La mémoire, l’autre avantage compétitif des entreprises familiales

Malek Dahmani, Bruellan

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La supériorité économique de ces entreprises est souvent justifiée par cette aptitude à se projeter sur le long terme.

«Stratégie de long terme». Dans un monde toujours plus rapide et habité par le syndrome du «court-termisme», tout article pertinent portant sur les entreprises familiales se doit de mentionner cette spécificité. La supériorité économique de ces entreprises est souvent justifiée par cette aptitude à se projeter sur le long terme. Les spécialistes du management l’associent avec un concept clé: la richesse socio-émotionnelle, définie comme l’accumulation des éléments non-financiers générés par l’entreprise, tels que le statut, l’influence ou l’identité. Ce patrimoine unique constitue une motivation supplémentaire pour une famille de vouloir transmettre son entreprise à la génération suivante.

Pourtant, la capacité à établir une stratégie en années et non en trimestre n’est qu’une face du «long-termisme». L’autre face, complémentaire et nécessaire, est résolument ancrée dans le passé: il s’agit de la mémoire des sociétés familiales et leur habileté à la mobiliser. Ironie, cette force est souvent omise.

Vous avez peut-être déjà croisé dans votre vie une personnalité dotée d’une mémoire épatante, lui conférant une grande efficacité pour réaliser ses tâches, sans effort apparent, tout en étant imbattable au jeu d’échecs et au Memory. Dans le monde des entreprises, cet individu est probablement une entreprise familiale.

La mémoire organisationnelle, popularisée par les travaux d’académiciens au début des années 1990, est considérée comme un élément crucial du succès de tout type d’organisation.

Il y a quelques années, le directeur financier de LVMH, leader de l’industrie du luxe, me justifiait leur stratégie d’acquisition. Elle prenait sa source dans les souvenirs encore présents d’erreurs d’acquisition commises… il y a 25 ans! La stratégie depuis est relativement simple et rigoureuse: «ne pas acheter un modèle d’affaire qu’on ne connait pas». Plus récemment, le président d’une société industrielle, membre de la seconde génération, m’expliquait les choix d’investissement clairs et innovants adoptés par son père. Cette entreprise s’inspire encore de cet état d’esprit. Ferrari, le légendaire manufacturier automobile, garde comme ligne directrice le mantra de son fondateur: «toujours vendre moins de voitures que le nombre demandé par ses clients».  Au-delà du caractère anecdotique, la mémoire des entreprises familiales constitue un actif intangible, unique et attractif pour les investisseurs.

La mémoire organisationnelle, popularisée par les travaux d’académiciens au début des années 1990, est considérée comme un élément crucial du succès de tout type d’organisation. Elle est constituée de la capacité à acquérir, retenir et retrouver le savoir-faire et les connaissances nécessaires pour progresser. Elle permet de réagir avec promptitude dans les moments décisifs, comme les situations de crises. D’après plusieurs études menées récemment, les sociétés familiales s’en sortent mieux que les autres en bénéficiant «de leur capacité à stocker des connaissances, même si elles ne sont pas pertinentes à ce moment précis, et à les raviver lorsqu’elles sont précieuses .» Comment expliquer de telles prédispositions? Tout d’abord, la mémoire fait partie de ce fameux patrimoine socio-émotionnel, transmis entre les générations impliquées dans l’entreprise. De plus, elles connaissent une plus grande adhésion et implication de leurs employés, ce qui permet de réduire la rotation de personnel. Cette stabilité joue son rôle dans le maintien de cette mémoire organisationnelle.

En investissant dans des entreprises familiales européennes et suisses, comme nous le faisons chez Bruellan, nous obtenons plus qu’une stratégie de long terme: nous devenons aussi bénéficiaires d'une mémoire, utile et pertinente pour reconnaitre les opportunités et les risques potentiels.

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