La BCE poursuit son rattrapage

Arthur Jurus, ODDO BHF

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La BCE a déjà relevé ses taux de 125 points de base lors de ses deux dernières réunions, soit le resserrement monétaire le plus rapide jamais enregistré.

Il est probable que la Banque Centrale Européenne augmentera de nouveau ses taux d’intérêt de 75 points de base le 27 octobre, en réponse à une inflation record. Ainsi, les taux de dépôt seront probablement portés à 1,5% et le taux de refinancement à 2%. La BCE a déjà relevé ses taux de 125 points de base lors de ses deux dernières réunions, soit le resserrement monétaire le plus rapide jamais enregistré. Les investisseurs anticipent désormais un taux BCE de 2% en fin d’année 2022 et de 3% mi-2023. Un ralentissement important de l’économie découlera de ce resserrement monétaire. La BCE anticipe une croissance économique de 0,4% en 2023 et les analystes de 0,2%.

L’inflation en zone euro est désormais cinq fois supérieure à l’objectif de la banque centrale. Celle-ci s’est accélérée pour atteindre 9,9% en septembre contre 9,1% en août, alimentée par les prix de l’énergie et de l’alimentation dont les contributions sont respectivement de 4,2 et 2,5 points de pourcentage. L’inflation ne se limite pas à ces composantes volatiles. En effet, l’inflation sous-jacente a elle aussi atteint un niveau record de 4,8%, sous l’effet de la hausse des biens industriels hors énergie (5,5%) et des services (4,3%). En outre, les anticipations d’inflation à cinq ans ont augmenté de 20 points de base depuis début septembre et sont désormais à 2,4%. Selon une étude de la BCE, les facteurs de demande contribuent depuis quelques mois tout autant que les facteurs d’offre à l’inflation en raison des effets de réouverture post-Covid. Ainsi, la baisse de la demande, au risque d’une récession de plus en plus probable, est nécessaire pour atténuer l’inflation. Cela est d’autant plus vrai que celle-ci ne semble pas avoir atteint son pic en zone euro, avec (i) des prix à la production en hausse de 45% en Allemagne, et (ii) une possible inflation salariale à venir.

L’attention des investisseurs se portera également sur les (i) opérations de financement (TLTRO) ainsi que (ii) la réduction du bilan de la BCE. Sur le premier point, les banques ont désormais la possibilité de réaliser un bénéfice sur les opérations de refinancement qu’elles ont contracté auprès de la BCE. En effet, le taux d’intérêt moyen payé sur ces opérations de prêt est inférieur au taux de dépôt, désormais à 0,75%. L’introduction d’un système de «tiering inversé» semble être l’option la plus probable. Cela signifie qu’un multiple du montant de réserves obligatoires serait rémunéré au taux de dépôt, et au-delà, la rémunération serait de 0%. Sur le second point, les discussions autour de la réduction du bilan de la BCE, désormais proche de 9000 milliards d’euros, ont été initiées cette semaine par les membres du directoire de la BCE. Ce dernier devrait s’effectuer via l’arrêt des progressif des réinvestissements de programme d’achats d’actifs principal et pourrait commencer fin 2022 selon les dires de François Villeroy de Galhau.

Les marchés réagiront principalement aux annonces relatives au resserrement quantitatif et aux conditions des TLTRO, la hausse des taux de 75 points de base étant anticipée. Les taux italiens seront à surveiller pour deux raisons principales. Premièrement, le spread entre les taux italiens et les taux allemands pourrait s’élargir si le marché perçoit des signes d’un resserrement monétaire prématuré. Deuxièmement, il pourrait aussi s’écarter face aux annonces relatives aux TLTRO. En effet, la dette souveraine italienne a grandement bénéficié de ces opérations, bien que celles-ci ciblaient principalement les prêts aux entreprises et aux ménages.  Les banques italiennes ont emprunté environ 400 milliards d’euros à la BCE et ont acheté près de 200 milliards d’euros de dette publique italienne. Ainsi la prudence est de mise sur la dette italienne. Quant à l’euro, pas le moment d’être positif en raison de l’effet négatif sur l’activité.

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