Elections brésiliennes: les sondages prévoient une course serrée

Thierry Larose, Vontobel Asset Management

2 minutes de lecture

Que le vainqueur soit Lula ou Bolsonaro, sans autre moyen de respecter les limites de dépenses imposées par le plafond constitutionnel, les réformes économiques progresseront probablement.

Alors que le second tour des élections présidentielles brésiliennes a lieu ce dimanche, les sondages affichent une égalité technique entre Luiz Inácio Lula da Silva et Jair Bolsonaro, avec une légère avance pour da Silva.

Les marchés considérant généralement que les gouvernements de droite sont plus à même de favoriser la croissance économique tout en gérant les finances publiques de manière responsable, cette annonce est saluée avec enthousiasme. Toutefois, Lula pourrait l'emporter de justesse. Pour rattraper le différentiel négatif de 6,5 millions de voix au premier tour, Bolsonaro doit gagner les voix de plus de 70%, des électeurs de Simone Tebet et de Ciro Gomes, présents au premier tour, ou celles provenant de bulletins nuls et blancs en sa faveur.

Progression des réformes économiques pour les deux candidats

Dans les deux cas, sans autre moyen de respecter les limites de dépenses imposées par le plafond constitutionnel, les réformes économiques progresseront probablement. Lula Da Silva tentera certainement d'abroger ce plafond, mais la barre semble trop haute pour que sa coalition obtienne une majorité qualifiée à cette fin, en particulier au Sénat, où les partis de droite sont dominants. Bolsonaro cherchera lui aussi à ajuster cette contrainte, mais les ressources politiques de son ministre de l'économie, Paulo Guedes, ne sont pas illimitées et il devra accepter un compromis entre ses principaux objectifs.

Le plus urgent reste les réformes administratives et fiscales. Lula s'efforcera probablement de réduire les inégalités, de stimuler les investissements dans l'éducation et les infrastructures, de remettre l'environnement à l'ordre du jour, notamment en mettant fin à la déforestation de l'Amazonie, et de rétablir le rôle du pays au sein de la communauté internationale. A l'inverse, Bolsonaro continuera de réduire le rôle de l'Etat dans l'économie et de faciliter les affaires, tout en essayant de rétablir une discipline fiscale mise à mal par la campagne électorale.

Privatisation: des approches opposées

La privatisation des entreprises publiques, ainsi que la mise aux enchères des licences d'exploitation des infrastructures publiques, sont un objectif principal de Paulo Guedes (Ministre de l’Economie), et le resteront si Bolsonaro remporte un second mandat. C'est la seule carte qu'il peut jouer pour réduire le poids de la dette publique, face aux taux d'intérêt réels plus élevés que la croissance du PIB réel et face au problème majeur du maintien d'un excédent budgétaire primaire l'année prochaine. Par ailleurs, les privatisations à grande échelle se heurtent à de nombreux obstacles judiciaires et politiques et prennent beaucoup de temps à se concrétiser. La privatisation de Petrobras prendrait non seulement plus de temps qu'un mandat présidentiel, mais se heurterait également à un refus de Bolsonaro lui-même, dont le programme populiste implique un interventionnisme constant et actif dans la politique de prix de l'entreprise. A contrario, une présidence de Lula mettrait certainement fin aux privatisations des entreprises publiques, mais il ne semble pas pour autant que les renationalisations soient à son programme.

Le vainqueur fera face à une économie en perte de vitesse

La croissance est bien présente, mais elle est surtout le résultat de la réouverture de l'économie après la crise de Covid, de multiples séries de mesures de relance budgétaire et des prix élevés des matières premières. Tous ces facteurs sont sur le point de disparaître ou de s'estomper. Les attentes pour l'année prochaine sont beaucoup plus faibles et à peine en territoire positif.

L'inflation globale, très faible actuellement, et s'explique essentiellement par les réductions de taxes sur les produits énergétiques mises en œuvre l'été dernier. Les prix non réglementés ont également ralenti grâce à la politique monétaire restrictive, mais l'inflation de base est toujours élevée malgré le cycle de resserrement maintenant terminé. En outre, le niveau d'inflation à deux chiffres qui prévaut encore dans le secteur de l'alimentation et des boissons est préoccupant.

La dette de consommation non performante d'environ 1000 milliards de reais qui pèse sur les finances des familles inquiète aussi. Près de 80% des familles brésiliennes sont endettées et 30% d'entre elles ont du mal à rembourser leur dette en raison des taux d'intérêt des prêts privés extrêmement élevés: un prêt automobile coûte environ 27% par an et un découvert de carte de crédit environ 380% par an.

La prudence s'impose également en matière de politique budgétaire. Les bons résultats enregistrés par les recettes fiscales depuis le début de l'année ont été principalement affectés à des réductions d'impôts et à des subventions plutôt qu'à la réduction de la dette ou à la formation nette de capital.

Quant à la viabilité de la dette, après avoir sensiblement diminué l'an dernier grâce à la forte croissance du PIB nominal, la dette brute sur PIB devrait reprendre sa progression en 2023. La dette nette souffrira de l'effet négatif de la hausse des taux du dollar sur les réserves de change. En outre, le coût du service de la dette publique reste assez élevé (près de 25% des recettes publiques), car plus de 70% de l'encours de la dette est indexé sur le taux de la politique monétaire (via les Letras Financeiras do Tesouro) ou sur l'inflation (via les Notas do Tesouro Nacional - Série B/C). Il y a donc peu de place pour l'euphorie de ce côté-là également.

A lire aussi...