Conquête spatiale version 2.0

Luke Ward, Baillie Gifford

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Une vague d'innovation ouvre de nouvelles frontières et offre des opportunités d'investissement prometteuses.

Lorsque l'objectif de John F. Kennedy de poser un homme sur la lune a été atteint en 1969, l'aube d'un «âge de l'espace» semblait assurée. Mais, la réalité n'a pas été à la hauteur des attentes. En l'absence de volonté politique ou d’intérêt financier, rares sont ceux qui ont osé relever les défis du développement technique de fusées et de satellites. La course à l'espace s'est ralentie et le manque d'innovation a fait que les coûts de lancement ont stagné à 10'000 dollars/kg bien au-delà du tournant du XXIe siècle.

Ainsi l'année 2001 s'est écoulée sans «Odyssée de l'espace». Elle a néanmoins été décisive pour les vols spatiaux.  Aux Etats-Unis, l'émergence d’entreprises de logiciels et de ventes en ligne a permis à de jeunes entrepreneurs, fans de science-fiction, d'amasser des fortunes. Frustrés par le manque chronique de progrès dans l'espace, ils ont décidé de prendre les choses en main. Jeff Bezos (Amazon) a fondé Blue Origin, Elon Musk (Tesla) a créé SpaceX et Paul Allen (Microsoft) a cofondé Mojave Aerospace Ventures, avant de s'associer à Richard Branson (Virgin).

En dépit de leurs objectifs qui pouvaient paraître utopiques, ces entrepreneurs ont gardé les pieds sur terre: pour que le coût des engins spatiaux puisse diminuer de manière à les rendre économiquement viables, ces engins devaient nécessairement pouvoir être utilisés plusieurs fois.  Les investissements ont donc porté en priorité sur l'ingénierie et les infrastructures et, grâce à ces efforts, la technologie des fusées s'améliore pour la première fois depuis des décennies. Les coûts de lancement sont tombés à 1000 $/kg et ils pourraient encore descendre à 50 dollars/kg avec la prochaine génération de lanceurs. Ainsi la voie est ouverte à des applications commerciales considérées jusque-là comme irréalisables.

À plus long terme, les vols spatiaux pourraient devenir aussi courants que les voyages en avion.

Les points d'inflexion de ce type sont rares, mais leur potentiel est immense. En voici quelques exemples. Il est dorénavant possible de construire et de lancer des milliers de satellites en orbite chaque année. Dans ce domaine, SpaceX mène le bal avec sa constellation de satellites «Starlink» qui fournira des connexions internet à haut débit dans le monde entier. Cette avancée technique devrait permettre de réduire la fracture numérique entre communautés rurales et urbaines et donner à chaque individu la possibilité d'accéder à de nouveaux services comme la médecine ou l'enseignement à distance.

D'autres entreprises, telles que Spire Global et Iceye, utilisent le même point d'observation orbital pour collecter des données de la terre. Des caméras et des capteurs électroniques placés à l'intérieur de centaines de petits satellites permettent de suivre l'activité environnementale et économique sur terre et de générer de nouvelles connaissances qui sont susceptibles d’améliorer les prévisions météorologiques, d’optimiser les flux de marchandises, d’aider les agriculteurs à mieux planifier leur activité, et d’améliorer les capacités de réaction aux catastrophes.

L'espace pourrait également être un endroit intéressant pour la fabrication de produits de haute technologie. La découverte de nouvelles structures pour les médicaments, la culture d'organes en vue de leur transplantation, la production de semi-conducteurs avancés, toutes bénéficieraient de l'apesanteur et des conditions particulières de la production dans l'espace alors qu’à l’heure actuelle, des milliards sont investis pour reproduire cet environnement dans des laboratoires sur terre. Tethers Unlimited est un pionnier dans ce domaine : elle explore les différentes possibilités d'assembler d’importantes structures en orbite. Une autre entreprise, «Made in Space», s’efforce de perfectionner l'impression 3D en apesanteur dans la Station spatiale internationale.

De même que les équipements de haute technologie et une meilleure logistique ont largement démocratisé l’accès au sommet de l’Everest, les fusées réutilisables feront de l'espace une destination possible pour les aventuriers de demain. Virgin Galactic devrait emmener des touristes dans l’espace dès la fin 2022.  À plus long terme, les vols spatiaux pourraient devenir aussi courants que les voyages en avion. Dans les années 2030, de nouveaux avions seront capables d'emmener des passagers en orbite et de transporter des marchandises dans le monde entier à des vitesses à faire pâlir d’envie les constructeurs du Concorde. L’entreprise britannique Reaction Engines développe déjà des moteurs hypersoniques performants et économes en carburant qui rendront cela possible.

Les succès durables dans l'espace ne résulteront pas d’un grand bond dans l'inconnu, mais d'une série de petites avancées commercialement pertinentes. C'est ce qui a fait défaut au programme Apollo des années 1960, et ce que la nouvelle ère du progrès spatial pourrait bien apporter.