Le greenwashing est un mal sournois

Georgina Parker, Quaero Capital

2 minutes de lecture

En ce moment où l’attention se focalise sur la COP27, revenons sur Building Bridges et ses débats de qualité.

Alors que la COP 27 bat son plein, nous aimerions partager quelques réflexions qu’a suscité en nous «l’» événement finance durable de l’année, dont la 3e édition a eu lieu début octobre à Genève, Building Bridges.

La participation, tout au long des 4 jours qu’a duré l’événement, a été de grande qualité et les discussions de haut niveau.

Nous avons apprécié la franchise des propos.

Les préoccupations sur une certaine lassitude de l’ESG et sur le risque de greenwashing ne sont plus tabous. Le vice-président de Blackrock, Philip Hildebrand, a d’ailleurs admis – au risque de décevoir certains – que «nous ne pouvons pas régler le problème du changement climatique en tant qu’industrie... nous ne pouvons qu’être un catalyseur».

L’une des présentations les plus remarquables par sa candeur portait sur les difficultés d’obtenir des données fiables pour mesurer l’un des indicateurs les plus utilisés quand on parle de durabilité: les émissions de carbone. Quand on y regarde de plus près, la liste des surprises est longue:

  • Erreurs grossières dans les méthodologies.
  • Périmètres de mesure flous: certaines entreprises incluent des nouvelles acquisitions, d’autres pas; certains reportings portent sur des opérations nationales alors que d’autres prennent en compte des opérations internationales.
  • Seules 40% des entreprises qui déclarent leurs émissions font vérifier leur rapport par un tiers.
  • Quand les données ne sont pas disponibles – soit parce que les entreprises ne les mesurent pas ou qu’elles ne divulguent pas – les data providers utilisent des projections qui se superposent à des approximations.
Dans un contexte aussi dramatique, les débats sur la qualité des données ESG ou sur l’efficacité des méthodologies retenues semblent bien dérisoires.

Alors que l’on peut douter de l’exactitude de ce type de données, de nombreux acteurs continuent de demander davantage encore de données pour démontrer la durabilité des fonds.

Pour nous, ce genre de débats est précieux et démontre la pertinence d’une conférence telle que Building Bridges.

Ces discussions et échanges de points de vue, y compris avec des représentants extérieurs à la communauté financière, permettent de questionner l’efficacité des stratégies et des produits dits «durables», de mettre en lumière les tentatives de greenwashing.

Greenwashing, un risque majeur

Les préoccupations liées au greenwashing ont augmenté de manière significative dans l’industrie financière et au-delà. Malgré ses velléités, la réglementation actuellement en vigueur ne peut que partiellement empêcher ces abus.

Les conférences telles que Building Bridges devraient permettre aux acteurs que nous sommes de débattre et d’aborder ces préoccupations de front – et comme nous l’avons vu plus haut, en grande partie, elles le font. Cependant, ces conférences servent également de plateforme de promotion et de vente des produits financiers dits «durables».

Notre souhait serait qu’à l’avenir certains éléments de la conférence ne soient accessibles qu’aux acteurs du secteur et non aux investisseurs, afin de réduire la tentation de la surenchère et le greenwashing et de privilégier plutôt collaboration et apprentissage collectif.

Nous serions même en faveur de la création de groupes de discussion (thinktank) temporaires et virtuelles pour réfléchir à l’élaboration de méthodologies ou de standards communs entre les acteurs de la place.

Pour nous, le greenwashing est un mal sournois qui peut décrédibiliser les acteurs et lasser les investisseurs.

Mise en perspective

L’année 2022 a été marquée par d’importantes perturbations climatiques: des vagues de chaleur record ont frappé de nombreux pays alors que des inondations et des sécheresses intenses ont affecté les populations aux quatre coins du monde.

La guerre en Ukraine bouleverse le mix énergétique – avec d’ailleurs un recours accru au charbon dans certaines régions du monde – et intensifie la pression pour s’affranchir de la dépendance vis-à-vis de la Russie.

Dans un contexte aussi dramatique, les débats sur la qualité des données ESG ou sur l’efficacité des méthodologies retenues semblent bien dérisoires.

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