La philanthropie n’attire que 1,2% de la richesse mondiale

Anne Barrat

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«De l’union de l’investissement et de la philanthropie naîtra un véritable avenir durable», explique Rosa Sangiorgio de Pictet WM.

250’000 milliards de dollars. Tel était le montant de la richesse mondiale en 2020, année record entre toutes. Cette même année, le volume total des actifs de la philanthropie était estimé à 1’500 milliards de dollars. Une différence abyssale qui fournit des arguments aux critiques s’élevant contre le «trop peu» donné par les plus riches aux bonnes causes, tout en alimentant la dichotomie entre le capital d’investissement, dont l’objectif premier est le rendement, et la philanthropie qui s’attache essentiellement à l’impact des fonds mobilisés. Ces chiffres, publiés dans une étude1 récente de Pictet Wealth Management, ne rendraient pas justice à une tendance croissante des fortunés de ce monde, de leurs héritiers en particulier, de ne plus opposer investissement et philanthropie pour privilégier l’impact (positif) dans toutes leurs stratégies financières. Explications avec Rosa Sangiorgio, Head of ESG, Pictet Wealth Management.

Du non-ESG au tout ESG à l’impact positif

35’000 milliards de dollars: le volume des investissements durables en 2020 représentait plus d'un tiers d'un volume global d’investissements de 103’000 milliards de dollars. La croissance continue du durable a vu l'intégration des facteurs ESG dans le processus d'investissement passer d’une norme minimale dans la construction d'un portefeuille au standard de référence, quasiment obligatoire. Elle a très largement été portée par la prise en charge par les régulateurs des travaux de clarification et d’harmonisation nécessaires pour promouvoir des critères auxquels l'accès était naguère encore difficile et/ou dont la matérialité financière peu claire. L’Union européenne a largement montré la voie, qui dans sa feuille de route pour «Financer la croissance durable» décidée en mars 2018, avait inscrit une taxonomie au premier rang de ses priorité, laquelle a vu le jour en 2020. Un mouvement suivi par de nombreux régulateurs, à Singapour et à Hong Kong pour ne citer qu’eux. 

Les fonds dédiés à l’impact positif restent un parent pauvre
totalisant un peu moins de 3’000 milliards de dollars en 2020.
Philanthrope, investisseur: travailler ensemble

Cela étant, les fonds dédiés à l’impact positif restent un parent pauvre totalisant un peu moins de 3’000 milliards de dollars en 2020. Et pour cause: le gros du capital des investisseurs vise à ce que la richesse augmente avec le temps, se transmette d’une génération à l’autre, permettant aux héritiers de maintenir une certaine qualité de vie. La recherche de rendements comparables à ceux du marché, en ligne avec un profil de risque prudent, est au cœur de la décision d’investissement. Ou était. Car les jeunes générations ont une approche différente. «Les attitudes ont changé: une génération entière d'investisseurs fortunés avait les yeux rivés sur la performance de leur portefeuille, sans vraiment se préoccuper de l’allocation d’actifs. Leurs enfants et petits-enfants portent un regard différent, note Rosa Sangiorgio: ils veulent savoir où va l’argent, c’est-à-dire comment il est investi et quel sera l’impact concret de leur placement.» L’époque est (bientôt) révolue où telle ou telle fondation, trust familial, distinguait son portefeuille d'investissement des activités liés à sa vision et sa mission. Les deux tendent à s’aligner, toute concurrence devenant impossible. Plus les investisseurs intègrent des considérations sociales et environnementales lors de leurs investissements, plus les philanthropes incluent des outils de mesure de l’impact, mieux ils travailleront ensemble.

Un pont entre les générations

«La philanthropie gomme les différences entre les générations: elle les rassemble autour de thèmes communs, au premier chef desquels l’éducation», indique Rosa Sangiorgio. Or, 16’000 milliards de dollars de richesse seront transférés au cours des 30 prochaines années à de nouvelles générations témoins des effets dévastateurs de dysfonctionnements, environnementaux et sanitaires notamment, sur le bien-être de l'humanité. La philanthropie ne pourra que bénéficier de cet intérêt et poursuivre sa croissance lente mais solide: entre 2019 et 2020, les dons ont crû de 10% en Suisse pour atteindre 2,05 milliards de francs, et de 5,1% aux Etats-Unis pour un total de 471 milliards de dollars. En Chine, l’augmentation a été de 20% pour un total de 5 milliards de dollars entre 2020 et août 2021. 

Investisseur philanthrope, philanthrope investisseur? Rêver d’un monde où l’investissement ira de pair avec impact? La route sera longue, mais la direction prise pourrait y mener.

 

1 White paper, Maximising Impact: When Investing and Philanthropy Join Forces, Pictet Wealth Management.

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