Le potentiel des marchés privés reste sous-exploité en Suisse

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Selon une étude de l’AMAS et de BCG, les montants alloués aux marchés privés par les institutionnels sont certes en hausse mais leur part demeure très modeste.

©Keystone

 

Comparé aux quelque 3366 milliards de francs d’actifs sous gestion estimés pour 2024 pour le marché suisse de la gestion d’actifs par l’Asset Management Association Suisse (AMAS) et par rapport aux 1615 milliards pour le marché des fonds en Suisse à fin 2024, la part des avoirs alloués spécifiquement aux marchés privés apparaît encore modeste. A la fin de l’an dernier, le capital investi par les gérants d’actifs dans le segment des marchés privés avoisinait les 360 milliards de francs en Suisse. Pour autant, il s’agit d’un segment en plein développement, ont souligné les experts de l’AMAS, de BCG et de la SECA qui ont présenté mercredi à Zurich une étude conjointe sur ce thème.

360 milliards d’actifs privés gérés en Suisse

Sur les quelque 360 milliards de francs suisses dédiés aux marchés privés gérés en Suisse, la majeure partie revient au private equity (260 milliards de francs), suivi des crédits privés (private credit) et des investissements en infrastructures (à hauteur de 50 milliards de francs chacun), indique l’étude «Private Markets in Switzerland: Scaling Innovation & Growth» publiée mercredi par l'Asset Management Association Switzerland (AMAS), l'association professionnelle SECA et le cabinet de conseil BCG.

Une croissance annuelle d’environ 10% attendue jusqu’à 2028

Au cours deux dernières décennies, les marchés privés ont connu une expansion rapide au niveau mondial, soulignent les auteurs de l’étude. Les actifs sous gestion du capital-investissement ont en effet été multipliés par quinze entre 2003 et 2023, alors que les marchés publics des actions l’ont été par trois durant la même période.

Nombre d’entreprises ont été d’abord rachetées par des fonds de capital-investissement avant d’effectuer une entrée en bourse ultérieurement. En Suisse, c’est le cas par exemple de VAT Group. 

Pour Dominik Bailey, expert chez BCG, la croissance des marchés privés est appelée à se poursuivre d’ici à la fin de la décennie. Après un taux de croissance de 11,2% entre 2005 et 2023, les montants alloués aux marchés privés devraient afficher un taux de croissance annuel composé (CAGR) d’un peu plus de 10% entre 2023 et 2028. En tout, les marchés privés représentent environ 16% des actifs sous gestion globaux, met en perspective l’étude.

Différents facteurs continueront de soutenir la croissance des marchés privés dans un futur proche. Parmi ceux-ci, il y a le fait que les entreprises restent en mains privées plus longtemps avant d’effectuer une entrée en bourse. Alors qu’en 2003, l’âge moyen d’une entreprise qui effectuait une IPO était de 14,1 années, cette durée était de 20,4 ans en moyenne en 2023.

Selon les auteurs de l’étude, il n’y a du reste pas lieu d’opposer marchés privés et marchés cotés. Nombre d’entreprises ont en effet été d’abord rachetées par des fonds de capital-investissement avant d’effectuer une entrée en bourse ultérieurement. En Suisse, c’est le cas par exemple de VAT Group. En 2013, Partners Group et Capvis avaient acheté une part majoritaire dans le spécialiste des techniques sous vide, tout en s’assurant que la famille des fondateurs garde une part significative dans l’entreprise. Par la suite, en 2016, VAT Group a effectué une IPO à la bourse suisse avec un prix par action de 45 francs, qui a été multiplié par sept (340,7 francs mercredi) depuis.

Ne pas tout laisser aux Etats-Unis

Malgré une dynamique jugée positive pour les marchés privés, les auteurs de l’étude soulignent des défis importants à relever en Suisse. «Le capital de croissance pour les entreprises émergentes et établies est limité, ce qui oblige de nombreuses entreprises à fort potentiel à se tourner vers des marchés comme les Etats-Unis», observe Tobias Würgler du BCG, coauteur de l'étude. Se référant aux conclusions du rapport Draghi sur la compétivité européenne, l’expert de BCG estime qu’il faut faire attention à ne pas tout laisser aux Etats-Unis en ce qui concerne le développement des marchés privés. «Beaucoup d’IPO d’entreprises européennes ont été effectuées aux Etats-Unis», a-t-il rappelé, citant l’exemple du fabricant de chaussures allemand Birkenstock coté à la bourse de New York.

En guise de conclusion, l’étude met en évidence cinq champs d’actions jugés essentiels pour mieux exploiter le potentiel des marchés privés. A savoir, encourager les entreprises; attirer les investisseurs; renforcer les engagements institutionnels; développer la gestion de fortune et optimiser l'environnement réglementaire.

S’agissant de la part des actifs que les investisseurs institutionnels devraient allouer aux marchés privés, Tobias Würgler souligne que ceux-ci devraient déjà faire partie de l’allocation d’actifs. «Même si cette part atteint 10 à 15%, ce serait déjà un pas important. Il n’est pas nécessaire d’atteindre une part de 50 ou 60%», met-il en perspective. L’occasion pour Iwan Deplazes, président de l’AMAS, de rappeler à cet égard qu’un grand nombre de caisses de pension en Suisse ont encore une exposition nulle aux marchés privés. 

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