La Chine devrait réussir à reprendre la main

Fabrizio Quirighetti, SYZ Asset Management

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La décélération «naturelle» de la croissance chinoise représente un vrai défi.

De la Chine, il est beaucoup question. Les perspectives de l’année 2019 semblent reposer sur la robustesse dont la deuxième puissance mondiale saura faire preuve car la croissance économique mondiale dépend largement de la manière dont elle gérera son ralentissement, son endettement et ses relations avec les Etats-Unis dans le contexte de la guerre commerciale. Les réponses de Fabrizio Quirighetti, membre de l'Association des Stratégistes d'Investissement de Genève (ISAG) aux cinq questions d’Allnews.

Quels sont les principaux dangers que vous percevez en Chine?

 La guerre commerciale a certes été un frein inattendu et inopportun en 2018, car elle est arrivée juste au moment où les autorités tentaient de reprendre le contrôle de la croissance effrénée du crédit, mais elle n’est pas insurmontable à l’avenir. Premièrement, les exportations chinoises à destination des Etats-Unis ne représentent que 4% du PIB chinois. Ensuite, on peut légitiment imaginer qu’elles seront en partie compensées par une augmentation des échanges avec d’autres partenaires commerciaux.

Le danger principal réside dans l’incapacité des autorités
chinoises à enrayer la décélération observée depuis 18 mois.

Selon nous, le danger principal réside dans l’incapacité des autorités chinoises à enrayer la décélération de la croissance observée depuis 18 mois. Au-delà de l’actualité des derniers mois concernant la guerre commerciale, c’est la décélération «naturelle» de la croissance chinoise, du fait de sa taille actuelle et de sa forte progression de ces 20 dernières années, de la transition du secteur secondaire au tertiaire (moins impressionnant en terme de croissance et gains de productivité que celui de l’agriculture à l’industrie), du vieillissement de sa population, du ralentissement, voir même de la contraction depuis 2-3 ans, de ses gains de productivité qui représentent les vrais défis auxquels doit faire face la Chine. D’autant que les recettes passées pour relancer la croissance, à savoir robinet monétaire ouvert à fond ou les dépenses publiques inconsidérées, ne peuvent plus être aussi généreuses du fait de l’augmentation vertigineuse de la dette de ces dernières années. Elles sont donc plus mesurées, ciblées, avec pour conséquence des effets moins impressionnants et qui mettent plus de temps à se manifester. Nous estimons, que la Chine devrait réussir cette année à reprendre la main et stabiliser sa croissance, au moins temporairement, car contrairement à la plupart des économies développées, il lui reste encore quelques marges de manœuvre. 

 En 2007, Wen Jiabao disait que le plus grand problème de l’économie chinoise était que sa croissance était instable, déséquilibrée, incontrôlée et insoutenable. Le gouvernement actuel, et par ricochet, l’économie mondiale doit aujourd’hui en assumer les conséquences. Nous l’avons constaté l’année dernière: l’Europe et le Japon, aussi bien en matière d’exportations que de marchés, sont dorénavant beaucoup plus sensibles à la santé de l’économie chinoise qu’à celle de l’Oncle Sam. 

Vous positionnerez-vous sur les actions chinoises?

Oui. Cela peut sembler paradoxal au vu de ce que j’exposais plus haut mais les actions chinoises offrent des valorisations attrayantes, aussi bien en absolu que par rapport aux alternatives des pays développées (par exemple Baidu, Huawei, Tencent par rapport à Google, Apple ou Amazon). En outre, la Chine a encore quelques atouts dans sa manche et elle est en train d’adopter des politiques économiques plus accommodantes alors qu’aux Etats-Unis ou en Europe il semble difficile d’imaginer des politiques monétaires ou fiscales plus expansionnistes dans les mois à venir. Certes le discours peut s’assouplir, surtout au niveau de la Fed, mais les moyens sont limités (le déficit public des Etats-Unis ne devrait pas repasser sous les 5% ces 10 prochaines années!). Finalement, un peu comme le fait Trump, le Parti communiste est très attentif aux marchés actions et fera « whatever it takes » pour empêcher une ultérieure chute marquée ou crash de ce marché.

Nous ne voyons pas de grandes tendances haussières
ou baissières sur la plupart des grandes matières premières.
Et sur la dette chinoise?

Nous avions une position en dette gouvernementale chinoise l’année dernière dans certains de nos fonds car nous nous attendions à une baisse des taux, mais les gains sur les obligations ont été effacés par la baisse de la devise et la position a été clôturée.  La question va cependant se poser de plus en plus ces prochaines années du fait de l’inclusion de la Chine dans les indices obligataires mondiaux (pour montant non marginal). Cependant, mises à part la dette gouvernementale et quelques sociétés internationales, le reste est pour l’instant très nébuleux pour des investisseurs étrangers (pas couvert et peu liquide). Il y a donc certainement des risques et ainsi des opportunités pour les gérants spécialisés.

 Quel sera l’impact de la Chine sur les marchés du Sud-Est asiatique?

Certaines économies comme le Vietnam ou la Thaïlande pourraient tirer parti d’une réorganisation de la chaîne de production en dehors de la Chine, cependant il est difficile d’imaginer que l’ensemble de la région bénéficie des malheurs de la Chine. Dans l’ensemble, nous préférons toutefois les actions émergentes asiatiques à celles de l’Amérique latine ou de l’Afrique du Sud pour les raisons évoquées plus haut (évaluations attrayantes et prévision d’une stabilisation de la croissance chinoise).

 Et sur les matières premières?

La Chine restera le plus gros marché de la plupart des matières premières. Toutefois, son poids marginal ne progressera plus ou pas aussi rapidement que ces 20 dernières années. Par conséquent, elle ne devrait pas avoir autant d’importance que par le passé même si pour certaines matières premières comme l’acier elle restera prépondérante. Pour cette année, nous ne voyons pas de grandes tendances haussières ou baissières sur la plupart des grandes matières premières. Sauf pour l’or sur lequel nous nous sommes positionnés à l’achat... mais là ce n’est pas à cause de la Chine!

 

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