La Thaïlande après les élections

Daryl Liew, REYL

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Les Thaïlandais ont été conditionnés pour mener leur vie au jour le jour alors que l'économie ne cesse de vaciller.

© Keystone

Les incertitudes politiques vont subsister après les premières élections démocratiques thaïlandaises depuis le coup d'État militaire de 2014. Les résultats officiels ont été reportés au 9 mai, mais les résultats non officiels indiquent que le parlement est divisé et qu'aucun parti n'a remporté suffisamment de sièges pour former un gouvernement à lui seul. Cela signifie qu'un gouvernement de coalition devra être constitué, soit avec le parti Palang Pracharath (PP) soutenu par les militaires, qui a remporté le vote populaire, soit avec le parti Pheu Thai (PT) lié à Thaksin Shinawatra, qui a remporté le plus de sièges, aux commandes du parti. Le parti démocrate – opposé traditionnellement au PT – dirigé par l'ancien Premier ministre Abhisit Vejjjajiva, a été le plus grand perdant lors de ces élections. Ils ont perdu des électeurs au profit de Future Forward, un nouveau parti anti-militaire dirigé par le charismatique entrepreneur Thanathorn Juangroograunkit, qui a attiré bon nombre de nouveaux électeurs et notamment ceux qui voulaient changer du statu quo. Alors que les partis se bousculent pour se positionner, il faut garder un œil sur le parti neutre Bhumjaithai, qui a remporté le troisième rang, car il pourrait être un acteur clé dans le renversement d'équilibre du pouvoir. La situation est encore plus compliquée du fait que le général Prayut Chan-o-cha conservera probablement son poste de Premier ministre grâce au soutien des 250 sénateurs de la Chambre haute nommés par l'armée, l'une des réformes apportées à la Constitution pour favoriser la junte militaire avant les élections.

L'économie thaïlandaise est aujourd’hui confrontée à des conditions
difficiles avec le ralentissement de la croissance mondiale.

Un parlement divisé pourrait retarder de grands projets d'infrastructure tels que le projet de train à grande vitesse proposé qui relierait les trois aéroports thaïlandais dans l’Eastern Economic Corridor (EEC). Le prochain débat sur le budget, prévu en juin, risque également d'être litigieux, car les partis anti-militaires sont généralement favorables à une réduction des dépenses militaires, appelant à une augmentation des dépenses dans des domaines comme l'éducation, l'agriculture et la lutte contre les inégalités de revenus.

La bonne nouvelle, c’est que la Thaïlande n'est pas étrangère aux incertitudes politiques. Avec le plus grand nombre de coups d'État réussis (13) dans le monde depuis le passage à une monarchie constitutionnelle en 1932, les Thaïlandais ont été conditionnés pour mener leur vie au jour le jour alors que l'économie ne cesse de vaciller. Le problème est que l'économie thaïlandaise est aujourd’hui confrontée à des conditions difficiles avec le ralentissement de la croissance mondiale – la Banque Centrale Thaïlandaise vient de réduire ses prévisions de croissance du PIB pour 2019 de 4% à 3,8%, en prévision d'une baisse des exportations. Le tourisme, l'un des principaux moteurs de l'économie thaïlandaise, ralentit également - les arrivées de visiteurs en février ont affiché une croissance mitigée de 0,2%, par rapport aux 4,9% enregistrés en janvier. Plus inquiétant encore, la consommation domestique, pilier de l'économie au cours de ces dernières années, pourrait également diminuer, les taux d'endettement des ménages atteignant des niveaux relativement élevés de 78% du PIB.

Ce taux d'endettement élevé s'explique en partie par le fait que les agriculteurs, qui représentent plus de 30% de la population, sont de plus en plus endettés alors qu'ils s'efforcent de joindre les deux bouts en raison de la baisse des revenus. La Thaïlande est le premier exportateur mondial de caoutchouc et le deuxième exportateur mondial de riz. Les prix du caoutchouc ont chuté de plus de 70% depuis les niveaux record de 2011, tandis que les riziculteurs ont connu des difficultés depuis l'annulation du programme controversé d'achat de riz sous le gouvernement de Yingluck Shinawatra. Des réformes urgentes sont nécessaires dans le secteur agricole, mais il est difficile d'envisager une évolution positive tant que l'impasse politique ne sera pas résolue.

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