La BCE face à l’affront de la déflation

Arthur Jurus, Landolt & Cie

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La banque centrale devrait annoncer son intention d’assouplir encore sa politique monétaire en fournissant davantage de liquidités.

©Keystone

Ces annonces interviendraient soit de manière discrétionnaire en cas de nouveau choc économique, soit lors de la réunion du 10 décembre prochain à Francfort. L’institution monétaire devra ainsi relever un nouveau challenge: répondre à une situation déflationniste et à un euro fort.

L’environnement économique et la crise sanitaire justifieraient ces nouvelles décisions. La conjoncture économique s’est améliorée depuis le début de l’été mais des premiers signes de fléchissement sont déjà observés. Les indicateurs avancés sur l’activité PMI montrent un essoufflement des nouvelles commandes, des délais de livraison et de la charge de travail qui se traduit par une contraction de l’activité en septembre par rapport à août. Si l’industrie se porte mieux, principalement grâce à une forte accélération du secteur industriel allemand, la contraction de l’activité tertiaire devrait se poursuivre et s’intensifier en raison de la mise en place de nouvelles mesures sanitaires. Le risque d’un nouveau retournement n’a jamais été aussi important au cours des six derniers mois.

Près de 40% des prix des biens et services relevés ont diminué
sur un an - une proportion supérieure aux niveaux de 2010 et 2015.

Mais si l’objectif de stabilité financière est satisfait par les mesures monétaires de 2020, celui relatif à la stabilité des prix n’a jamais été aussi éloigné. La zone euro est ancrée en territoire déflationniste. Les prix ont été réduits de 0,3% sur un an. Une situation certes moins marquée que celle suisse (-0,8%) mais qui ne s’est produite qu’une dizaine de fois au cours de la dernière décennie. Un niveau d’activité significativement plus faible qu’en début d’année, une faible pression salariale en raison d’un marché du travail fortement dégradé et l’appréciation de l’euro de 6% face à 37 autres devises sur un an, pour atteindre son plus haut historique, contribuent à cette absence de pression inflationniste. Surtout, près de 40% des prix des biens et services relevés ont diminué sur un an - une proportion supérieure aux niveaux de 2010 et 2015 qui avaient précédé de nouvelles mesures monétaires.

Augmenter les rachats d’actifs serait justifier pour quatre principales raisons.

  • Premièrement, les analystes anticipent une augmentation d’au moins 500 milliards d’euros des programmes de rachats d’actifs. Ces attentes sont d’autant plus fortes que l’attention en cette fin d’année est principalement concentrée sur la BCE. Un statu-quo demain serait malvenu et se traduirait par une hausse des taux sur les marchés obligataires.
  • Secondement, la BCE ne dispose pas de marges de manœuvre suffisante en cas de nouveau stress financier. Les rachats réalisés par la BCE ces dernières semaines ont ralenti pour compenser leur forte augmentation entre avant l’été et respecter la contrainte de 1’350 milliards d’euros de rachats entre avril 2020 et juin 2021. Une extension des rachats sera donc nécessaire pour ne pas remettre en cause l’engagement et la qualité de la communication du Conseil des Gouverneurs.
  • Troisièmement, l’injection de nouvelles liquidités freinerait l’appréciation de l’euro. Selon une récente étude de la BCE elle-même, plus de 35% de l’appréciation de la monnaie unique au cours de six derniers mois seraient expliqués par l’augmentation de son bilan. Or, le risque de dépréciation du dollar persistera en raison de l’augmentation de la dette fédérale, de l’absence d’augmentation des rachats d’actifs par la FED et de différentiels de taux moins favorables à la monnaie américaine.
  • Enfin, le risque de crédit en Europe devrait augmenter en 2021. Les suspensions ou les reports des procédures de défauts prennent progressivement fin en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne. Si les mesures d’urgence ont mené à une baisse des défaillances en 2020, comme en France, celles-ci devraient fortement augmenter l’an prochain.

La porte ouverte à davantage d’assouplissement monétaire s’avère donc nécessaire, tant quantitativement que qualitativement. Cela soutiendra des rachats plus importants de crédits européens et de moins bonne qualité, et servir l’objectif de Christine Lagarde d’une plus grand verdissement de la politique monétaire.

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