La fin du cycle de hausse des taux est à bout touchant

Yves Hulmann

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Pour Marc Brütsch, chef économiste de Swiss Life, le point le plus élevé de l’inflation étant déjà passé, les banques centrales disposent d’une plus grande marge de manœuvre.

La fin du mois de janvier sera riche en annonces dans le domaine de la politique monétaire. La Réserve fédérale (Fed) américaine se réunira le 31 janvier et communiquera sa décision concernant ses taux directeurs le 1er février. Le lendemain, ce sera au tour de la Banque centrale européenne (BCE) d’annoncer sa décision concernant l’évolution des taux. Quelle que soit l’ampleur des hausses de taux qui seront alors annoncées par la Fed et la BCE, les marchés seront davantage concentrés sur les signaux envoyés par les banquiers centraux sur la suite de leur action au cours des prochains mois.

«Le point le plus haut de l’inflation est déjà derrière nous», a estimé Marc Brütsch, chef économiste chez Swiss Life, qui s’exprimait lors la présentation des perspectives économiques pour 2023 à la mi-janvier. Aux Etats-Unis, le point le plus élevé de l’inflation a été atteint en juin dernier avec 9%, alors que le renchérissement a touché son plus haut niveau à 10,6% dans la zone euro en octobre dernier.

Faible risque de récession en Suisse

En Suisse, la hausse des prix de 3,5% observée en août dernier devrait aussi avoir constitué son point le plus élevé. Pour 2023, Swiss Life n’anticipe plus qu’une inflation de 2,1% en moyenne, avant que celle-ci ne retomber à 0,7% en 2024. Autre point positif pour la Suisse : le ralentissement en cours de l’économie helvétique ne devrait pas entraîner de récession. Moins d’un tiers (31,5%) des économistes sondés par Bloomberg anticipaient en décembre dernier une récession en Suisse, comparé à une estimation de 90% pour le Royaume-Uni, de 80% pour la zone euro (90% pour l’Allemagne, 70% pour la France) et de 65% pour les Etats-Unis.

Dans ce contexte, Swiss Life formule cinq thèses pour 2023. La première d’entre elles est justement qu’une grande partie de l’économie mondiale ne connaîtra qu’une récession modérée cette année. Et le cas échéant, cette récession ne s’accompagnerait pas d’une forte hausse du taux de chômage. Troisième thèse: le 2023 sera marqué par le retour de la Chine. Le pic de l’inflation étant passé, cela accordera une plus grande marge de manœuvre pour les banques centrales. 2023 devrait aussi offrir une plus grande sécurité en matière de planification pour les investisseurs.

BNS: les taux ne remonteront pas au-delà de 1,25%

Transposées à l’économie suisse, ces cinq thèses se traduisent comme suit. Evitant la récession, l’économie helvétique devrait afficher une croissance de son PIB de 0,8% cette année, avec un taux de chômage qui devrait se limiter à 2,1%. Le retour de la Chine devrait aussi profiter à l’économie helvétique compte tenu de la part élevée de ses exportations vers l’Empire du Milieu. Enfin, la diminution de l’inflation à moins de 2% en cours d’année fait que la BNS devrait se contenter de resserrer ses taux d’un quart de point en mars pour porter son taux directeur à 1,25%. Ce niveau devrait ensuite rester inchangé jusqu’en 2024. C’est moins que ce qui était attendu par le consensus des économistes sondés par l’agence Bloomberg qui, eux, anticipent une hausse d’un demi-point en mars, ce qui porterait alors ce taux à 1,5%.

La BCE poursuivra sur sa lancé jusqu’en milieu d’année

Aux yeux des économistes de Swiss Life, nous sommes déjà proches de la fin du cycle de hausse des taux, non seulement en Suisse mais aussi aux Etats-Unis et dans la zone euro. Outre-Atlantique, ce sera le cas durant le printemps 2023. Dans la zone euro, il faudra attendre un peu longtemps: la BCE devrait remonter ses taux pour la dernière fois cette année à 3% au cours du troisième trimestre.

Cette évolution se reflète aussi dans les anticipations des taux d’intérêt à long terme qui sont déjà sur le point de redescendre. Aux Etats-Unis, les taux des emprunts d’Etat à 10 ans devraient retomber à 3,7% au quatrième trimestre 2023 anticipe Swiss Life, ce qui resterait un peu plus élevé que les attentes du consensus (3,41%). Dans la zone euro, les rendements des emprunts à 10 ans en Allemagne (Bund) devraient redescendre à 2,05% à fin 2023, tandis qu’ils devraient se situer à 1,25% pour les emprunts de la Confédération en fin d’année.

Les obligations sont plus attrayantes que les actions

Côté placements, Swiss Life juge les obligations helvétiques attrayantes en comparaison internationale. S’agissant des actions, les valorisations sont certes moins élevées qu’il y a un an mais pas encore vraiment bon marché, nuance José Antonio Blanco, Head Multi Asset chez Swiss Life. En comparaison de l’an précédent, il est frappant d’observer que les écarts de valorisation entre les différents secteurs se sont considérablement réduits. Les actions du secteur des technologies l’information, qui se négociaient avec des multiples de bénéfices de plus de 35 en 2021 se traitent désormais à moins de 25 fois leurs bénéfices attendus. Globalement, Swiss Life estime que les obligations intègrent déjà davantage les risques conjoncturels et ceux liés à la politique monétaire que les actions, ce qui rend les emprunts plus attrayants sur une base ajustée des risques.

Immigration élevée et faible activité de construction

Quant à l’immobilier, Swiss Life estime que le marché du logement restera attrayant en Suisse. C’est le cas non seulement en raison de l’immigration qui est toujours soutenue – sur les neuf premiers mois de 2022, elle a été 26% plus élevée que la moyenne observée au cours des huit dernières années – mais aussi en raison de la rareté des objets disponibles sur le marché, un phénomène qui sera encore accentué par la faible activité de construction actuelle.

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