La répression en Chine est une consolidation du pouvoir

Petteri Pihlaja, Bruellan

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En Chine, la campagne réglementaire contre les entreprises technologiques a suscité de vives inquiétudes chez les investisseurs.

Le processus a commencé l'année dernière lorsque le gouvernement chinois a soudainement interrompu l'introduction en bourse tant attendue du groupe Ant, IPO d’ailleurs toujours en attente. Depuis, de nombreuses autres entreprises chinoises se sont retrouvées dans le collimateur de divers organismes de réglementation. Certaines exigences semblent néanmoins plus sérieuses que d'autres. La mesure la plus sévère prise jusqu'à présent a été la suppression pure et simple du secteur des technologies éducatives lorsque le gouvernement a annoncé que les entreprises de ce secteur devaient avoir un but non lucratif, en ne proposant aucun service pendant les vacances et limitant l'emploi d'enseignants occidentaux. De toute évidence, les perspectives du secteur se sont instantanément assombries et le cours des actions de ces sociétés s'est effondré. L'objectif du gouvernement est de ramener le cap vers le système éducatif public et de combattre les «inégalités», tout en réduisant évidemment l'influence occidentale sur les étudiants.

La Chine se concentre également sur la gestion des données. Tout d'abord, elle veut s'assurer que toutes les données des clients sont localisées en Chine et que le gouvernement en a un accès et un contrôle total. C'est la principale raison des problèmes du groupe Ant, car sa plateforme très populaire de prêts et de paiements se trouve en dehors du système financier. La société a donc été contrainte de se restructurer en tant que holding financière et, sans aucun doute, de permettre au gouvernement d’avoir un accès total aux transactions et autres données des clients. D'autres fournisseurs de services de paiement, tels que Tencent, sont également tenus de mettre en œuvre des mesures similaires.

Il est assez ironique d’ailleurs de constater que c'est le bloc occidental qui a mis en place des mesures «à la chinoise» en période de pandémie.

Le marché des crypto-monnaies est un autre exemple des mesures prises par le gouvernement chinois. Il y a quelques mois, il a par exemple interdit totalement l'extraction et les transactions de crypto-monnaies. Le raisonnement est très similaire aux mises à jour réglementaires des fournisseurs de services de paiement: le gouvernement ne veut pas autoriser l’existence d’une plateforme concurrente à son propre système financier étroitement contrôlé. En particulier, il ne veut pas que les monnaies numériques échappent à son contrôle. Cette mesure est très probablement prise en prévision du lancement de la monnaie numérique de la banque centrale chinoise (CBDC) dans un avenir proche. L'adoption généralisée de la CBDC est en effet une étape importante pour la Chine, car sa nature centralisée, sous l'autorité de la Banque populaire de Chine, permettra au gouvernement d'avoir un accès en temps réel aux transactions.

Il est très important de comprendre que la Chine n'est pas en train de «sévir» contre ses grandes entreprises technologiques afin de nuire à leurs modèles commerciaux, mais qu'elle les attire dans le cadre d'un véritable partenariat public-privé visant à centraliser tous les flux d'information. La Chine dispose déjà d'un moyen pour tracer ses citoyens qui s’appuie sur le système de crédit social; la CBDC complétera ainsi parfaitement cet appareil de surveillance. À ce stade, il faut oublier tout fantasme selon lequel la Chine deviendrait une société plus ouverte comme les pays occidentaux et comprendre pleinement le statut plus autoritaire vers lequel le pays se dirige. Il est assez ironique d’ailleurs de constater que c'est le bloc occidental qui a mis en place des mesures «à la chinoise» en période de pandémie.

Actuellement, il existe des préoccupations évidentes concernant la vie privée et les libertés individuelles dans les deux systèmes, mais si nous nous concentrons, en tant qu'investisseurs, sur cette répression uniquement, elle n'est pas particulièrement inquiétante. La Chine a tout simplement les moyens et la volonté d'exercer un contrôle accru sur sa population et le gouvernement a besoin des grandes entreprises technologiques comme partenaires sur lesquels elle peut compter. Cela semble plutôt assurer la pérennité et la rentabilité des grandes entreprises technologiques chinoises pour les prochaines années.

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