Le coût de la débâcle de Credit Suisse pour le système financier

Salima Barragan

2 minutes de lecture

La décision du gouvernement suisse d’effacer 17 milliards d’obligations AT1 va-t-elle impacter les marchés? Avec Mathieu Savary de BCA Research.

La débâcle de Silicon Valley Bank a frappé le maillon faible européen: Credit Suisse. La banque aux deux voiles se trouve désormais au cœur de la crise de confiance qui éclate sur le marché européen des obligations contingentes (CoCos). En dépit des turbulences, la BCE a relevé son taux de dépôt de 50 points de base pour le porter à 3%. Décryptage avec Mathieu Savary Chief European Strategist de BCA Research.

La faute à la BCE ou l’inflation?

Les accidents financiers sont souvent symptomatiques d’une politique monétaire trop stricte. Et nous découvrons (avec stupéfaction) que certains modèles d’affaires n’ont pas résisté à l’élévation des intérêts. De plus, «le coût du capital des banques européennes augmente au fur et à mesure que la confiance s'effrite», estime Mathieu Savary qui s’attend à des normes de crédit plus strictes dans le futur.

Mais pour la BCE, l'inflation des actifs – et non les hausses de taux – a déclenché l'instabilité financière de ces dernières semaines. Bien que le renchérissement en Europe reste soutenu, BCA Research estime qu’il s’atténuera dans les prochains mois: «la crise de Credit Suisse va accélérer la transmission de la politique monétaire sur l'économie et l'inflation. Cette débâcle, aussi regrettable qu’elle soit, diminue aussi les probabilités que la BCE pousse ses taux trop loin, donc tue la croissance à cause d’une erreur de politique monétaire», ajoute-t-il. Le taux de taux de dépôt vient d’atteindre 3%, alors que le taux neutre de la zone euro se situe entre 1,5% et 2,5%.

Les autorités suisses ont usé de leur pouvoir pour déprécier intégralement les CoCos du Credit Suisse.
Peut-on parler d’un cas précédent pour les AT1?

Le marché des convertibles contingentes (CoCos) ou AT1 (Additional Tier One), des produits hybrides couramment émis pour financer les banques, pourrait-il constituer la prochaine onde de choc?

Les autorités suisses ont usé de leur pouvoir pour déprécier intégralement les CoCos du Credit Suisse. Un fait inédit, alors même que les fonds propres de la banque rachetée pour seulement 3 milliards de francs suisses n’ont pas été complètement effacés. Selon un ordre hiérarchique établi, les détenteurs d’obligations demeurent favorisés par rapport aux actionnaires lorsqu’il s’agit d’absorber des pertes massives.

La ligne de conduite inhabituelle du régulateur suisse a mené sur une crise de confiance sur le marché de Cocos et des AT1 plus généralement. La BCE et la BoE ont immédiatement pris de la distance et rappelé leurs recommandations en la matière pour contenir la nervosité des intervenants. «L'essentiel de la douleur sera ressenti par les actionnaires dilués, mais certaines petites banques régionales pourraient encore souffrir de cette crise», estime-t-il.

Quelles implications pour le marché?

Après s’être élargis de 48 points de base pour atteindre 238 points de base, les spreads de la dette subordonnée des sociétés financières de qualité en Europe sont maintenant redescendus à 200 points de base. «Nous ne nous attendons pas non plus à ce que le système entre dans une spirale de mort ni à d'importantes défaillances de la part des banques, car le système bancaire européen est bien capitalisé et regorge de liquidités», rassure Mathieu Savary qui rappelle aussi que les remboursements du TLTRO d'avril restent facultatifs.

À court terme, la saga du Credit Suisse continuera de peser sur l'euro dans la mesure où la BCE n'augmentera pas ses taux autant qu'elle l'avait prévu au début du mois de mars. En outre, les révisions des attentes excessives sur les baisses de taux américain (par rapport à la BCE ) au second semestre 2023 devraient peser sur la paire euro contre dollar.

A lire aussi...