Le crédit britannique peut profiter de la «japonisation»

Felipe Villarroel, TwentyFour AM

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Le volume d’obligations à rendement négatif retrouve son plus haut niveau; ce sera bientôt le tour du crédit.

Alors qu’un nombre croissant de courbes d’emprunts d’État à travers le monde rejoint le cercle fermé des obligations à rendement négatif, les gros titres sur la «japonisation» se multiplient dans la presse. Ce terme peut être abordé sous deux angles.

Croissance et niveaux d’inflation contrôlés

Le premier est un angle macroéconomique: ici, le scénario reflète une croissance et une inflation très faibles, une dette souveraine élevée et des comptes courants excédentaires incitant à l’optimisme quant à la capacité à financer la dette par des capitaux nationaux. En outre, une politique monétaire extrêmement accommodante maintient la courbe des taux plate et assez stable, avec des rendements proches de zéro ou négatifs. L’espoir est que ces mesures finissent par faire revenir la croissance et des niveaux d’inflation contrôlés, mais nous savons tous qu’il ne s'est pas vraiment concrétisé au Japon.

«Japonisation» des actifs financiers

Le second angle, dont nous avons beaucoup plus entendu parler dans la presse, est la «japonisation» des actifs financiers. Cette analyse plus simple affirme en substance que les rendements négatifs encouragés par une politique monétaire très accommodante poussent les prix de la plupart des actifs financiers à la hausse. En d’autres termes, il s’agit moins du contexte macroéconomique que technique.

Le secteur du crédit n’a pas encore emboîté le pas. C’est compréhensible
étant donné que le crédit est le segment le plus risqué.
Les crédits en retard

À l’heure actuelle, plus de 12 billions de dollars US d’obligations mondiales génèrent des rendements négatifs, ce qui est inférieur au pic de 14 billions qui date d’environ un an. Toutefois, comme les analystes de Bank of America l’ont noté dans un rapport la semaine dernière, le volume d’obligations à rendement négatif dans des secteurs tels que la dette souveraine ou quasi-souveraine et les obligations sécurisées a presque retrouvé son plus haut niveau. Le secteur du crédit n’a pas encore emboîté le pas. C’est compréhensible étant donné que le crédit est le segment le plus risqué et que nous sommes en pleine récession, mais nous pensons qu’il s’agit juste d’une question de temps avant qu’il ne subisse à son tour la compression des spreads.    

Royaume-Uni: une proposition attractive

Au sein du crédit, le Royaume-Uni est un cas intéressant car son entrée dans le club des rendements négatifs ne date que de quelques semaines. Si les rendements sont négatifs pour un actif sans risque dans une devise donnée (comme la livre sterling par exemple), il est raisonnable de s’attendre à ce que les investisseurs recherchent des actifs dégageant des rendements positifs dans cette devise. En parallèle, la Banque d’Angleterre rachète des gilts en grandes quantités, ce qui lui permet de «se substituer» à cette demande et de garder la courbe solidement amarrée. Pour couronner le tout, nous bénéficions de la prime liée au Brexit qui est aujourd’hui intégrée dans les spreads de crédit en livre sterling.    

Comme nous l’avons dit précédemment, le Royaume-Uni est un pays du G7 avec sa propre devise de réserve, un système bancaire solide, des rendements négatifs sur ses emprunts d'État et une prime reflétée dans les spreads. Cette proposition nous semble attractive. Le processus du Brexit est loin d’être terminé et des incertitudes demeurent, mais il est difficile de nier que l’on s’approche lentement mais sûrement d’un dénouement. Les rendements négatifs des emprunts d’État britanniques pourraient servir de catalyseur à la disparition de la prime liée au Brexit, au moins en partie. 

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