La BNS devrait rester complaisante

Salima Barragan

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BCA Research s’attend à 3 hausses successives de 25 points de base. Avec Mathieu Savary qui dirige la stratégie européenne.

Le 23 mars prochain, les dirigeants de la BNS se réuniront afin de décider de l’ampleur de la prochaine hausse du taux d’intérêt directeur. BCA Research s’attend à un tour de vis de 25 points de base au lieu des 85 attendus par les marchés, puis à deux majorations successives de 25 pdb d’ici quelque temps. Soit un total de 0.75%. L’enjeu résidera dans le maintien d’un franc stable afin de contenir l’inflation. Dans ce contexte «dovish», la paire EUR contre CHF devrait rester stable tandis que le SMI pourrait retester la zone des 12'000-12'500 points d’ici la fin de l’année. Entretien avec Mathieu Savary, chef de la stratégie européenne.

Les banques centrales européennes, qui ont augmenté les taux d'intérêt au-dessus de leur niveau neutre, commencent à communiquer sur la fin de leur cycle de resserrement. Comment les marchés réagissent-ils?

Avec la ligne d'arrivée du cycle de resserrement en vue, tous les regards semblent désormais tournés vers la course à la réduction des taux.

Les marchés des swaps à un jour intègrent déjà des réductions de taux d'intérêt de la part des cinq banques centrales d'ici le début de 2024. Les marchés financiers ont accueilli favorablement cette nouvelle. L'EURO STOXX 50 et le FTSE- 100 ont tous deux réagi positivement à la nouvelle. Les obligations d'État ont chuté, l’euro et la livre sterling se sont dépréciés vis-à-vis du dollar.

Les rendements attendus sur 12 mois de l'indice des obligations d'État suisses se situent entre 5% et 7% pour l’année.
À quel moment les politiques restrictives de la BCE et de la BoE prendront-elles fin?

Le moment le plus probable pour la fin du resserrement monétaire variera en fonction des pays. La Bank of England sera probablement la première à mettre fin à ses augmentations des taux, car l’économie britannique est plus faible que les économies continentales suite aux faiblesses marquées du secteur immobilier. De plus, l’inflation du Royaume-Uni commence à ralentir de façon marquée. BCA Research prévoit que la BCE continuera à resserrer ses conditions monétaires plus longtemps que la BoE, probablement jusqu’à cet été.

Dans quelle phase de son cycle la BNS se situe-t-elle?

La BNS se situe aussi dans une situation difficile. L’économie suisse ralentie, et bien que l’inflation vienne de remonter, elle reste faible comparée aux autres nations européennes et la croissance des salaires suisses demeure basse. Dans ce contexte, nous pensons que la BNS suivra la BCE afin d’éviter une augmentation prononcée de la paire euro contre franc suisse, car dans une petite économie très ouverte comme l’est la Suisse, la devise joue un rôle beaucoup plus important que les taux d’intérêt pour déterminer le niveau d’inflation. Nous prévoyons trois augmentations de 25 points de bases avant que la BNS ne se mette en pause.

Pensez-vous que la politique monétaire de la BNS est justifiée?

Lors de sa dernière réunion en décembre, la BNS a porté son taux directeur de 0,5% à 1%. Contrairement à ses voisins européens, la Suisse n'a jamais été aux prises avec une inflation galopante. L’inflation suisse globale, actuellement à 2,8%, est en baisse par rapport au pic de 3,5% atteint l'été dernier. Cependant, l'inflation de base (hors alimentation et énergie) est déjà au-dessus de sa cible, et les salaires augmentent de 1,1% par an.

Cependant, le tableau de la croissance reste inquiétant, car il affiche les données économiques et commerciales décevantes. L'indice PMI de l'industrie manufacturière suisse est passé sous la barre des 50 pour la première fois depuis la pandémie, soit un niveau de contraction, et les ventes au détail ont reculé de 2,8% en glissement annuel. Dans le même temps, l'excédent commercial s'est sensiblement réduit, l'offre de monnaie se contracte, l'impulsion du crédit est en territoire négatif et la croissance de l'emploi ralentit. Cette croissance nécessiterait une politique monétaire plus souple.

Dans ce contexte dovish, quelles sont vos perspectives sur les actions et les obligations suisses?

Les actions suisses devraient être capables d’augmenter et le SMI devrait retester la zone 12’000 à 12’500 d’ici la fin de l’année. Cependant, elles restent chères et ont un biais défensif important causé par la surpondération des actions pharmaceutiques et des biens de consommation de base. Cela signifie qu’elles risquent de sous-performer les actions de la zone euro dans un environnement où la croissance mondiale surprend positivement.

Les rendements attendus sur 12 mois de l'indice des obligations d'État suisses se situent entre 5% et 7% pour l’année.

Quelles sont vos attentes sur l’évolution de la paire euro contre franc suisse?

Nous sommes neutres sur la paire. La SNB vise un taux de change stable après l’appréciation importante de juin à octobre 2022. De plus, bien que les écarts de taux favorisent l’euro, la balance du compte courant favorise le franc. Finalement, la paire avait beaucoup souffert de l’augmentation du cours du gaz en 2022, et elle a repris de la vigueur suite au déclin des prix de l’énergie cet hiver. Cependant, le coût du gaz ne tombera pas plus bas : cette tendance en faveur de l’euro se dissipe. Si nous alignons tous ces facteurs ensemble, la paire devrait rester stable. D’ailleurs notre vue sur les taux ne diffère que peu de celle attendue dans les marchés monétaires.

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