La vague numérique en Chine

Ben Buckler, Baillie Gifford

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Les innovateurs à la croisée du numérique et de la tech s’apprêtent à remodeler le paysage économique chinois.

Une foison de nouvelles entreprises s’apprête à transformer les industries traditionnelles chinoises grâce la «nombrification»(1). Cette quantification du réel, qui constitue l’étape préalable à la numérisation c’est-à-dire à la codification des données en vue de leur traitement informatique, s’est encore accélérée du fait de la pandémie. Cette évolution ouvre la porte à de nouvelles formes de consommation. En témoigne la progression d’Alibaba, le géant du commerce en ligne, qui a vu ses ventes passer le seuil des 1’000 milliards de dollars l’an dernier. Ce montant correspond à plus du double de celles réalisées par Amazon en 2020.

En Chine, l’économie numérique représente déjà plus de 36% du PIB et devrait passer le seuil des 50% d’ici 2027.

Le PDG d’Alibaba, tout comme ses concurrents de Meitan et Pinduoduo, estiment que d’ici à cinq ans plus de 50% des achats de produits alimentaire frais seront effectués en ligne.

En Chine, l’économie numérique représente déjà plus de 36% du PIB et elle devrait passer le seuil des 50% d’ici 2027, devenant ainsi le principal vecteur de la croissance. Il n’est donc guère étonnant que la mise en place d’une infrastructure technologique adaptée soit devenue l’une des priorités de la Chine. Selon des prévisions gouvernementales, 1’600 milliards de dollars seront investis ces cinq prochaines années dans les réseaux 5G, les centres «cloud» dédiés à l’informatique, les stations de recharge pour les véhicules électriques ainsi que dans l’intelligence artificielle. 

Construire mieux

Cela offre des opportunités très intéressantes pour les entreprises qui se situent à la croisée de la digitalisation, de la transformation technologique et des objectifs fixés par le gouvernement. Ainsi Glodon, dans la construction, est une entreprise technologique avec un faible besoin en capital et qui prospère dans un secteur peuplé d’entreprises traditionnelles souvent très endettées et nécessitant beaucoup de capitaux. Elle leur propose des logiciels qui facilitent la planification et la budgétisation des projets de construction.

Or, le sous-investissement chronique dans la technologie a été l’une des principales raisons de la stagnation de la productivité dans la construction. Ce phénomène, qui est mondial, s’avère particulièrement problématique en Chine car le ralentissement économique se couple avec une hausse des coûts de la main-d’œuvre et des matériaux. Les constructeurs subissant des pressions sur leurs marges ont de bonnes raisons pour se tourner vers des solutions de ce type.

Pour rester dans le domaine des logiciels, Yonyou est l’une des entreprises chinoises leader dans le domaine de la planification des ressources pour les entreprises (ressources humaines, renseignements commerciaux ou la gestion des relations-clients). Cette entreprise devrait pouvoir tirer parti du fait que le gouvernement chinois cherche à réduire l’utilisation de logiciels fabriqués à l’étranger.

Midea s’est diversifié vers la robotique industrielle et emploie 50’000 personnes de moins que s’il avait recours à un modèle classique de production.

L’un des autres bénéficiaires de la transition vers le numérique pourrait être Beijing United Information Technology (BUIT). Cette plateforme dédiée aux professionnels permet d’acheter et vendre en ligne des matériaux et des produits industriels. Alors que la Chine occupe une position de pointe en matière de commerce en ligne pour les biens de consommation, il en va tout autrement pour les produits industriels: les petites entreprises dans ce secteur travaillent encore presqu’exclusivement hors ligne. Cependant, la situation évolue et BUIT reste un leader dans cette transition.

Nos collègues, les robots

La digitalisation transforme également les places de travail. Selon les chiffres officiels, le nombre de travailleurs migrants de l’intérieur et employés dans le secteur manufacturier a chuté. Il en a résulté une pénurie de main-d’œuvre dans des usines dont la croissance repose sur la facilité d’accès à une pléthore de travailleurs dociles. Mais cette situation a aussi créé des opportunités pour les visionnaires.

L’entreprise Midea, en est un bon exemple. Ce fabricant d’appareils ménagers (frigo, systèmes d’air conditionné) s’est diversifié vers la robotique industrielle: il est ainsi parvenu à tripler ses ventes sans construire une seule nouvelles usine et emploie 50’000 personnes de moins que s’il employait un modèle classique de production! Ces gains de productivité lui ont également permis de rendre 400 hectares de terrain au Gouvernement. Depuis 2017, Midea a réduit sa consommation électrique et ses émissions de gaz à effet de serre par unité produite de 5% par an. Ces résultats ont pu être obtenus grâce à des investissements systématiques dans l’automation. 

A l’avenir, les entreprises qui investissent massivement dans la «tech» devraient parvenir à des résultats similaires. Le mouvement de fond vers la décarbonisation et l’économie durable ne pourra que renforcer cette dynamique.  Les entrepreneurs visionnaires et non conformistes qui privilégient le long terme sont ceux qui créeront des entreprises à forte croissance dans un marché chinois vaste et dynamique. 

 

(1)  Cf. Olivier Rey in «Quand le monde s’est fait nombre» page 8, le chercheur utilise le terme de «nombrification» pour distinguer la quantification du réel de la «numérisation» qui «désigne une codification des données en vue de leur traitement informatique».

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