rendements obligataires soit linéaire

Le rebond des obligations est alimenté par l’espoir grandissant d’une baisse des taux par la Fed l’an prochain. Les cours de marché suggèrent une diminution de 25 points de base (pb) d’ici décembre 2024. La probabilité que la première baisse de taux survienne dès le début du mois de mars est supérieure à 55%.

A l’avenir, étant donné l’augmentation des émissions de bons du Trésor pour financer le déficit budgétaire, les doutes quant à la capacité du marché d’absorber cette hausse de l’offre pourraient resurgir.

Toutefois, le marché est probablement un peu trop optimiste quant au rythme des baisses de taux à venir. Le scénario de référence de la Recherche d’UBS envisage deux à trois baisses de taux l’an prochain, vraisemblablement à partir du mois de juillet, sous réserve de l’évolution des données économiques.

Les responsables de la Fed se sont employés à tempérer les attentes des participants au marché. Récemment, le président de la Fed de New York, John Williams, a estimé qu’il serait approprié de maintenir une politique restrictive pendant un bon moment afin de rétablir pleinement l’équilibre et ramener durablement l’inflation vers notre objectif à plus long terme de 2%. Ses déclarations ont contribué à la hausse du rendement à dix ans de 7 pb il y a une dizaine de jours.

Cependant, le rendement à dix ans est, peu après, reparti à la baisse (-14 pb) suite aux déclarations du président de la Fed Jerome Powell : « Il serait prématuré de conclure avec certitude que la politique monétaire est désormais suffisamment restrictive ou de spéculer sur un possible assouplissement. Nous sommes prêts à donner un tour de vis supplémentaire s’il y a lieu de le faire. »

3. Les risques associés à une augmentation de l’offre semblent gérables

Mi-octobre, le rendement à dix ans sur les bons du Trésor américain a brièvement atteint 5% en cours de séance, en partie à cause de l’augmentation de la prime de terme (le supplément de rémunération exigé par les investisseurs pour détenir une obligation à long terme plutôt qu’une obligation à plus court terme).

La révision inattendue, à la hausse, des prévisions d’emprunt du Trésor américain cet été, la décision de Fitch de retirer aux Etats-Unis leur note de crédit souverain AAA et le risque de fermeture temporaire des administrations fédérales ont amené les investisseurs à exiger une prime de terme plus élevée. Ces craintes se sont estompées et la prime de terme sur les bons du Trésor américain à dix ans est redevenue quasiment nulle (contre 50 pb lors du pic d’octobre, selon le modèle statistique ACM de la Fed de New York).

Privilégier les obligations de grande qualité

A l’avenir, étant donné l’augmentation des émissions de bons du Trésor pour financer le déficit budgétaire, les doutes quant à la capacité du marché d’absorber cette hausse de l’offre pourraient resurgir. Le principal risque serait qu’une adjudication se solde par un échec, autrement dit, que la demande soit inférieure à la valeur faciale des titres que le Trésor souhaite vendre.

Toutefois, cela semble peu probable. Les banques américaines disposent toujours de réserves excédentaires considérables et il revient aux spécialistes en valeurs du Trésor de se porter acquéreurs pour empêcher un tel scénario.

En outre, la Fed interviendrait probablement, si nécessaire, pour stabiliser le marché. La réglementation pourrait être modifiée de manière à ce qu’il soit rentable pour les banques de détenir davantage de bons du Trésor et la Fed pourrait rapidement faire marche arrière sur le resserrement quantitatif, autrement dit, reprendre ses achats d’obligations.

Par conséquent, on continuera de recommander de privilégier les obligations de grande qualité, à savoir les titres high grade (emprunts d’Etat) et investment grade avec une duration comprise entre un et dix ans, notamment ceux à cinq ans.

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