La dette émergente d’Amérique latine

Carlos de Sousa, Vontobel Asset Management

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La dette extérieure et en devise locale de certains pays d’Amérique latine garde tout son attrait.

©Keystone

La dette extérieure et en devise locale de certains pays d’Amérique latine nous semble toujours aussi attrayante. Il est toutefois essentiel de bien distinguer entre dette extérieure et dette en devise locale, car certains pays ne sont intéressants que pour la première et d’autres uniquement pour la seconde.

Commençons par le géant brésilien

Les obligations brésiliennes en devise locale gardent nos faveurs malgré toute l’agitation politique autour du président Lula et la volatilité qui en découle. Plusieurs raisons expliquent notre positionnement. Premièrement, la banque centrale brésilienne a été l’une des premières à s’engager dans le cycle de hausse des taux d’intérêt mondiaux: elle a procédé rapidement à un resserrement agressif de ses taux, de sorte que la désinflation au Brésil a commencé beaucoup plus tôt que dans le reste du monde. Dans un sens, le cycle économique brésilien est un bon indicateur de l’évolution dans le reste du monde six à douze mois plus tard; nous nous attendons donc à ce que la banque centrale du brésil soit parmi les premières à réduire ses taux plus tard dans l’année, et les détenteurs d’obligations devraient récolter des gains en capital une fois que les taux d’intérêt auront commencé à décliner.  Deuxièmement, le carry à deux chiffres offert par les obligations domestiques du Brésil n’est pas facile à battre. Troisièmement, les évaluations monétaires demeurent attrayantes étant donné que les comptes extérieurs du pays sont en bien meilleure forme qu’il y a quelques années. La politique reste le seul bémol: le Brésil n’est donc pas un pays où l’on achète des obligations pour les conserver, il est nécessaire de rester actif pour profiter de la volatilité accrue. Le débat sur la hausse potentielle de l’objectif d’inflation pose un risque, mais ce facteur a déjà été intégré dans les cours.

Du côté de la dette souveraine extérieure, le Brésil n’a pas nos faveurs du point de vue des valorisations.  De plus, nous estimons qu’un certain nombre d’entreprises pourraient avoir du mal à refinancer leurs engagements au titre de la dette extérieure.  

Les Bahamas restent notre favori pour la dette extérieure

Très dépendant du tourisme, ce riche archipel des Caraïbes a fortement souffert de la pandémie mais a retrouvé au T4 2022 une fréquentation touristique supérieure aux niveaux pré-pandémiques. Les Bahamas ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent car ils ne figurent pas dans l’indice JP Morgan EMBIG Diversified en raison de leur richesse: le PIB par habitant est trop élevé pour qu’ils puissent être classés comme un pays émergent. Les obligations des Bahamas offrent pourtant toujours des rendements à deux chiffres en dollars US, et le gouvernement a implémenté des mesures d’ajustement budgétaire efficaces afin de réduire progressivement la dette publique qui avait excessivement augmenté durant la pandémie.   

Nous privilégions également la Colombie et l'Argentine pour ce qui est de la dette extérieure.

Dans le cas de la Colombie, les valorisations des obligations semblent très attrayantes après deux abaissements consécutifs de la notation de crédit en 2021 et l'élection du président populiste de gauche Petro en 2021. Malgré les tendances populistes de Petro, les institutions colombiennes s'avèrent être des freins et des contrepoids suffisants pour empêcher la mise en œuvre de politiques farfelues. Dans ce contexte, nous pensons que les valorisations de la dette des entreprises et de la dette souveraine sont attrayantes.

Dans le cas de l’Argentine, notre thèse d’investissement repose sur un changement politique qui se concrétisera très probablement lors de l’élection présidentielle du mois d’octobre prochain. Avec une inflation qui se maintient à 95% et devrait rester à un niveau inacceptable tout au long de l’année, les chances de réélection de la coalition de gauche au pouvoir Frente de Todos nous paraissent très faibles et c’est une bonne nouvelle. La coalition d’opposition, Juntos por el Cambio, emportera probablement la présidence et la politique économique devrait s’améliorer malgré les gigantesques défis à relever dans les années à venir. Nous ne détenons pas des obligations argentines dans l’attente d’un remboursement intégral, ni pour le carry qui est relativement faible. Mais elles pourraient se révéler comme le meilleur investissement souverain de l’année 2023 en termes de rendement total. En effet, le prix actuel des obligations oscille entre 25 et 30 cents par dollar, ce qui est probablement inférieur à leur valeur de récupération, même si elles finissent par être restructurées en 2025 ou 2026.

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