«L’engouement pour l’IA se poursuit» – de telles déclarations ou d’autres similaires ont souvent été entendues au deuxième trimestre de cette année. Cette déclaration implique que l’évolution des affaires des entreprises concernées, et donc leurs niveaux d’évaluation, se stabiliseront à nouveau à leur niveau initial, une fois l’euphorie initiale des utilisateurs passée. Cela ne devrait toutefois pas être le cas à moyen ou long terme.

L’outil d’intelligence artificielle ChatGPT en fournit une preuve anecdotique. Environ trois quarts des quelque 145 millions d’utilisateurs mensuels actuels utilisent régulièrement le produit. ChatGPT offre donc une valeur ajoutée durable et n’est pas seulement utilisé comme un gadget à court terme. La version payante à 20 dollars US par mois est déjà utilisée par plus de 5 millions de personnes par mois. Jamais auparavant un nouveau produit logiciel n’avait pu atteindre le seuil d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires récurrent en seulement sept mois.

Les erreurs de prévision spectaculaires concernant les taux d’adoption de nouvelles technologies ont une longue histoire. Elles devraient également se répéter en ce qui concerne les effets de l’IA générative. En effet, le cerveau humain n’est pas conçu pour saisir les effets d’une croissance exponentielle. Trop souvent, nous sous-estimons la vitesse de l’évolution technologique.

L’ampleur de l’augmentation du chiffre d’affaires par la personnalisation ou l’amélioration de la qualité des produits numériques n’est pas encore prévisible à l’heure actuelle, tout comme l’effet du développement de modèles commerciaux entièrement nouveaux. Mais si l’on considère uniquement l’énorme réduction des coûts dans la génération d’informations due à l’IA générative, on peut déjà en déduire un gain de productivité extraordinaire pour l’économie mondiale.

Par exemple, selon une étude de Goldman Sachs, une large application de la technologie aux États-Unis et dans d’autres marchés développés pourrait augmenter la productivité du travail dans ces pays d’environ 1,5 point de pourcentage par an sur une période de dix ans. L’impact sur le PIB de ces pays serait énorme - une augmentation d’un pourcentage élevé à un chiffre sur cette période semble tout à fait réaliste¹. Conscient des limites de la compréhension humaine de la croissance exponentielle, l’hypothèse de travail devrait donc plutôt être la suivante: «L’IA générative n’est pas un battage publicitaire, mais une technologie de pointe ayant le potentiel d’avoir un impact durable sur l’économie mondiale».

Les effets positifs attendus de GenAI sur l’efficacité et le chiffre d’affaires ont renforcé la confiance des investisseurs au cours du dernier semestre, en particulier dans les entreprises qui ont réussi à s’établir comme pionnières dans l’intégration de la technologie. Ainsi, Microsoft a pu convaincre ses investisseurs en intégrant ChatGPT dans divers produits et en augmentant depuis lors sa propre capitalisation boursière d’un montant impressionnant de 840 milliards de dollars US.

Dans l’ensemble, les développements commerciaux positifs des gagnants de l’IA et les gains de cours qui en ont résulté ont eu un effet déterminant sur l’évolution des indices larges depuis le début de l’année. Dans le S&P 500, sept entreprises fortement positionnées sur l’IA (Apple, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta, Tesla et Microsoft) ont été à l’origine d’environ 80% des gains de l’indice phare américain depuis le début de l’année. L’indice technologique Nasdaq-100 a progressé de plus de 40% depuis le début de l’année. Les précurseurs de l’intelligence artificielle y ont contribué à eux seuls à hauteur de plus de 30 points de pourcentage.

Cette forte tendance à la hausse a contraint le Nasdaq, la bourse américaine, à procéder pour la troisième fois de son histoire à un rééquilibrage non prévu de l’indice technologique le plus prestigieux. Les sept entreprises susmentionnées avaient nettement dépassé le seuil interne de pondération de 48% en raison de l’augmentation massive de leur capitalisation boursière. Afin d’harmoniser la structure de l’indice, la pondération des entreprises a été ramenée à 44% par un «rééquilibrage spécial». Cet exemple montre une fois de plus l’importance de l’impact de la GenAI sur les marchés boursiers, même à ce stade précoce du cycle de développement.

Pour les investisseurs, il s’agit de se pencher suffisamment tôt sur les implications de l’IA générative sur les entreprises, les différents secteurs et les marchés des capitaux, afin d’identifier les futurs gagnants parmi une multitude de bénéficiaires présumés de l’IA, au bon moment et surtout au bon prix. Pour cela, il est indispensable de comprendre les particularités structurelles de la technologie et les effets qui en découlent sur la croissance, les avantages concurrentiels, les prix et les marges.

¹ Goldman Sachs 2023